Retrouvez l’intervention de Michel LARIVE dans le cadre de la discussion sur le texte « Régulation et protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ».
« Depuis le début de nos débats sur les réformes de l’audiovisuel initiées par le Gouvernement, je dénonce avec mon groupe parlementaire, les attaques contre la liberté d’expression sur Internet et la surveillance généralisée des contenus. A raison, puisque les cas de censure relevés sur les différentes plateformes numériques se multiplient. Cela s’explique par le recours exclusif aux algorithmes, là où nous soutenons que la vérification humaine est indispensable avant toutes suppressions de contenus.
Je rappelle que la Commission européenne va dans le même sens que ce que je propose. Le 4 juin 2021, dans ses orientations pour aider les États membres à transposer l’article 17 de la directive « droits d’auteur », elle restreint le blocage automatique aux contenus « manifestement illicites » signalés par un ayant droit. Ainsi, les autres contenus devront être mis en ligne puis examinés par une personne humaine.
Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation d’absence de contre-pouvoir face aux principales plateformes numériques, ce qui est inacceptable. Nous ne pouvons pas les laisser décider seules ce qui peut ou non, être publié. Elles ne peuvent, sans l’accord des usagers, collecter, stocker ou vendre leurs informations personnelles.
Par ailleurs, votre projet néglige totalement l’audiovisuel public. Cela confirme bien l’absence d’ambition du Gouvernement dans ce domaine. Il fait le choix, chaque année, de diminuer le budget accordé à ce secteur.
La fusion entre le CSA et la Hadopi au sein de l’Arcom interroge aussi. Pour nous la Hadopi est un dispositif coûteux et inefficace. Nous souhaitons que la mission de protection de la propriété intellectuelle soit de nouveau confiée aux juges judiciaires plutôt qu’à une autorité administrative. Nous appelons également au développement de l’offre légale en créant un service public de l’internet et une plateforme publique d’offre légale en ligne de musique, films et autres contenus culturels.
Quant au CSA, il a besoin d’une réforme profonde de sa gouvernance qui garantisse son indépendance. Ce n’est pas au chef de l’Etat de nommer son Président. Il devrait être élu par les deux commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat. Par ailleurs, nous portons toujours la proposition d’intégrer des représentants des usagers au sein du CSA. Ces mesures apporteraient à la fois garanties d’indépendance et exigences démocratiques.
Pour répondre au sentiment de méfiance qu’éprouvent un nombre croissant de nos concitoyens à l’égard des médias, nous avions proposé la création d’un conseil de déontologie, formé de représentants des usagers des médias et de représentants de journalistes, y compris les précaires et pigistes. Il permettrait aux citoyens d’avoir un recours pour faire respecter leur droit à une information objective. Aujourd’hui la question de l’indépendance des médias envers les puissances de l’argent est tout aussi cruciale. Il faudrait être bien naïf pour croire que les 9 milliardaires qui se partagent 90% de nos médias sont engagés dans ces activités par passion du journalisme. Par soucis de pluralité, il faudrait interdire qu’un groupe contrôle plusieurs chaînes de télévision, mais vous faites l’inverse en augmentant le seuil de concentration des chaînes de télévisions locales. Dans le même sens, un même groupe ne devrait pas posséder à la fois le réseau de diffusion et la production. Autrement dit un fournisseur d’accès à internet et de Box TV ne devrait pas contrôler aussi des chaines de télévision.
En résumé, ces longs débats sur l’audiovisuel auront démontré que nous défendons un autre projet politique que le vôtre. Nous faisons le choix d’un projet politique qui place en son cœur l’intérêt général plutôt que l’intérêt de quelques-uns. Un projet politique avec des exigences de transparence, de démocratie, de pluralisme quand vous n’apportez aucune garantie et refusez toute réforme de la gouvernance du CSA. Un projet politique qui préserve les libertés d’expression et de s’informer quand vous privilégiez la censure des algorithmes et que vous refusez de confier le pouvoir de régulation - au juge judiciaire - pour le laisser entre les mains d’entreprises privées. Un projet politique qui donne les mêmes droits aux habitants des outre-mer qu’à ceux qui vivent dans l’hexagone. Un projet politique qui permet à tous de partager les grandes compétitions sportives, féminines - masculines et handisport, quand vous les réservez à ceux qui ont les moyens financiers de cumuler les abonnements auprès des grands groupes privés.
Pour toutes ces raisons, une fois encore nous voterons contre ce projet de loi. »