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Il ne passe pas une émission politique sans que nous soyons interrogés sur les sondages. Bien sûr, personne ne s’interroge jamais sur leur pertinence scientifique. Ce n’est pas la question. Bien calibré pour créer une information, un sondage permet de faire des titres pendant au moins une journée. Les chaînes d’information s’en délectent : cela crée l’illusion d’une actualité quand il n’y a pas d’attentat terroriste ou de vitrines brisées pour faire du buzz. Les sondeurs se lèchent les babines : le nom de leur institut cité toute la journée, c’est à la clef une flopée de nouveaux contrats et de nouveaux profits. Car les sondeurs sont les seuls dont on ne juge pas la prestation en fonction de sa qualité. C’est leur capacité à inventer une information retentissante qui détermine leur notoriété.

Cela n’aurait à peu près aucune importance si le sondage n’avait pas une capacité performative, c’est-à-dire une capacité à modeler le réel. L’idée d’une liste Gilets jaunes aux élections européennes en est un bon exemple. Elle fut testée une première fois en décembre 2018 dans un sondage commandé par la République en Marche. Pourtant, aucun représentant des Gilets jaunes, ni aucune assemblée citoyenne n’avait alors évoqué cette hypothèse. Cela n’a pas empêché de faire des reportages et des articles entiers sur le sujet. L’hypothèse est devenue une réalité médiatique. Puis une réalité tout court quand, appâté par le résultat promis, des individus se sont dit pourquoi pas. Deux mois plus tard, les mêmes sondeurs prédisent l’échec total d’une telle initiative. Le fait qu’une telle liste puisse passer dans ce délai de plus de 13% à moins de 3% ne semble pourtant pas les inciter à remettre en cause la qualité de leur analyse.

Les sondages ne sont donc qu’un outil visant à modeler la réalité en fonction des intérêts des puissants. Leurs biais méthodologiques ont longuement été dénoncé et leurs multiples erreurs soulignées à plusieurs reprises. Toute personne s’intéressant à la question sait que les méthodes secrètes utilisées pour redresser les résultats bruts et la taille ridiculement petite des échantillons aléatoires les rapprochent davantage des prédictions de Paul le poulpe que d’un quelconque outil scientifique. Nous voilà pourtant sommés d’en commenter les résultats, surtout quand ceux-ci nous sont défavorables. N’espérez pas pouvoir vous en tirer en remettant en cause leur exactitude. Vous serez alors ce mauvais perdant qui n’accepte pas la réalité. Les éditorialistes vous riront au nez : “voyons, vous critiquez tous les sondages quand ils ne vous arrangent pas”.

Il y a pourtant des fois où la manipulation est un peu forte. C’est ce que l’on appelle un travail mal fait. Un bon manipulateur ne se fait normalement pas prendre la main dans le sac. Mais il existe des situations où l’écart entre les observations et ce que l’on vous demande de leur faire dire est trop fort. On voit alors le décor. C’est le cas par exemple du sondage pour les élections européennes de l’institut BVA du 23 février. La liste de la France insoumise y est donc créditée de 7,5%. La notice qui accompagne le sondage donne le résultat par catégorie socioprofessionnelle. La France insoumise est créditée de 14% pour les catégories sociales supérieures, de 14% pour les catégories sociales inférieures et de 6% chez les retraités. Étrange quand on sait que 46 millions de personnes sont inscrites en France sur les listes électorales et qu’un tiers seulement sont des retraités. Mais passons. La liste Jadot est, elle, créditée de 10% des voix des CSP+, 7% des voix des CSP- et 5% des retraités, pour un résultat de 9% au total. Ce sondage réussit donc l’exploit de prédire un résultat global de Jadot supérieur à celui de la France insoumise tout en créditant cette même liste Jadot d’un score largement inférieur dans chacune des catégories socioprofessionnelles. Un tel tour de magie mérite sans aucun doute une invitation pour le plus grand cabaret du monde.

Cette absurdité n’est malheureusement pas la seule. Selon BVA, la France insoumise réaliserait 10% dans les communes rurales, 12% dans les villes moyennes, mais seulement 7% dans les grandes villes de province et pire encore 4% en région parisienne. 3 jours plus tôt, un sondage IFOP crédite cette même liste de 7% pour les communes rurales, de 7% pour les villes de province et de 11% en région parisienne. Exactement la tendance inverse donc.

Il faut dire que la taille de l’échantillon utilisé n’aide pas à la précision des résultats. Le sondage s’appuie sur les personnes sûres d’aller voter, soit 474 personnes ce qui conduit à une marge d’erreur supérieure à 4 points. Il faut ajouter à cela des méthodes de redressement absurdes comme celle s’appuyant sur le « souvenir de vote » de 2014, alors que la France insoumise n’existait pas à cette époque. L’IFOP estime ainsi (au doigt mouillé ou en interrogeant les astres ?) que la France insoumise recueillerait 37% de l’électorat du Front de Gauche en 2014 contre 45% pour le PCF…

Bref, tout ça n’est pas sérieux et ne vise finalement qu’à influencer et à semer de la désespérance et de la résignation. Heureusement, les militants de la France insoumise ont appris depuis bien longtemps à ne pas considérer les sondages comme autre chose qu’une entourloupe, tout comme ils savent que la scène médiatique n’est pas une arène neutre. Leurs manipulations font l’effet inverse. Elles renforcent notre détermination. Elles soulignent que c’est dans la mobilisation de nos électrices et de nos électeurs que se trouve la clef du scrutin à venir. C’est dans ce sens que notre campagne pour les élections européennes va donc s’accélérer dans les prochains jours.

A la suite de cette note de blog, lire aussi « Sondages : quand l’institut BVA est pris la main dans le sac »

Note de blog de Manuel Bompard, candidat aux élections européennes, publié le 25 février sur www​.manuelbompard​.fr

 

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