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Liquidation de nos livrets A

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« Soyons heureux que notre épargne ne paie plus », dit le gouvernement, « c’est pour la bonne cause du logement social » ! En réalité, la baisse du taux du livret A et des livrets d’épargne populaire représente un nouveau cadeau aux banques privées, très coûteux pour la collectivité. Elle permet aux banques de payer moins nos dépôts (c’est-à-dire les prêts que nous leur faisons) et aussi de nous inciter à leur livrer une nouvelle portion de notre épargne pour qu’elles puissent l’investir en bourse, sans aucun ciblage ou contrôle des investissements. Comment en arrive-t-on à ce résultat ? Explications.

Le 1er février 2020, la rémunération de tous les produits d’épargne populaire, c’est-à-dire le Livret A, le livret de développement durable et solidaire (LDDS) et le livret d’épargne populaire va baisser de 0,25 %. Par conséquent :

  • Le taux de rémunération du livret A passera d’un taux de 0,75 % à celui de 0,50 % ;
  • Le taux de rémunération du livret développement durable et solidaire (LDDS) passera de 0,75 % à 0,50 % ;
  • Et le taux du livret d’épargne populaire (LEP) passera de 1,25 % à 1 %.

Pour les 55 millions de Français·es qui disposent d’un livret A, ainsi que pour les autres, ce sera une nouvelle perte nette sur leur épargne. La perte se traduit de deux façons. De manière directe, car nous serons moins rémunéré·es sur notre épargne. Pour une personne ayant un livret A de 10 000 euros, la perte est de 25 euros sur un an (50 euros au lieu de 75 euros). Mais les épargnant·es seront aussi touché·es, de manière indirecte, par le décrochage toujours plus prononcé entre le taux de rémunération de leur épargne et le taux d’inflation. Ce dernier est attendu autour de 1,5 % sur l’année 2019 pour l’INSEE (après 1,6 % en 2018). Par conséquent, l’épargne globale présente sur les livrets A perd de son pouvoir d’achat et donc de sa valeur sous le double effet d’une moindre rémunération et d’une inflation plus élevée. L’écart représentera désormais un point de pourcentage complet désormais (rémunération à 0,5 %, inflation à 1,5 %). Si individuellement la perte peut parfois sembler réduite (encore que 10, 20 ou 30 euros par an ne sont pas une mince affaire pour de nombreuses personnes), elle est très pénalisante collectivement car cela signifie un affaiblissement général du pouvoir d’achat. Quand on sait que l’épargne cumulée sur ces livrets représente plus de 410 milliards d’euros, une perte de 1 % du pouvoir d’achat représentée par cette somme est en effet loin d’être négligeable.

À qui profite donc le crime ? Il doit bien y avoir un bénéficiaire si ce n’est pas les citoyen·nes. C’est là que le gouvernement fait preuve d’une duplicité sans pareille. Il tente de faire passer la pilule aux Français·es en répétant à l’envie que cette mesure est favorable au logement social. Son raisonnement est le suivant : étant donné que la Caisse des Dépôts et consignations (CDC) gère environ 270 milliards d’euros d’épargne réglementée, dont l’essentiel provient de la collecte du Livret A (soit environ 60 % de l’encours total), la baisse du taux à 0,50 % permettrait de diminuer les charges financières des bailleurs sociaux qui empruntent à la CDC et ainsi de lancer de nouveaux projets. La Caisse explique ainsi que cela équivaudrait à une baisse de charges financières de 317 millions d’euros pour les emprunteur·ses et que cela permettrait la construction d’environ 17 000 logements supplémentaires. Ce que se garde bien d’expliquer Éric Lombard, directeur général de la Caisse, c’est que celle-ci va aussi faire beaucoup d’économies puisqu’elle rémunérera moins l’épargne collectée, sur notre dos à tous. L’impact sera également positif pour le portefeuille de placements de la Caisse. Sur les 270 milliards d’euros d’épargne réglementée, environ 90 milliards sont investis dans des actifs financiers (85 % en obligations, 15 % en actions de groupes français). Avec un taux en baisse, la ressource deviendra moins chère et les placements plus rentables.

La même économie s’appliquera aussi à l’ensemble des banques privées qui paieront moins les prêts que nous leur faisons (à savoir notre épargne chez elles). Cela représenterait un cadeau de 400 millions d’euros pour les banques puisqu’elles paieront 0,50 % au lieu de 0,75 % sur tous les livrets A qu’elles continuent de posséder dans leurs livres de compte et qu’elles doivent rémunérer (soit environ 163 milliards d’euros).

Et le logement social dans tout cela ? Les organismes HLM et l’Union sociale pour l’habitat (USH) eux-mêmes ont fait remarquer que la mesure de baisse des taux n’a rien à voir avec une envie de financer le logement social. Il s’agit uniquement de l’application d’une nouvelle règle de calcul, favorable aux banques (et donc recommandée par la Banque de France et son directeur, l’ancien banquier François Villeroy de Galhau), qui leur permet, dans un contexte de taux bas, de ne pas trop perdre en rémunérant une épargne « trop chère » qui les obligerait à verser moins de dividendes. Quant à la baisse du taux d’emprunt des bailleurs sociaux, il s’agit d’un effet collatéral qui demeure loin de compenser la perte de 1,3 milliard d’euros que leur a imposé le gouvernement en loi de finances pour 2018 lorsqu’il leur a facturé la baisse des APL, dont il était à l’origine, en leur imposant de baisser les loyers. Notons par ailleurs que les bailleurs sociaux peuvent aussi se financer directement sur le marché à des taux parfois inférieurs à ceux proposés par la Caisse des dépôts, laquelle est contrainte de rémunérer l’épargne qu’elle détient, même dans un contexte de taux négatifs.

Derrière ces tentatives de manipulation de l’opinion, la ligne suivie par le gouvernement est toujours la même. Retraites par capitalisation, salaires remplacés par l’épargne salariale, taux indécent des livrets d’épargne sous l’inflation, toute la politique économique suivie par Macron et son Gouvernement conduit à siphonner les revenus populaires pour alimenter l’économie-casino, les bourses et les sociétés spéculatives. Au lieu d’une épargne sûre, les cabinets de courtage et les sociétés de gestion font le plein en proposant des produits plus risqués. Avec un risque bien réel pour les économies des Français·es et pour la stabilité financière. C’est pour cela que la loi PACTE a réformé le plan d’épargne en actions (PEA) et le plan épargne retraite (PER), ou encore le plan eurocroissance.

Certains, comme le chef économiste de la CDC, le disent ouvertement : « il faut que les Français·es fassent un effort d’allocation de leur épargne ». Braves gens, vous n’êtes point raisonnables de vouloir protéger votre épargne !

La France insoumise propose un tout autre chemin pour financer le logement social et garantir la rémunération de l’épargne des Français. Il faut que l’Etat profite des taux négatifs pour emprunter et investir davantage, en finançant notamment les banques publiques d’investissement et les institutions publiques permettant la rénovation énergétique des bâtiments, et tout en imposant aux banques de rémunérer l’épargne des Français·es au même niveau que l’inflation, plutôt que de verser des dividendes mirifiques à leurs actionnaires.

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