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Question écrite sur la persistance des mesures de l’état d’urgence après la crise sanitaire

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Le 14 mai, Bastien Lachaud interrogeait le premier ministre sur le danger que représente la conservation de l’état d’urgence sanitaire, déjà inquiétant en tant de crise, après la fin de la pandémie du Coronavirus.

M. Bastien Lachaud interroge M. le Premier ministre sur la persistance après la crise sanitaire des mesures prises en vertu de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. L’article 11 de la loi d’urgence habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour adapter la vie économique et sociale du pays aux circonstances exceptionnelles. Cette attribution au pouvoir exécutif de compétences législatives est justifiée par la situation et légalisée par le recours au régime d’exception de l’état d’urgence. Cependant, pour être conforme aux principes démocratiques et de l’État de droit, cette délégation de pouvoir doit être limitée matériellement et temporellement. Or, sur ces deux points, la loi d’urgence est trop vague pour garantir le respect du cadre constitutionnel de recours aux ordonnances. Raison pour laquelle de nombreux constitutionnalistes ont appelé le Président de la République, le Premier ministre et le Président de l’Assemblée nationale à saisir le Conseil constitutionnel afin d’assortir la loi d’urgence des réserves d’interprétation indispensables au respect de la démocratie et de l’État de droit. C’est d’abord le caractère trop large des habilitations qui est problématique. Elles sont au nombre de 43, ce qui permet de modifier l’état du droit dans un nombre considérable de domaines. Du droit du travail aux règles de fonctionnement des institutions locales, en passant par la procédure pénale, l’ensemble des secteurs de l’activité sociale est touché. Or les mesures que la loi habilite à prendre sont attentatoires aux droits et libertés fondamentaux. Pour exemple, il est prévu d’octroyer aux employeurs la possibilité de prélever sur les congés payés, les RTT ou le compte épargne-temps jusqu’à six jours pour compenser la baisse ou l’arrêt des activités d’une entreprise, et de permettre à certaines entreprises de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles en matière de temps de travail et de repos, en violation du droit constitutionnel au repos et de la liberté contractuelle. Il est envisagé de prolonger les délais des gardes à vue, des détentions provisoires et assignations à résidence en violation du droit à la sûreté et de la liberté de circulation. Et M. le Premier ministre compte procéder à de telles régressions sans consulter les institutions généralement impliquées dans de telles réformes, en violation du principe démocratique. Ces atteintes aux principes régissant la République peuvent s’expliquer par le caractère exceptionnel de la crise sanitaire et la nécessité d’agir rapidement. Cependant, pour conserver leur fondement constitutionnel, ces mesures doivent être temporaires, comme les pouvoirs exceptionnels dont le Premier ministre bénéficie. Or, à ce sujet, l’habilitation est trop large. L’article 14 de la loi d’urgence dispose que les délais pour la prise des ordonnances et le dépôt des projets de loi de ratification de celles-ci sont prolongés automatiquement de quatre mois sans avoir à repasser devant le Parlement. Et la durée des mesures dérogatoires prises en vertu de l’article 11 n’est pas indiquée. Or la possibilité d’un maintien des mesures exceptionnelles au-delà de la crise sanitaire est contraire à l’esprit de l’état d’urgence sanitaire et au principe démocratique. Raison pour laquelle les mesures restrictives adoptées par le Premier ministre, le ministre en charge de la santé et les représentants de l’État dans les départements au titre de l’état d’urgence sanitaire (article 2 de la loi d’urgence) cessent automatiquement lorsqu’est annoncée la fin de l’état d’urgence. Aussi souhaite-t-il obtenir des garanties sur la cessation au terme de la crise sanitaire des mesures exceptionnelles prises par ordonnance au titre de l’article 11 de la loi d’urgence ; il veut s’assurer que le Gouvernement ne profite pas de la crise sanitaire pour réformer le pays sans employer les canaux démocratiques constitutionnellement et légalement établis.

Le ministre a répondu le 19 mai :

Les ordonnances prises en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et qui n’entrent pas, pour la quasi-totalité d’entre elles, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, ont été élaborées dans un souci constant d’équilibre et de préservation des libertés individuelles et n’ont d’autre objet que de permettre au pays de faire face à la crise sanitaire. Elles sont toutes limitées à la période de l’état d’urgence sanitaire augmentée, le cas échéant, d’une courte période strictement nécessaire à la reprise d’une vie économique, sociale et administrative normale.

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