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L’Europe selon En Marche : moins de débat d’idées, moins d’opposition donc moins de démocratie

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Avec ce projet de loi visant à définir les modalités d’élection des représentant·e·s français·e·s au Parlement européen, le gouvernement se comporte comme le “vieux monde” dont elle contestait l’hégémonie : moins de débat d’idées, moins d’opposition parlementaire donc moins de démocratie

Intégralité de l’intervention :

Monsieur le président,

Madame la ministre,

Monsieur le rapporteur,

Mesdames et messieurs les député·e·s,

Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui organise les modalités d’élection des représentant·e·s français·e·s au Parlement européen. Il intervient à un moment où la démocratie européenne, justement, se trouve dans un bien triste état.

L’Union européenne manque de démocratie dans sa substance. Elle ne crée aucun terrain sur lequel ses idéaux pourraient s’approfondir et se renouveler. Elle favorise la cupidité financière et les égoïsmes nationalistes, et n’offre aucun horizon commun d’émancipation collective, de développement mutuel au service de l’intérêt général et de la protection de l’éco-système.

Cet état plus que fragile se reflète au coeur de ses institutions, et notamment au sein d’un Parlement sans pouvoir décisionnel propre, enserré entre la Commission, les exécutifs nationaux et rongé par les lobbys.

La crise démocratique qui secoue nos sociétés est notamment une crise de représentativité. La représentativité qui permet que le vote crée un sentiment d’appartenance à une communauté de destin. Or, cette représentativité ne peut exister que si, en aval du vote, les différentes voix qui animent le débat d’idées ont la possibilité de s’exprimer.

Il y a quelques jours, à l’occasion de son long discours à Aix-la-Chapelle où il a reçu un prix “Charlemagne” truffé de références ecclésiastiques et monarchiques qui ont dû plaire à son esprit jupitérien mais qui sont tout de même fort éloignées de nos traditions républicaines, le président Macron a insisté sur le fait de ne pas subir les mouvements du monde. 

Mais “en même temps”, comme il se doit en Macronie, le gouvernement fait subir au débat démocratique un rétrécissement fort peu propice au renforcement de la souveraineté populaire. Tel est le sens contraire des projets  prévus par le gouvernement en matière de révision constitutionnelle au niveau national, et d’une partie des dispositions de ce texte en matière d’organisation des débats électoraux européens. 

Ainsi, d’après la pensée complexe macronienne, moins de débat d’idées permet de ne pas subir, moins d’opposition parlementaire garantit une démocratie plus efficace. Les oxymores sont légions, mais au-delà de l’apparat verbeux, ils constituent des attaques permanentes à la démocratie. Or, la démocratie représentative et son corollaire parlementaire font partie des idéaux européens fondateurs. Ils impliquent le contrôle efficace d’un exécutif par la possibilité de la contradiction ET permet ce contradictoire par l’organisation d’un débat d’idées équitable.

Voilà pourquoi, même si nous voterons en faveur de ce texte, puisque nous sommes favorables à la circonscription unique qu’il remet en place, nous nous opposons à la disposition de son article 2 qui aura pour effet de réduire le temps de parole des groupes parlementaires d’opposition.

Il s’agirait, selon les arguments maintes fois répétés par la majorité, de mettre le texte de loi en conformité avec la décision constitutionnelle n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017 Association En Marche ! C’est un argument de façade.

  1. Le Conseil d’Etat avait critiqué les dispositions actuelles et proposé une autre répartition jugée plus équitable. Le gouvernement a écarté cette option. 
  2.  Le Conseil Constitutionnel lui-même dans le commentaire qu’il a produit sur la décision précitée nous dit « Sans doute est-il légitime de tenir compte de l’audience des partis et groupements principaux. Encore faut-il que le vœu d’un regroupement en grandes tendances ne prédomine pas sur la nécessité de ne pas entraver l’émergence de nouveaux courants politiques. »

La République en marche se comporte avec ce texte exactement comme les partis du “vieux monde” dont elle contestait l’hégémonie. Elle veut, maintenant qu’elle est au pouvoir, l’inverse exacte de ce qu’elle défendait pendant sa conquête, ou, devrions nous dire son hold-up, du pouvoir. 

Cela révèle une certaine insécurité sur sa capacité à convaincre. Car si les ambitions que La République en marche a pour l’Europe trouvaient une résonance chez les citoyens et citoyennes, celles et ceux-ci n’auront aucun mal à voter pour ce projet. Mais l’Union européenne qu’Emmanuel Macron, son gouvernement et sa majorité défendent rentre trop souvent en contradiction avec ce que le projet européen avait la volonté d’être, avec ce qu’il se devrait d’être pour les peuples d’Europe et pour le reste du monde.

Essayer, par des démarches technocratico-politiciennes, de freiner un débat  nécessaire sur l’avenir commun européen, c’est tenter vainement de ralentir la chute d’un monde qui a échoué à réaliser le rêve de souveraineté et d’émancipation des peuples. 

Comme nous l’avons déclaré, aux côtés de nos camarades de Podemos en Espagne et du Bloc des gauche portugais lors du lancement de notre mouvement européen commun “Et maintenant le peuple”:

L’heure est arrivée de rompre avec le carcan des traités européens qui imposent l’austérité et favorisent le dumping fiscal et social. L’heure est arrivée que celles et ceux qui croient en la démocratie franchissent une nouvelle étape pour rompre cette spirale inacceptable. Nous devons mettre un système économique injuste, inefficace et insoutenable au service de la vie et sous le contrôle démocratique des citoyen·ne·s.

Nous avons besoin d’institutions au service des libertés publiques et des droits sociaux, qui sont la base matérielle même de la démocratie. Nous avons besoin d’un mouvement populaire, souverain, démocratique, qui défende les meilleures conquêtes de nos grands-mères et de nos grands-pères, de nos pères et de nos mères, et puisse léguer un ordre social juste, viable et soutenable aux générations futures.

En dépit de vos mesquines manoeuvres, serons nombreux et nombreuses à porter ce message, en France et en Europe. Et nous ne doutons pas de parvenir à en convaincre le plus grand nombre de nos concitoyen·ne·s. Nous voterons donc, sans états d’âme, en faveur de ce texte.

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