Un article du groupe thématique Justice de La France insoumise
Entre février 2019 et le printemps 2020, près de 150 portraits officiels du Président de la République ont été décrochés dans les mairies par des militant·es écologistes pour dénoncer l’inaction du gouvernement Macron contre le changement climatique. Ce jeudi 22 octobre aura lieu de procès en appel de sept décrocheurs et décrocheuses de portraits à Paris. Ce procès est symptomatique d’une maladie qui couve au sein de notre République : l’usage politique des procédures judiciaires contre les opposant·es politiques au pouvoir établi.
De nombreuses procédures
Après 80 perquisitions chez des militant·es de la cause climatique, l’État et ses procureurs ont poursuivi de nombreux “décrocheurs” de portraits. On sait désormais que 34 procès ont eu lieu ou vont avoir lieu, notamment pour “vol en réunion” à l’encontre de ces militants pacifiques. Vous pouvez retrouver la liste des prochains procès et des actions de soutien ici.
Le bref espoir de la jurisprudence lyonnaise
Le 16 septembre 2019, les deux militant·es lyonnais·es poursuivi·es pour les mêmes faits ont bénéficié d’une relaxe. Le tribunal avait estimé que “dans l’esprit de citoyens profondément investis dans une cause particulière servant l’intérêt général, le décrochage et l’enlèvement sans autorisation de ce portrait dans un but voué exclusivement à la défense de cette cause, qui n’a été précédé ou accompagné d’aucune autre forme d’acte répréhensible, loin de se résumer à une simple atteinte à l’objet matériel, doit être interprété comme le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple”. Il indiquait également que “face au défaut de respect par l’État d’objectifs pouvant être perçus comme minimaux dans un domaine vital, le mode d’expression des citoyens en pays démocratique ne peut se réduire aux suffrages exprimés lors des échéances électorales mais doit inventer d’autres formes de participation dans le cadre d’un devoir de vigilance critique”.
Cependant, le Procureur de Lyon fit appel de cette décision et les décrocheur·ses de portraits lyonnais·es ont été condamnés en deuxième instance.
La répression judiciaire des mouvements sociaux : la signature d’un gouvernement autoritaire
Les militant·es écologistes ne sont pas les seul·es à subir des procédures judiciaires : ainsi, les Gilets Jaunes ont été plus 5.300 à être poursuivi·es et 3.160 à être condamné·es. De nombreux·se militant·es syndicalistes, politiques ou associatifs ont également été poursuivis ces dernières années. Le pouvoir macroniste et ses procureurs ont notamment profité de l’instauration du délit de “participation à un groupement en vue de commettre des violences volontaires” voté sous Sarkozy, ainsi que des dispositions de la loi anti-casseurs du 10 avril 2019. Mais le pouvoir macroniste ne s’est pas contenté des lois de circonstances : les forces de police ont aussi utilisé des procédures judiciaires telles que la garde à vue à des fins autres que celles prévues par le droit. De ces gardes à vues abusive, peu de magistrats se sont plaints et le Procureur de la République de Paris a même conseillé de conserver des militant·es en garde à vue même sans motifs pour les empêcher de rejoindre une manifestation en cours…
Sans libertés collectives et individuelles, pas de démocratie
Comme le rappelait le tribunal correctionnel de Lyon dans sa première décision contre les décrocheur·ses de portrait, “le mode d’expression des citoyens en pays démocratique ne peut se réduire aux suffrages exprimés lors des échéances électorales”. Que le pouvoir judiciaire, constitutionnellement garant des libertés, se soumette aux volontés liberticides du pouvoir exécutif doit inquiéter tous les démocrates de ce pays. Nous ne pouvons accepter que des militant·es soient potentiellement coupables aux yeux de l’État du simple fait de leur volonté de manifester un désaccord avec le gouvernement.
Le programme de la France insoumise : une justice indépendante du pouvoir exécutif et au service de l’intérêt général
Pour limiter et enrayer l’usage politique de la justice contre les militant·es, nous proposons :
- d’assurer une claire séparation entre les magistrat·es du siège (qui jugent) et du parquet (qui poursuivent) ;
- une loi d’amnistie pour les syndicalistes, les anti-grands projets inutiles et imposés, et plus généralement pour les défenseur·ses des droits humains et les lanceur·ses d’alerte ;
- le renforcement des droits de la défense des personnes gardées à vue (accès au dossier complet, limitation à 72 heures dans tous les cas de placement, suppression de l’audition libre) ;
- la limitation - voir la suppression - des comparutions immédiates ;
- la dépénalisation de délits iniques (par exemple le “délit de solidarité” envers les migrant·es) ;
- La légalisation de la consommation de cannabis, qui se justifie autant au regard des enjeux de santé publique que pour décharger la police judiciaire des poursuites - inutiles - menées sur le fondement de cette infraction ;
- un contrôle plus strict des procédures pour éviter leur usage abusif, comme dans le cas des garde à vue ;
- l’abolition de la loi anti-casseurs ;
- l’extension de la notion d’état de nécessité
Pour aller plus loin :
- Je consulte le livret « Une justice au nom du peuple »
- Je rejoins le groupe thématique Justice