Suspension des transferts d’armements vers la Turquie

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Le gouvernement a affirmé que la France cesserait les ventes d’armes avec la Turquie, pays dont les troupes armées ont envahi une partie de la Syrie. Le 5 novembre 2019, Bastien Lachaud questionnait le ministère des Armées sur les modalités de cet arrêt

M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre des armées sur les transferts d’armements en direction de la Turquie. En effet, le 12 octobre 2019, la ministre a fait savoir via le réseau social Twitter que la décision avait été prise de suspendre « tout projet d’exportation vers la Turquie de matériels de guerre susceptibles d’être employés dans le cadre de [l’]offensive » déclenchée dans le nord de la Syrie contre les populations civiles et les alliés de la France des Forces Démocratiques Syriennes, majoritairement composées d’unités kurdes. M. le député approuve pleinement cette décision. Il souhaiterait néanmoins connaître ses fondements juridiques ainsi que les modalités précises de sa mise en œuvre. En effet, le message de la ministre est équivoque pour au moins quatre raisons. Premièrement, ce message précisait que cette décision était prise « en attente de la cessation de l’offensive turque ». Dès lors faut-il considérer que cette suspension ne sera plus effective lorsqu’aura cessé l’offensive ? De même, faudra-t-il considérer qu’une occupation militaire du Nord de la Syrie serait synonyme d’une « cessation de l’offensive » ? Plus simplement encore, un éventuel retrait des troupes turques du territoire syrien justifierait-il une reprise des « projet[s] d’exportation » ? Cela serait plus que fâcheux dans la mesure où l’offensive prise par l’armée turque témoigne d’un mépris flagrant du droit international et que rien ne permet de penser que le gouvernement turc ne le violera pas à nouveau dans un futur proche. Deuxièmement, la notion de « projet d’exportation » est ambiguë : désigne-t-elle les transferts de matériels de guerre pour lesquels des contrats ont déjà été signés ou des démarches de prospection, ou bien encore l’un et l’autre ? En tout cas, elle ne retient pas, semble-t-il, les prestations de service, d’entretien et de formation qui sont une part importante du commerce des armes. Troisièmement, l’expression « matériels de guerre susceptibles d’être employés dans le cadre de cette offensive » semble exclure les matériels de guerre qui ne sont pas immédiatement utilisés dans « le cadre de cette offensive » comme par exemple du matériel de marine ou encore de détection radar. Or si l’on se reporte au rapport au Parlement sur les exportations d’armements de la France de l’année 2019, il apparaît que bien des matériels pour lesquels des licences ont été octroyées pourraient ne pas être considérés comme utilisables dans le cadre de l’offensive. Dans les catégories ML4, ML11, ou ML22, par exemple, plusieurs licences ont été octroyées pour une valeur dépassant 100 millions d’euros. Quelles sont les catégories de la military list qui sont concernées par la suspension ? Cette suspension concerne-t-elle la totalité des éléments qui y figurent ? Enfin, M. le député s’interroge sur le fondement juridique de cette décision. En effet, il est aisé de comprendre qu’il s’agit de sanctionner une violation du droit international. Or depuis maintenant plusieurs années, le Gouvernement laisse se poursuivre les exportations de matériels de guerre au bénéfice de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Or leur action militaire au Yémen est tout autant entachée de crimes que celle de la Turquie en Syrie, comme l’attestent les rapports successifs du groupe d’experts du conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Dans ces conditions, il souhaite que la ministre lui dise sur la base de quel raisonnement juridique le Gouvernement peut traiter différemment la question de l’export d’armes vers la Turquie et vers les monarchies du Golfe.

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