Question écrite sur l’utilisation des canons à eau en maintien de l’ordre

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Le 16 octobre, Bastien Lachaud interrogeait le ministre de l’intérieur sur la composition de la solution projetée sur les manifestants, en France, lors de mobilisations citoyennes.

 

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, sur les traces d’animaux trouvés dans l’eau propulsée par des camions à eaux utilisés dans les dispositifs de maintien de l’ordre. Ces canons à eau sont utilisés de façon de plus en plus fréquente dans les dispositifs policiers en France. On peut s’interroger sur l’efficacité d’une telle stratégie. Mais le problème soulevé par la présente question ne porte pas tant l’efficacité du dispositif que les moyens de cette efficacité présumée. « C’est vraiment efficace », par ces mots un CRS major de la section des moyens spécialisés de Chassieu qualifiait les camions de police munis de canon lanceur d’eau, dans un article du journal le Parisien en date du 24 septembre 18. En effet, il existe plusieurs façons pour les forces de l’ordre d’utiliser les camions lanceur d’eau, présentés comme un outil de dissuasion. La première consiste à ne projeter que de l’eau, qui sort à une pression de 20 bars, contre les manifestants. Mais, il est possible d’incorporer à cet élément des additifs. Le premier, aujourd’hui classique dans le maintien de l’ordre, est un liquide lacrymogène. Mais la liste ne s’arrête pas là. La police peut aussi venir en support au travail des pompiers et pulvériser un liquide émulsif en cas d’incendie, en complément de l’eau. Enfin, summum de la sophistication, les CRS peuvent marquer les manifestants grâce à un produit spécial, ceci afin de reconnaitre a posteriori les individus qui ont manifestés. Ces produits de marquage codé permettent de détecter avec l’aide d’une lampe ultraviolette, les membres de la manifestation ayant été touchés par l’eau du camion à eau. Cependant, c’est un cas tout particulier et légèrement différent qui interpelle M. Lachaud. Lors de la manifestation du premier mai 2018, l’eau projetée ne contenait pas de produits de marquage codé, comme le montre une analyse faite en laboratoire commandité par le journaliste de Taranis news. Mais, comme le rapporte Le Parisien, a été pulvérisée sur les manifestants « une mousse spéciale, composée de protéines de viande macérée, mélange de sang séché et d’os broyés, à l’odeur assez forte ». Des résidus de morceaux d’animaux morts, donc, comme arme préventive non létale. Cela laisse songeur. Avec pareille substance, le ministère de l’intérieur entend dissuader les opposants végétariens ? Ces camions à canons provoquent bien de la dissuasion chez les manifestants, il produira en plus du dégoût quand ils apprendront la composition exacte de ce qui est projeté sur les manifestants. Il demande au candidat à la mairie de Lyon des explications sur l’usage de restes d’animaux morts à des fins de prévention policière et des justifications sur la finalité de ces pratiques. La France semble prendre exemple sur la technique de la « dirty water », utilisée par les forces de police israéliennes contre les palestiniens en 2014. L’eau projetée durant les manifestations était elle aussi pestilentielle, selon les témoignages recueillis à l’époque par Le Monde. Plus largement, il l’interroge sur l’ensemble de ces nouvelles mesures qui questionnent profondément les droits des manifestants.

Réponse publiée le 7 décembre 2019.

Corollaire de la liberté d’expression, le droit de manifester est une liberté garantie par la Constitution et par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les forces de sécurité de l’Etat concourent à l’exercice de ce droit. Les services d’ordre mis en place par les forces de police et de gendarmerie ont en effet pour but d’assurer la sécurité des biens et des personnes et donc le libre exercice de ce droit. En cas de débordements de toute nature (violences, dégradations, etc.), les opérations de maintien et de rétablissement de l’ordre public impliquent l’emploi de différents matériels et moyens destinés à préserver ou rétablir l’ordre public, c’est-à-dire le respect de la loi. Les compagnies républicaines de sécurité (CRS), spécialisées dans le maintien de l’ordre, disposent de moyens techniques spécifiques pour gérer les troubles à l’ordre public, notamment d’engins lanceurs d’eau, qui sont des moyens d’appui ayant uniquement vocation à faciliter et appuyer les manœuvres des unités constituées. Les engins lanceurs d’eau sont également utilisés dans des opérations de secours aux populations. Le parc de moyens lanceurs d’eau des CRS est composé de différents véhicules. En premier lieu, de deux CCF 4000 et deux CCF 6000, qui ne projettent que de l’eau. En second lieu, de deux CAMIVA, équipés d’une citerne à eau mais aussi de 3 citernes à additifs (émulsifiant, lacrymogène et colorant). Il convient à cet égard de souligner que le colorant et le lacrymogène n’ont jamais été utilisés envers des manifestants. Enfin, les CRS disposent également de trois EGIDE, possédant une cuve d’eau, un compartiment pour l’émulsifiant anti-incendie et un compartiment pour le produit d’auto-protection (diluant). S’agissant des émulsifiants qui peuvent être intégrés dans les EGIDE et les CAMIVA, il s’agit d’une mousse qui supprime l’apport d’oxygène, arrête les émissions de vapeurs inflammables et refroidit la surface en feu. Ils sont destinés à combattre les feux de barricades, de poubelles, de véhicules, etc. Ils sont d’ailleurs fréquemment utilisés par les sapeurs-pompiers. Ces produits sont mélangés avec l’eau en sortie de lance (à hauteur de 7 % pour les EGIDE et de 6 % pour les CAMIVA). Il existe deux types d’émulsifiant. L’un est synthétique. Il est utilisé pour éteindre des feux de rue, par exemple dans l’attente de l’intervention des sapeurs-pompiers. Le second, protéinique, est constitué de protéines hydrolysées, provenant de différentes matières premières (plumes broyées, protéines de pétrole, etc.). Cet émulsifiant, disponible sur les deux seuls CAMIVA dont disposent les CRS, n’est utilisé que pour les feux (barricades, divers objets en feu, etc.), possédant un fort pouvoir d’extinction sur les hydrocarbures. Il n’a jamais été dispersé sur des manifestants. S’agissant des moyens utilisés le 1er mai 2018 à Paris, un engin lanceur d’eau a effectivement été engagé boulevard de l’hôpital, dans le 13ème arrondissement. Afin d’éteindre plusieurs barricades en feu sur cette artère, un tir diffus de produit émulsif de type protéinique a été réalisé. A aucun moment toutefois, les manifestants n’ont été dispersés ou impactés par ce produit. En revanche, de légers résidus de mousse protéinique peuvent rester dans le circuit hydraulique d’un canon lanceur d’eau et se mélanger à l’eau lors d’un lancer réalisé après ceux effectués pour éteindre un feu. En tout état de cause, en l’espèce comme en toute autre circonstance, il paraît utile de rappeler que les forces de l’ordre interviennent dans le strict respect du droit, notamment des dispositions du code pénal et du code de la sécurité intérieure relatives au délit d’attroupement et à l’emploi de la force pour le maintien de l’ordre. Leurs actions sont soumises au contrôle de l’autorité judiciaire et de différentes autorités administratives indépendantes. L’emploi des engins lanceurs d’eau relève ainsi du cadre légal d’emploi de la force, décidée par l’autorité habilitée, après les sommations d’usage. Comme tout emploi de la force, il répond aux critères de nécessité, de proportionnalité et de gradation. Ce cadre légal strict a notamment été rappelé dans une instruction du 21 avril 2017 relative au maintien de l’ordre public par la police nationale, publiée au Bulletin officiel du ministère de l’intérieur. Les forces de l’ordre, dont il convient de rappeler qu’elles sont fréquemment victimes de violences, parfois extrêmes, dans le cadre de débordements qui surviennent en marge de certaines manifestations, interviennent toujours avec professionnalisme, sang-froid et discernement. Elles disposent dans ce domaine d’une expérience et d’un savoir-faire reconnus, y compris sur le plan international.

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