Un article du groupe thématique Condition animale de la France insoumise
Malgré la réglementation de l’Union européenne, les besoins physiologiques élémentaires des animaux sont rarement respectés au cours de leur transport vers les destinations d’engraissage ou d’abattage. Le transport est alors cause de souffrances multiples, de maltraitances et de décès. Et en été, les animaux sont encore plus exposés en raison des fortes chaleurs.
Le règlement CE n°1/2005 sur la protection des animaux vivants pendant le transport indique dans son article 3 « Nul ne transporte ou ne fait transporter des animaux dans des conditions telles qu’ils risquent d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles ». Il est prévu notamment de leur fournir abreuvement, nourriture et repos à intervalles réguliers ainsi que des soins s’ils sont blessés. La réglementation impose également une température comprise entre 5° et 30°, avec une tolérance de 5°, et la possibilité pour les animaux de se tenir dans leur « position naturelle », avec un espace suffisant au-dessus de leurs têtes pour une bonne circulation de l’air.
Or les infractions aux règles européennes de transport sont tellement nombreuses et répétées que le Parlement européen a créé le 19 juin 2020 une commission d’enquête concernant les manquements à la législation européenne dans le transport d’animaux vivants.
Manuel Bompard, membre de cette commission, s’est ainsi rendu le 2 mars 2021, avec l’eurodéputée Caroline Roose et l’association L214, à l’abattoir de Blancafort dans le Cher afin de constater la réalité du transport des dindes voyageant par camions jusqu’à l’abattoir. Constat sans appel à l’arrivée des camions : les dindes étaient entassées dans des cages trop basses dans lesquelles elles ne pouvaient pas se tenir debout, sans espace nécessaire à la ventilation réglementaire.
Et le 10 juillet dernier, une enquête de L 214 à l’abattoir de Faouët, dans le Morbihan, montrait 10 camions remplis de dindes entassées dans les mêmes conditions, en attente sans aucun malgré la chaleur de l’été. Or il faut savoir que les volailles, comme les lapins et les cochons, ne transpirent pas et ne peuvent donc réguler leur température. Ceci aggrave considérablement les risques de stress thermique, qui entraîne souffrance et décès pendant le transport. La situation est particulièrement critique en cas de forte chaleur, notamment pour les animaux situés au milieu du camion, où l’air circule mal.
Si les conditions de transport sont insupportables en Europe, la situation est encore pire lors de l’exportation des animaux vivants hors de l’Union européenne, en augmentation constante : selon Welfarm, 3 millions de bovins, ovins et caprins ont été exportés en 2018.
Et pour la France, ce sont 69 000 bovins, 2 000 ovins/caprins qui ont été exportés vers les pays du pourtour méditerranéen, d’une chaleur extrême en été : Algérie, Maroc (11 400 bovins en 2018 contre 4 134 en 2012), Liban, Israël, Turquie, etc. Le port de Sète est d’ailleurs le premier port européen pour l’exportation d’animaux vivants.
L’arrivée au port est un moment critique pour les animaux qui, vu leur nombre, doivent stationner en plein soleil en attendant d’être déchargés, souvent sans possibilité d’accès aux structures d’abreuvement, de nourriture et de repos prévues en nombre insuffisant. Les vétérinaires ne peuvent exercer un véritable contrôle, par manque de temps, de l’aptitude des animaux à poursuivre le voyage. Les plans de transport sont approuvés malgré leurs carences, rien n’étant souvent mis en place en cas d’imprévu pour le bien-être animal, comme l’a tristement démontré l’errance de 3 mois en mer de l’Elbeik et du Karim Allah avec à bord 2 600 animaux vivants un enfer.
Les animaux embarquent ensuite sur de véritables « bateaux-poubelles » pour des jours voire des semaines de voyage. Le rapport récent de plusieurs associations montre que ces bâtiments très anciens (42 ans en moyenne) relèveraient tout simplement de l’envoi en casse. Ils sont en fait d’anciens cargos recyclés en bétaillères, absolument pas adaptés au transport d’animaux vivants. Ainsi 85% des bétaillères en partance de Sète sont classées sur la liste noire du mémorandum de Paris.
De nombreux accidents graves s’ensuivent : par exemple, lors du naufrage du Queen Hind en 2019 dans le port de Midia (Roumanie), près de 14 000 moutons sont morts noyés, seuls 181 ayant pu être sauvés.
Pendant le voyage, des pannes mécaniques des systèmes de ventilation ou d’abreuvement ont fréquemment lieu. Or en été les températures sont très hautes, et les bovins souffrent de la chaleur dès 24 °. Aucun vétérinaire n’est à bord. Les bateaux inadaptés au transport d’animaux occasionnent souvent des blessures et une opacité règne sur le sort des animaux blessés. Les animaux pataugent dans leurs excréments, l’air est saturé par l’ammoniac des urines et l’eau est tiède, insalubre et insuffisante de même que la nourriture. Les problèmes respiratoires et liés aux épidémies sont fréquents. Les animaux morts sont jetés par-dessus bord.
Si le contrôle est déjà défaillant avant l’embarquement, il n’existe ensuite aucun moyen de contrôler l’état des animaux à leur l’arrivée dans le pays tiers. La réglementation européenne n’y est pas suivie, et de nombreuses ONG ont démontré que les animaux peuvent y être gravement maltraités avant et pendant leur mise à mort.
Or un arrêt de 2015 de la CJUE a jugé que la protection prévue en droit de l’Union pour les animaux pendant le transport ne s’arrête pas aux frontières extérieures de l’Union : elle devrait donc s’appliquer également à la partie du transport qui se déroule en dehors de l’Union.
Les conditions actuelles de transport des animaux sont indignes, notamment pendant les chaleurs estivales. Il est urgent de suivre l’avis des ONG et de limiter le temps de transport à 8 heures à l’intérieur de l’Europe, 4 heures pour les animaux fragiles (volaille, lapins, femelles gestantes, animaux de réforme…), et interdire tout simplement les exportations d’animaux vivants, comme l’ont fait plusieurs Länder allemands et la Nouvelle-Zélande.