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Européennes : Commencer l’après-Macron

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La crise politique ouverte par la mobilisation des Gilets jaunes est d’une ampleur inédite. Moins de deux ans après l’élection présidentielle, il s’est installé dans tout le pays une ambiance de fin de règne.

Ambiance fin de règne

À Matignon, les conseillers du Premier ministre cherchent à se recaser. Le gouvernement est une pauvre chose ballotée sans direction ni crédit. L’affaire Benalla a montré que personne n’est prêt à prendre ses responsabilités. Seul Emmanuel Macron semble encore avoir droit à la parole. Les ministres se défaussent sur les hauts fonctionnaires qu’ils commandent comme l’avait fait Gérard Collomb. La répression des Gilets jaunes atteint des sommets de violence et ni Christophe Castaner ni Laurent Nuñez n’acceptent de dire la vérité. La liste des ministres débarqués ou démissionnaires devrait encore s’allonger puisque Gérald Darmanin, ministre du Budget, semble sur le départ, avant l’entrée en vigueur complète du prélèvement à la source. L’organisation du « grand débat » montre à quel point le macronisme est fragile. Des ministres de second rang sont appelés en urgence comme faire-valoir du président et des meetings de six heures sont censés donner l’impression que le pays ne va pas à vau-l’au.

Le spectacle du « grand débat »

Ce serait comique si ce n’était pas tragique. Le décalage entre la réalité vécue par les uns et le spectacle mis en scène par les autres creuse un abîme d’incompréhension et parfois même de mépris. En réalité, chez les Gilets jaunes chaque semaine augmente le nombre des blessés et mutilés. Au gouvernement chaque semaine enrichit le catalogue des inepties proférées par des ministres plus ou moins obscurs : Nathalie Loiseau, dans un tweet, instrumentalise d’une façon obscène la mémoire des victimes de la déportation au service de l’européisme le plus grossier (pour ce faire elle partage un « dessin d’enfant » mettant en balance l’étoile jaune et les étoiles du drapeau de l’Union européenne) ; Marlène Schiappa se compare à Galilée avant de rejoindre Cyril Hanouna. Les moyens de l’État sont mis au service d’une cause partisane avec le pseudo « grand débat ». Le pouvoir exhorte les grandes chaînes de télévision à prendre leur part dans sa « grande œuvre démocratique ». Elles s’exécutent et dans les rédactions personne ou presque n’évoque la sacro-sainte indépendance vis-à-vis du pouvoir politique du journaliste éthique et responsable.

Des points d’appui solides

Le tableau a quelque chose d’apocalyptique et néanmoins d’encourageant. Pourquoi ?

Parce que devant le naufrage du pouvoir macroniste, devant son obstination à mal faire et à faire mal, devant son acharnement à réprimer, devant son entêtement à refuser de rétablir l’ISF, d’instaurer le référendum d’initiative citoyenne, ou d’augmenter le SMIC, il existe des ressources pour dessiner dès aujourd’hui l’après-Macron.

D’abord, il y a la mobilisation elle-même qui suit sa logique propre : née spontanément, sans étiquette de parti ou de syndicat, elle va connaître un événement majeur le 5 février prochain. Une première étape de convergence entre Gilets jaunes et syndicats devrait avoir lieu dont nul ne peut dire sur quoi elle débouchera. Deux cultures vont se rencontrer. La dureté du combat des Gilets jaunes depuis des mois a nécessairement fait naître des passerelles entre ces deux mondes.

Le groupe de la France insoumise plaide depuis le début pour un retour aux urnes. Manifestement les Français ne se satisfont pas d’avoir dû élire un président par défaut, pris au piège du « barrage » à une candidate fascisante. Provoquer de nouvelles élections permettrait une sortie par le haut. À vrai dire, c’est surtout la convocation d’une assemblée constituante qui permettrait réellement une sortie par le haut. Tout le monde voit bien que la revendication première des Gilets jaunes n’est pas de « participer » ; ils veulent « décider ». On ne le répétera jamais assez, ce qui est en jeu, c’est le pouvoir pas le jeu ou le plaisir d’avoir raison. Que le peuple veuille décider de sa vie, rien de plus normal. Mais le gouvernement joue la montre et espère le pourrissement ; il a la hantise de l’élection.

Une élection au service de la lutte

Or l’élection nous est offerte sur un plateau. Le 26 mai prochain auront lieu les élections européennes. Plus que jamais elles seront un référendum anti-Macron puisque la politique de Macron est précisément celle qui est soufflée, voire dictée, par Bruxelles : baisse des dépenses publiques, privatisations, contraction des salaires, délocalisations et dumping, tout ce que les technocrates appellent « réformes structurelles ». Cette échéance, les macronistes ne peuvent pas nous en priver. Il faut donc en faire une victoire suffisamment nette pour renverser le rapport des forces entre les macronistes et nous.

Certes, les médias jouent comme d’habitude leur petite partition visant à installer Marine Le Pen comme l’alternative au macronisme. Depuis des mois, à chaque fois qu’elle disparaît des radars ils commandent un sondage qui permet de la remettre au centre des discussions. Inutile de parler de son programme, il suffit de dire qu’elle existe et que « vraiment elle est haut dans les sondages ! » et le tour joué. Que les journaux soient eux-mêmes à l’origine de cette pseudo-information puisqu’ils ont payé pour avoir le sondage n’y change rien. Elle permet d’écrire des pages et des pages, de faire parler des heures les éditocrates et surtout de déguiser le chien de garde de la 5ème République en opposant numéro un du système.

Pourtant, c’est bien Jean-Luc Mélenchon qui effraie les Marcheurs. Que chantaient donc la poignée de « foulards rouges » qui manifestaient en soutien à Emmanuel Macron : « Mélenchon démission ! » A la bonne heure ! Ceux-là ont le mérite de montrer le vrai visage du macronisme. Certes, la grande bourgeoise Le Pen ne les inquiète pas outre mesure. Si elle permet de refaire le coup de 2017, ils en redemandent même. S’il faut en passer par elle pour mater le mouvement social, certains même ne diraient pas non. Mais que l’Avenir en commun, notre programme triomphe, ils ne se laisseront pas faire ! Le partage des richesses ? Vous n’y pensez pas ! Le salaire maximum, la constituante, la révolution fiscale avec ses 14 tranches d’imposition pour plus de justice, la lutte contre les lobbies à Bruxelles, le protectionnisme solidaire, la planification écologique, l’interdiction du glyphosate et l’égalité des droits, voilà ce dont ils ne veulent pas et qu’ils voient pourtant se rapprocher d’eux.

Premier pas dans l’après-Macron

Car 7 millions de voix se sont déjà prononcées en faveur de ce programme humaniste et écologiste. C’était en avril 2017, en votant pour l’Avenir en commun porté par Jean-Luc Mélenchon. Si le 26 mai prochain, les mêmes personnes mettent à nouveau un bulletin insoumis dans l’urne, alors la donne est changée radicalement. Dans cette élection européenne, où l’abstention est « traditionnellement » forte, rassembler 7 millions de suffrages ferait de l’insoumission la première force politique du pays. Bien sûr la convocation d’une assemblée constituante dans la foulée ne serait pas certaine mais le séisme politique lui serait immense. On sait bien qu’en France, l’élection décisive est l’élection présidentielle. C’est justement contre cela que nous nous battons. Il faut l’avoir à l’esprit lorsque nous menons la bataille pour la prise du pouvoir : chaque élection intermédiaire est un barreau sur l’échelle qui doit permettre de se hisser jusque-là.

C’est d’autant plus vrai que nous ne pouvons compter que sur la construction d’un mouvement populaire large et enraciné dans le pays. Une stratégie comme celle utilisée par Emmanuel Macron pour devenir président n’a aucune chance. Nous n’avons pas à notre service les 9 milliardaires propriétaires des grands titres de la presse française. Il n’y aura pour nous aucune couverture avantageuse, aucun éditorialiste en pâmoison, aucun article dithyrambique : ce sera beaucoup si on parle de nos idées sans sourire et de nos personnes sans dédain.

Le naufrage du macronisme ne portera pas automatiquement nos idées au pouvoir. Mais il offre l’opportunité de mettre le pied dans la porte. Demain Bruxelles, après-demain Paris : c’est la feuille de route de l’après-Macron.

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