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PROPOSITION DE LOI tendant à allonger la durée du congé paternité en cas d’accouchement prématuré ou d’hospitalisation du nouveau-né

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En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, j’ai déposé une proposition de loi relative à l’allongement du congé paternité. Paradoxe ? Non, car si les femmes peuvent bénéficier d’une extension de leurs congés maternités en cas d’hospitalisation du nouveau né : « Lorsque l’accouchement intervient plus de six semaines avant la date prévue et exige l’hospitalisation postnatale de l’enfant, le congé de maternité est prolongé du nombre de jours courant de la date effective de l’accouchement au début des périodes de congé de maternité » (article Article L1225-23).

Pour les pères, les textes en vigueurs sont plus brefs, et réunis dans ces articles. Ils prévoient davantage de jours en cas de naissance multiple, mais rien en cas d’hospitalisation du nouveau né. Ce qui fait que les mères sont seules à faire face à cette hospitalisation, car les pères ne peuvent pas prendre de congés supplémentaires relatifs à cette naissance.

Ainsi, donner plus de droits aux pères renforce l’égalité entre les femmes et les hommes au moment de l’arrivée d’un enfant. Car si les pères ont davantage de temps pour s’occuper de leur enfant, c’est autant de soins qui ne reposeront pas exclusivement sur la mère. Cela est crucial pour l’équilibre de la répartition de la charge mentale relative à l’enfant au sein des parents. Cela est d’autant plus crucial si l’enfant doit être hospitalisé.

Cette proposition de loi a trouvé un écho sur tous les bancs de l’assemblée, il est signé par l’ensemble du groupe de la France insoumise, mais aussi des députés issus des groupes GDR, Modem, LREM, UDI, apparentée LR et LR, ainsi que des députés non inscrits.

Retrouvez ici la proposition de loi sur le site de l’Assemblée nationale.

PROPOSITION DE LOI

tendant à allonger la durée du congé paternité en cas d’accouchement prématuré ou d’hospitalisation du nouveau-né,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bastien LACHAUD, Mathilde PANOT, Jean-Luc MÉLENCHON, Adrien QUATENNENS, Danièle OBONO, Jean-Hugues RATENON, Michel LARIVE, Alexis CORBIÈRE, Éric COQUEREL, Ugo BERNALICIS, Caroline FIAT, Loïc PRUD’HOMME, Clémentine AUTAIN, Sabine RUBIN, Muriel RESSIGUIER, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE, Moetai BROTHERSON, Gabriel SERVILLE, Jennifer De TEMMERMAN, Maud PETIT, Richard RAMOS, Nadia RAMASSAMY, Paul CHRISTOPHE, Michel CASTELLANI, Paul-André COLOMBANI, M’jid EL GUERRAB, Jacques CATTIN, Geneviève LEVY, Maxime MINOT, Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, Robin REDA, Jean-Luc REITZER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La naissance d’un enfant est une immense joie. Néanmoins, pour 120 000 parents français chaque année, cette joie est souvent teintée d’angoisse. Il s’agit des parents de bébés prématurés. Selon l’OMS, la prématurité désigne toute naissance ayant lieu avant le terme de 37 semaines d’aménorrhée (SA) révolues et après le terme de 22 semaines d’aménorrhée. En France, 60 000 à 65 000 enfants naissent prématurément chaque année, soit un peu moins de 600 naissances par jour. Parmi eux, 85 % sont des prématurés moyens (32-37 SA), 10 % sont des grands prématurés (28-32 SA) et 5 % sont des très grands prématurés, nés entre 22 et 28 SA.

Les chiffres concernant la prématurité proviennent principalement des enquêtes nationales périnatales, menées conjointement par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Les naissances avant terme, englobant les enfants nés vivants et les enfants mort-nés, représentaient 5,9 % des naissances en 1995, 7,4 % en 2010. En 2016, ce pourcentage était de 8,3 % en métropole et de 12,4 % dans les DROM. Sur le long terme, on note une augmentation faible mais continue du taux de prématurité pour les naissances vivantes uniques : 4,5 % en 1995, 5 % en 2003, 5,5 % en 2010 et 6,0 % en 2016. Ce taux est de 10,1 % outre-mer. Par ailleurs, la fréquence des enfants de petit poids pour l’âge gestationnel (inférieur au 10ème percentile) a augmenté de 10,1 % à 10,8 % entre 2010 et 2016.

En France, environ la moitié des naissances prématurées sont spontanées. L’autre moitié est provoquée, c’est-à-dire liée à une décision médicale, prise parfois dans l’urgence en raison d’un risque pour le fœtus ou la mère (retard de croissance intra-utérin, hypertension artérielle ou hémorragie maternelle). L’accouchement prématuré engendre inquiétude et d’angoisse pour les parents, liées au risque de mortalité et d’éventuelles séquelles. Gardons à l’esprit qu’environ 2 000 enfants meurent chaque année des suites de leur naissance prématurée. Les jumeaux présentent un risque très élevé de prématurité et de petits poids à la naissance. Parmi les naissances vivantes, le taux de prématurité est de 47,5 % au lieu de 6,0 % chez les singletons, soit une fréquence multipliée environ par sept.

Dans la plupart des cas, l’accouchement prématuré est suivi d’une hospitalisation du nouveau-né dans un service de néonatalogie, qui durera de quelques jours à plusieurs mois. En effet, pour sortir de l’hôpital, le nourrisson doit être autonome aussi bien sur le plan respiratoire que sur celui de l’alimentation. Cela peut prendre de nombreuses semaines. Et l’hôpital est souvent éloigné du domicile parental.

La mère est généralement en congé maternité durant cette hospitalisation. En effet, en application de l’article L. 1225-20 du code du travail, « lorsque l’accouchement intervient avant la date présumée, le congé de maternité peut être prolongé jusqu’au terme, selon le cas, des seize, vingt-six, trente-quatre ou quarante-six semaines de suspension du contrat auxquelles la salariée a droit, en application des articles L. 1225-17 à L. 1225-19 ». En d’autres termes, la durée totale du congé est donc égale à la durée du congé légal de maternité auquel a droit la mère, augmentée du nombre de jours courant à partir de l’accouchement jusqu’au début de ce congé. Par ailleurs, en vertu de l’article L. 1225-23 du code du travail, lorsque l’accouchement intervient plus de six semaines avant la date prévue et exige l’hospitalisation postnatale de l’enfant, le congé maternité est prolongé du nombre de jours courant de la date effective de l’accouchement au début des périodes de congé prénatal.

En revanche, aucune mesure particulière n’existe actuellement pour les pères de ces enfants prématurés, logés à la même enseigne que les pères de bébé nés à terme et en parfaite santé : autorisation d’absence de trois jours (congé de naissance), et le congé de paternité et d’accueil de 11 jours. Ce congé est porté à 18 jours en cas de naissance gémellaire. Ces pères se retrouvent donc, au cours de l’hospitalisation de leur enfant, à devoir assurer à la fois leur activité professionnelle, la prise en charge des éventuels frères et sœurs du nourrisson et les visites dans les services de néonatalogie afin de profiter de quelques instants avec leur(s) nouveau-né(s). L’absence de congé spécifique ne leur permet absolument pas de faire face au choc de la prématurité et d’aider les mères à affronter la situation. Ces dernières se retrouvent alors isolées avec ce tout petit nourrisson, seules à pouvoir s’en occuper. Or elles éprouvent souvent de la culpabilité, un sentiment d’exclusion face à l’environnement hospitalier, ou une incapacité à s’approprier leur rôle de mères.

Il est aujourd’hui pourtant acquis, pour les professionnels de santé et les scientifiques comme pour les familles, que les bébés prématurés ont besoin de la présence de leurs parents pour bien grandir. La présence des parents, le fait qu’ils puissent parler à leur enfant, s’entretenir avec les personnels soignants, participer éventuellement aux soins prodigués au nourrisson favorise le développement des liens parentaux. Le peau-à-peau, c’est-à-dire le fait de prendre son enfant contre soi, a notamment prouvé son efficacité thérapeutique. Il constitue une source de stimulations multi sensorielles positives, et est recommandé comme traitement non médicamenteux de la douleur. Les études scientifiques prouvent qu’il permet une stabilisation plus rapide du rythme cardiaque, une meilleure stabilité cardio-respiratoire, une meilleure température corporelle, la diminution du nombre d’infections ainsi qu’une récupération plus rapide de la perte de poids à la naissance. Ce contact direct favorise en outre la création et l’approfondissement des liens parents-enfant. Or une enquête de janvier 2015 sur le ressenti des parents d’enfants hospitalisés à la naissance, menée par SOS Prémas, la Société française de néonatalogie et le Ciane, indiquait que deux tiers des parents de prématurés interrogés auraient souhaité faire plus souvent du peau-à-peau avec leur enfant durant son hospitalisation. En Suède, l’architecture des services de néonatologie et les soins du nouveau-né centrés sur la famille sont à l’origine d’une diminution de la mortalité et de la morbidité neurologique des petits prématurés. Le développement, encore trop timide, de la part des maternités disposant d’une unité kangourou (30 % actuellement) favorise également la présence parentale auprès des enfants hospitalisés.

En 2013, la plateforme de propositions du collectif « prématurité », initié par la société française de néonatologie et l’association SOS Prémas, notait que « les enfants prématurés hospitalisés ont besoin de leurs parents auprès d’eux » mais que « les unités de soins en néonatalogie ne sont pas systématiquement conçues pour répondre à cet impératif ». Il recommandait ainsi de « permettre aux parents d’enfants prématurés, dont la présence est indispensable, de s’occuper pleinement et sereinement de leur enfant » et « d’allonger le congé paternité des pères d’enfants prématurés ».

Le 5 février 2017, le groupe de travail de l’Assemblée nationale « prématurité et nouveau-nés vulnérables » rendait son rapport. Il proposait plusieurs pistes pour améliorer la situation de ces familles. L’une d’entre elle consistait à « éviter toute séparation entre les parents et le nouveau-né » ; une autre à favoriser l’hospitalisation à domicile. Ces deux voies d’amélioration sont impossibles en l’absence d’une meilleure disponibilité des pères. C’est pourquoi les membres de ce groupe de travail proposaient déjà « d’augmenter la durée du congé paternité et d’accueil de l’enfant, afin qu’il soit égal à la durée d’hospitalisation ».

Après la période d’hospitalisation, qui peut durer plusieurs mois, vient le moment tant attendu du retour à la maison. Il peut s’effectuer dans le cadre d’une hospitalisation à domicile ou d’une sortie d’hôpital plus classique. Dans les deux cas, il faut trouver ses repères après une période au cours de laquelle le personnel médical endossait la responsabilité de la santé de l’enfant. Rentrer chez soi avec un (ou deux) nourrisson(s) fragile(s), pesant la plupart du temps un petit poids (autour de 2 kilos), pouvant encore faire l’objet de soins médicaux importants, fait peser une lourde responsabilité sur les épaules des nouveaux parents. Dans ces moment-là aussi, la présence du père est indispensable à l’équilibre de la famille et au bien-être du nourrisson. C’est à ce moment-là que les onze jours du congé paternité (ou dix-huit jours en cas de naissances gémellaires) tel qu’il existe actuellement sont absolument nécessaires.

La présente proposition de loi vise donc à améliorer l’accueil de ces tout-petits enfants en leur permettant de bénéficier de la présence de leur père au cours des premières semaines mouvementées de leur vie. Elle vise à faciliter le quotidien des parents, des bébés prématurés ou hospitalisés à la naissance et des autres membres de la fratrie dans ce moment compliqué que constitue toujours une naissance prématurée. Pour ne pas ajouter au stress et aux inquiétudes médicales et psychologiques les problèmes matériels et des contraintes de temps, elle propose, dans son article 1er, d’augmenter la durée de congé paternité du père du nombre de jours d’hospitalisation du bébé, y compris lors d’une hospitalisation à domicile, pour permettre aux pères de prendre toute leur place auprès de ce nouveau-né.

Nous avons pensé judicieux que ces nouveaux jours de congé bénéficient également aux pères dont les enfants, sans être prématurés, nécessitent d’être hospitalisés à leur naissance suite à un problème de santé. C’est le sens de la rédaction de notre article 1er.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 1225-35 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’accouchement nécessite l’hospitalisation postnatale de l’enfant, le congé de paternité et d’accueil est prolongé du nombre de jours d’hospitalisation. »

Article 2

L’article L. 331-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « pendant une durée de onze jours consécutifs et » sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa est supprimé.

Article 3

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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