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« Plan pour la Seine-Saint-Denis » : nous sommes très loin du compte

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Hier à la préfecture de Bobigny, j’assistais à la présentation par le Premier Ministre Édouard Philippe du « plan pour la Seine-Saint-Denis » du gouvernement. Le rapport parlementaire sur l’évaluation de l’action de l’État en Seine-Saint-Denis remis en mai 2018 avait montré de façon irréfutable le manque de moyens scandaleux dont est victime le département. A l’occasion d’une rencontre avec les député·es en septembre 2018, le Premier Ministre s’était engagé à prendre des mesures concrètes et exceptionnelles pour remédier à cette situation. Après plus d’un an d’attente, il en a enfin annoncé 23.

L’existence même de ce plan est une forme de victoire. Le Premier ministre a reconnu la défaillance de l’État dans ses missions. C’est une victoire, car c’est la mobilisation des habitant·es, des associations, des syndicats, qui a permis d’arracher de haute lutte des mesures qu’Emmanuel Macron n’a consenti que parce qu’il y était contraint. La Seine-Saint-Denis a la chance de compter sur une population engagée et sur un tissus social et associatif d’une richesse exceptionnelle, déterminés à faire valoir leurs droits lorsque face à un pouvoir défaillant. Les parlementaires dont je suis, comme l’ensemble des élu·es du département et des municipalités, se sont employés à relayer cette mobilisation auprès de l’Etat par tous les moyens et au-delà des clivages partisans. Cette pression n’a pas été vaine

Un pas été fait pour tirer le gouvernement de son déni de la réalité et lui faire reconnaître qu’il doit agir pour rattraper son retard et mettre un terme à l’inégalité territoriale et la discrimination dont sont victimes les habitant·es de Seine-Saint-Denis. De fait, certaines mesures annoncées par le gouvernement sont les bienvenues. La prime de fidélisation aux fonctionnaires du département pourrait permettre de stabiliser des services publics victimes d’une très forte rotation de leurs personnels. L’affectation de 100 officiers de police judiciaire est une bonne nouvelle, quand le département souffre d’un manque d’effectifs suffisants et que les agents en poste sont surchargés – je m’entretenais encore il y a peu avec des habitant·es du quartier du Montfort à Aubervilliers, inquiets du délai de traitement et d’instruction de la plainte qu’ils avaient déposée, faute des enquêteurs en nombre suffisant.

Mais les dispositions annoncées demeurent très insuffisantes.

L’éducation est très largement laissée de côté. Le gouvernement annonce 20 millions d’euros sur 10 ans pour rénover et construire des établissements scolaires, et en particulier garantir le dédoublement effectif des classes de CP et de CE1. Somme dérisoire, quand la construction d’un seul collège coûte plus de 20 millions d’euros et que les besoins sont énormes ! Les élèves et les habitant·es d’Aubervilliers et de Pantin en savent quelque chose, eux qui connaissent chaque jour les salles de classes dont la toiture prend l’eau, eux qui ont longtemps attendu et lutté pour voir inaugurer les établissements dont nos villes ont besoin – les collèges Gisèle Halimi et Miriam Makeba à Aubervilliers – ou qui attendent encore – la reconstruction du collège Jean Lolive de Pantin. Les mesures prises pour le logement sont quasi insignifiantes. Édouard Philippe évoque la création de cinq postes d’inspecteurs de l’action sanitaire et sociale pour lutter contre l’habitat insalubre. On se pince, quand on sait que le département compte plusieurs dizaines de milliers de logements indignes et que le manque de moyens des services responsables empêchent bien souvent les habitant·es de faire reconnaître la situation dont ils sont victimes, une situation que je rencontre chaque semaine dans mes permanences parlementaires. Aucune mesure substantielle n’est annoncée pour améliorer les conditions de travail des fonctionnaires, comme si le gouvernement n’avait toujours pas pris la mesure de leur souffrance, qui conduit à des drames comme le suicide de Christine Renon, directrice d’école à Pantin, qui a meurtri ma circonscription et l’ensemble du département en septembre dernier.

L’on pourrait multiplier les exemples. Et l’on pourrait faire la liste de tous les domaines dans lequel existe une situation d’urgence, et qui ne sont pourtant concernés par aucune mesure, le logement social, les violences faites aux femmes, la médecine scolaire et tant d’autres encore. Et il faudrait encore souligner que les collectivités, qui ont vu leurs moyens entamés par des années d’austérité, ne reçoivent aucun soutien budgétaire. Le gouvernement semble ne pas avoir pris la mesure des besoins réels du département, son « plan » donnant en définitive une impression de déconnexion de la réalité.

Pire, ce « plan » parait très largement en trompe-l’œil. Les  modalités pratiques de certaines mesures ne sont pas indiquées – l’on ne sait par exemple pas quels agents seront concernés par la prime de fidélisation et si celle-ci sera rétroactive. Le chiffrage global n’a pas été rendu public, et rien ne garantit que le projet de loi de finances actuellement discuté à l’Assemblée nationale ne traduise les engagements pris hier par le Premier ministre. 

Plus largement, ce que le Président Macron et son Premier Ministre donnent d’une main, ils le reprennent de l’autre. En Seine-Saint-Denis, le gouvernement reconnaît les défaillances de l’État et la gravité de la situation sociale et fait mine d’annoncer un plan de rattrapage. Mais « en même temps », il poursuit une politique au service des riches qui a pour effet d’accroitre bien plus considérablement les problèmes qu’il prétend résoudre. Mon camarade Alexis Corbière a bien résumé les choses en disant que « le gouvernement veut rattraper à la petite cuillère les inégalités qu’il creuse à coup de pelleteuse ». Un exemple parmi d’autres me vient à l’esprit : au même moment ou presque où il annonçait son plan pour la Seine-Saint-Denis, le gouvernement cherchait à faire adopter dans le budget 2020 de l’Éducation nationale une diminution de moitié des fonds sociaux des établissements scolaires – cette enveloppe dont les établissements disposent pour aider les élèves dont les familles sont en situation de grande précarité. Comment une telle mesure n’aurait-elle pas des conséquences graves en Seine-Saint-Denis, où le taux de pauvreté est de 28,6 %, soit le double de la moyenne nationale ? Tout cela au nom des sacrosaintes économies et de la réduction des dépenses publiques, pendant qu’Emmanuel Macron fait des milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux très grandes entreprises !

A celles et ceux qui ne se résignent pas et revendiquent leurs droits, le gouvernement n’a encore et toujours que la surdité et la répression à opposer. De façon emblématique, tandis  qu’Édouard Philippe et ses ministres annonçaient leurs mesures dans l’atmosphère feutrée de la préfecture de Bobigny, un rassemblement pacifique de l’Union départementale de la CGT 93 qui avait lieu à l’extérieur du bâtiment a fait l’objet d’une intervention des forces de police. Les militant·es qui souhaitaient déployer une banderole ont été évacué·es manu militari. Le secrétaire général de l’Union départementale CGT a été interpellé et placé en garde à vue pendant plus de sept heures. Je tiens à témoigner ici toute ma sympathie à ces militant·es syndicaux, durement réprimés pour avoir seulement voulu faire se faire entendre pour amener le pouvoir à ouvrir les yeux.

En somme, nous sommes encore très loin du compte. Le plan du gouvernement est loin d’être à la hauteur des besoins. Mais la mobilisation qui a permis de contraindre Emmanuel Macron à concéder certaines mesures doit nous inspirer. Nous continuerons de nous battre jusqu’à ce que le gouvernement entende la voix des habitant·es de la Seine-Saint-Denis. Je m’engage à prendre jusqu’au bout ma part dans cette lutte pour l’égalité et la justice.

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