Tribune - Nathalie Loiseau est-elle féministe ?

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Par Prune Helfter-Noah, ancienne élève de l’Ena et candidate aux élections européennes sur la liste de la France insoumise. 

Diplomate, ministre et désormais tête de liste du parti LREM pour les élections européennes, Mme Loiseau se présente avant tout comme féministe. Cette posture jamais questionnée a pourtant de quoi surprendre.

Dans un livre intitulé « Choisissez tout » publié en 2014, l’ancienne ministre, qui a quatre enfants, cherche à démontrer modestement, à partir de son cas personnel, que les femmes peuvent à la fois mener une vie de famille épanouie et faire carrière au plus haut niveau. Cette leçon de vie censée prouver par l’exemple qu’il suffit de vouloir pour pouvoir n’est pas sans rappeler le « il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi » du président Macron. Complètement décalée par rapport à la réalité, cette attitude part du présupposé à la fois présomptueux et très naïf qui consiste à croire que toutes les femmes disposent des mêmes chances dans la vie, indépendamment de leur milieu d’origine, de leurs ressources financières et de leur environnement social. On perçoit donc assez intuitivement que, si tant est qu’elle puisse être considérée comme féministe, Mme Loiseau se borne en tout cas à défendre un « féminisme néolibéral » [1].

Mais, au-delà de cette absence de remise en cause assumée du système qui conduit à reproduire les inégalités sociales comme les inégalités de genre, la posture féministe auto-proclamée par Mme Loiseau se heurte à la vérité des faits.

De quel bilan Mme Loiseau peut-elle se prévaloir après avoir dirigé l’Ena pendant 5 ans, entre 2012 et 2017 ? Malgré une sensibilisation des jurys d’admission aux préjugés de genre, la proportion de femmes parmi les élèves est restée anormalement basse. Pour le concours externe, qui recrute après une licence, la proportion de femmes parmi les admis était de 27,5% en 2012, 35% en 2013, 25,5% en 2014, 25,6% en 2015, 25,6% en 2016 et 37,5% en 2017, soit systématiquement moins que la proportion de femmes parmi les inscrits (qui varie elle entre 39% et 42% selon les années).

Non seulement les résultats en termes d’égalité femmes-hommes ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées, mais, bien souvent, ce sont les moyens eux-mêmes qui ont manqué.

Ainsi, Mme Loiseau a-t-elle refusé de s’attaquer au harcèlement sexuel qui touche les élèves femmes de l’Ena au même titre que toutes les autres femmes. Plusieurs cas allant de la remarque déplacée à des agissements caractérisés de harcèlement sexuel sont recensés chaque année pendant les stages en cours de scolarité. Certaines élèves féminines sont donc confrontées à des situations extrêmement pénibles de la part de hauts-fonctionnaires qui sont leur tuteur de stage, et qui, de ce fait, sont chargés de les évaluer, en collaboration avec l’administration de l’Ena, et plus spécialement la Direction des stages. Mais alors qu’il a été proposé à Mme Loiseau de désigner un référent harcèlement sexuel en-dehors du service de la Direction des stages, chargé de noter les stages des élèves, et qui donc ne pouvait être à la fois juge et partie, la directrice de l’Ena a répondu par une fin de non-recevoir et n’a proposé en retour aucune proposition alternative. Bel exemple de féminisme en action !

Quant à la gestion des maternités en cours de scolarité, qui aurait pu s’attendre, de la part d’une directrice de l’Ena se félicitant de sa propre capacité à mener de front vie privée et vie professionnelle, qu’elle recommande aux élèves de retarder tout projet de ce type jusqu’au terme de la scolarité ou, à défaut, qu’elles repoussent leur scolarité d’une année ?

Se proclamer féministe est devenu un argument électoral, au même titre que défendre des positions écologiques. Mais lorsque les agissements des candidats sont en contradiction aussi flagrantes avec les postures affichées, de tels discours contribuent à décrédibiliser le féminisme et l’écologie en tant que courants de pensée. C’est pourquoi il est important de démasquer de telles impostures.

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