« Le peuple fait irruption sur la place publique ! » - Discours du lancement du comité d’appui de Bordeaux Métropole

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Jeudi 22 novembre avait lieu la soirée de lancement du comité d’appui de Bordeaux Métropole. Un événement qui a réuni plus de 50 personnes dont le député de gironde Loïc Prud’homme et la candidate locale aux prochaine élections européennes Marie-Duret Pujol. Retrouvez ci-dessous son discours d’introduction : « Le peuple fait irruption sur la place publique ».

       « Voilà donc que le peuple fait irruption sur la place publique ! Sans surprise pour nous, les insoumises et les insoumis, ce peuple ne ressemble pas à celui que les élites aiment à mépriser, à tourner en ridicule, à moquer la supposée inculture, le prétendu égoïsme, il ne ressemble pas à celui que les représentant.e.s auto-proclamé.e.s de l’opinion publique décrivent à longueur d’éditoriaux, d’analyses sur les plateaux des chaînes d’information continue. Le voilà donc ce peuple, qui ne ressemble pas au peuple policé, bien élevé, tout bien conditionné pour la domination des puissants, des poudrés, des biens nés, des parfumés, ce peuple qui prend la démocratie au sérieux, tellement au sérieux qu’il prétend se faire entendre et voir ses revendications exaucées. Je sais, ce peuple, il ne ressemble pas au peuple que certain.e.s d’entre nous attendaient, espéraient, un peuple avec banderoles, marchant dans des cortèges syndicaux ou mieux encore un peuple portant fièrement notre phi et revendiquant notre programme avec nos propres mots. Ce peuple, il porte un gilet jaune et nous ne sommes pas sûr.e.s qu’il soit le peuple que nous attendions.

       C’est une question importante pour nous que de savoir ce que signifie ce mouvement des gilets jaunes, de savoir s’il ne s’agit pas d’une énième déclinaison de la droite hostile à l’impôt et à l’État, bref de nos adversaires les plus acharné.e.s. C’est ici que nous, les insoumises et les insoumis, avons une longueur d’avance, sinon deux, sur les commentateurs professionnels.
Car que voient-ils les observateurs, comme ils disent ? Qu’observent-ils ? D’abord et avant tout, des ruraux. Ici, il faut expliquer : pour un Parisien ordinaire, la ruralité commence de l’autre côté du périphérique et s’accentue (c’est-à-dire qu’elle devient profonde, peut-être même obscure) à mesure que se présente cet autre monde, cette autre France, ancienne, traditionnelle, pour tout dire en retard sur le mouvement de l’histoire, le progrès que les Parisiens qui peuplent les médias officiels vivent au quotidien, cette France rurale et profonde qu’ils nomment la province. Vous remarquerez que les commentaires sur les gilets jaunes ont abandonné pour un temps leur « en région » qui annonce ordinairement la plongée dans la France rurale et traditionnelle. Voilà donc comment ils décrivent le mouvement des gilets jaunes, comme un mouvement provincial, c’est-à-dire marginal. À partir de là, il n’est pas difficile de ressortir les disqualifiants habituels, l’incompréhension des grands enjeux du moment (l’écologie, parce qu’ils s’en soucient eux de l’écologie, de la transition énergétique) et le poujadisme, un classique de la disqualification. Le poujadiste, c’est l’égoïste, le petit patron, le petit artisan, celui dont la conscience politique s’arrête à son nombril.

      Nous, les insoumises et les insoumis, nous connaissons ces ruses médiatiques éculées, ne serait-ce que parce que nous en sommes les victimes habituelles : extrême-gauche, irréaliste, inconscient du monde dans lequel « on » vit, etc. Comme ils ne peuvent pas ressortir le poujadisme, car ils savent que tout le monde sait que nous voulons faire les poches des riches, ils en ont un autre de mot pour nous qualifier : populisme. Tiens, le peuple fait retour.
Et oui, car le problème pour tous les poudrés et les parfumés, c’est toujours le même, le problème c’est le peuple, surtout quand il fait irruption sur la scène, qu’il n’attend pas sagement les élections, qu’il ne s’abstient pas, surtout quand il prétend prendre son destin en main, tout de suite, ici et maintenant.
Alors que dit-il ce peuple ? Qu’il n’en peut plus, qu’il ne vit plus de son travail, que les lignes de train ferment, qu’il n’y a plus de services publics, que le gouvernement lui fait les poches alors qu’ils gavent les riches, qu’il refuse de payer pour les privilégiés, qu’il est révulsé lorsqu’il apprend que Carlos Goshn n’en a jamais assez. Il dit qu’il est en colère. Et bien je vous le dis, nous aussi nous sommes en colère, nous aussi nous voulons lutter contre les inégalités, nous aussi nous voulons la justice sociale. Ce ne sont pas nos mots qu’ils disent ? Oui, c’est vrai mais ils n’en expriment pas moins notre colère, cette colère qui est l’humus de notre socialisme républicain et écologiste.

        Au-delà de tous les débats statistiques (je renvoie ici à une étude de l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques sortie le 20 novembre), nul ne peut sérieusement nier la baisse continue du pouvoir d’achat depuis 2008 et sans doute même depuis plus longtemps encore. Parce que cette baisse, nous la vivons au jour le jour, lorsqu’il s’agit d’acheter moins, le moins cher possible, quand il faut choisir entre se soigner ou donner à manger à ses enfants, quand il faut faire le plan, payer ses factures, quand il faut sans cesse se restreindre alors même que, pour celles et ceux qui travaillent à temps plein, nous disposons de revenus a priori réguliers, et même confortables. Alors dans ces conditions, faire porter la charge de la transition énergétique, alors même que 20% seulement de cette nouvelle ressource fiscale sera allouée à l’écologie, sur celles et ceux qui ne peuvent pas faire autrement, parce qu’ils et elles ne sont pas en capacité de prendre des transports en commun, est un authentique scandale, surtout quand, les biens élevés prétendent en plus leur faire la leçon, en les rendant responsables du désordre climatique après les avoir encouragés à rouler en diésel.

Cette baisse, ces inégalités, cette injustice fiscale ne viennent pas de nulle part. Elles sont politiques car elles sont le produit de décisions politiques, de votes à l’assemblée. Mais ces décisions ne trouvent pas leurs racines en France, mais bien en Europe, plus exactement dans les traités européens qui prétendent graver dans le marbre les mécanismes fiscaux qui sont aujourd’hui dénoncés.Qui demande en effet la baisse des financements des services publics ?

La Commission et l’Union Européenne. 
Qui facilite l’évasion fiscale, l’optimisation fiscale ? 
La Commission et l’Union Européenne. 
Qui défend la libre circulation des capitaux ? 
La Commission et l’Union Européenne. 
Qui protège l’industrie automobile, en particulier allemande ? 
La Commission et l’Union Européenne. 
Qui interdit l’investissement pour la transition écologique ? 
La Commission et l’Union Européenne.

        Bien sûr, cette manière, insoumise je le reconnais volontiers, de poser le problème, vous ne l’entendrez pas dans les médias officiels. Non, c’est un autre tableau qui est décrit. Ils ont d’abord essayé d’enfermer la discussion dans une logique binaire, ou l’Europe ou le chaos, ou Macron ou le national-populisme. Nul doute qu’ils continueront et qu’ils agiteront pour faire le spectre de la sortie de l’Europe, de l’euro et l’épouvantail du Brexit. Nul doute non plus que nous continuerons, nous, à dire que les traités ne permettent pas d’appliquer la politique qui est portée par notre programme l’Avenir en commun, que nous affirmerons avec force que la transition écologique est une nécessité pour l’humanité et non pour la seule France, que nous dirons avec tout autant de force que la question migratoire ne se résoudra pas par une impossible fermeture des frontières nationales. Notre problème, ce n’est pas l’Union européenne en tant que telle, notre problème ce sont les traités, c’est l’interdiction de mener d’autres politiques économiques que la politique ultra-libérale inscrite en toutes lettres dans les traités. Notre problème, ce n’est pas l’Europe, ce sont les traités.

        Ce débat interdit, celui sur les traités, Jupiter, trônant sur son trône, ne peut s’abaisser à le mener. Le risque serait trop grand pour lui car il apparaîtrait bien vite que toute la politique qu’il feint de décider et qu’il impose par ordonnances, par le recours croissant à la force (c’est-à-dire aux forces de l’ordre) contre toutes celles et tous ceux qui s’opposent, toute cette politique est décidée en réalité au sein des instances européennes, dans la Commission en particulier : destruction du Code du Travail, privatisation des barrages, de la SNCF, toutes ces mesures ont été chaudement « recommandées » par la Commission. Le dire n’est pas être contre l’Europe, c’est dire simplement ce qui est. Du fait du contenu des traités européens, les pays membres de l’Union détruisent tous, plus ou moins vite, leurs services publics, leurs codes du travail, s’empêchent tous d’investir pour entrer dans la transition énergétique. Ils n’ont d’autres solutions que d’opter pour le dumping fiscal et la concurrence par la baisse des salaires pour éviter les délocalisations entre pays européens.

        Ce débat sur l’Europe qui nous protège, sur les vrais Européens, il trouve son lieu d’épanouissement dans la gôoooooche, celle qui crie en cadence l’unitèèèèèèèèèè, celle qui, comme Europe-Écologie les Verts et le P.S. ne tranche pas entre notre camarade Farida Amrani et le remplaçant de Manuel Valls, ex communiste, ex PS, LREM allié avec la droite à présent. Car oui, entre un partisan du nucléaire et Farida qui porte dans son programme la sortie du nucléaire, cette gôche-là ne choisit pas ; pas plus qu’elle ne choisit celle qui défend la nécessité de faire entre tout de suite la France dans la transition écologique, celle qui défend la justice fiscale par un impôt sur le revenu véritablement progressif.
Non, cette gôche préfère tourner la tête, regarder ailleurs, attendre l’après second tour, pour reprendre son slogan, unitèèèèèèèèè, unité qu’elle prétend incarner à elle-seule, en demandant aux autres de s’incliner, de se rallier, de se soumettre, au nom de la gauche et de son unité qu’elle trahit en ne soutenant pas Farida Amrani, qu’elle trahit plus fondamentalement encore en laissant penser que gauche et droite, dans cette circonscription, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

         Mais ce souci de cohérence qui est le nôtre, cohérence dans le programme, cette radicalité concrète, elle n’est pas discutée par la gôche. Non, la gôche a trouvé, grâce à des médias complaisants, un nouveau fanal, un nouvel emblème, de nouveaux héros et héroïnes. Elle a trouvé Place Publique, ce nouveau parti qui veut « bouleverser le champ politique » selon l’AFP (6 novembre), « ouvert à toutes celles et tous ceux qui partagent les principes de solidarité sociale, de respect du vivant, de renforcement de la démocratie et de promotion des droits humains ». Avec un tel programme, difficile d’être contre ! Et, les médias en raffolent, ils sont « Écologiste, de gauche et pro-européen ».
        Alors bien sûr, cette ficelle, nous la connaissons bien. Elle consiste à inventer, de préférence avant chaque élection qui pourrait mal tourner pour les dominants, en particulier quand les partageux que nous sommes frappent de plus en plus fort à la porte du pouvoir, un parti attrape-tout, de gôche, drapé dans une morale à toute épreuve qui finit immanquablement par localiser ses adversaires à gauche et non à droite (Pro-Européen avant tout). Avec en emblème, les réfugié.e.s, l’accueil des réfugié.e.s. Comme si cette question pouvait faire débat entre nous. Non elle ne fait pas débat. Nous aussi, nous avons un cœur. Nous aussi, la souffrance des autres nous met en colère ; la souffrance ici, la souffrance là-bas. Mais justement, nous prétendons agir aussi sur la souffrance là-bas. Car pour nous, lorsqu’il s’agit des « migrant.e.s » (terme curieux qui évite de nommer des réfugié.e.s, des individus qui fuient la misère, la guerre et non des touristes qui se déplacent au gré de leurs envies), partir est une souffrance, c’est un exil forcé. Car nous revendiquons pour toutes et pour tous la possibilité de vivre et de travailler au pays, en France, et partout dans le monde. Parce que c’est écologique, parce que c’est juste !

Nous ne prétendons pas avoir le monopole du cœur, nous demandons seulement de ne pas être soupçonnés de ne pas en avoir.
Quand un tel ou une telle arrive exténué.e près de nos côtes, quand il ou elle a traversé nos frontières, nous l’accueillons parce qu’il n’y a pas d’autres solutions que de tendre la main. Mais tendre la main, ce n’est pas une politique. La politique, c’est agir contre les causes de ces départs. La politique c’est dire que les migrations ne viennent pas de nulle part, qu’elles viennent des guerres que nous entretenons quand nous ne les créons pas, qu’elles viennent de la misère et de la pauvreté, qu’elles viendront de plus en plus des désordres écologiques. Et parce que nous faisons de la politique, nous désignons les responsables de cette situation : les États-Unis qui encouragent un climat belliqueux dans le monde (qu’il suffise de penser au soutien américain sans faille pour l’Arabie Saoudite) ; l’Union Européenne qui détruit les agricultures vivrières des pays du Sud en leur imposant des traités commerciaux inégaux, qui interdit par ces traités de faire entre l’Europe dans la transition écologique.

       Alors, parce que nous faisons de la politique, nous disons à tous ceux qui veulent « bouleverser le champ politique » et qui commencent à dire qu’ils envisagent de faire une liste aux élections européennes :
l’OTAN et le soutien aux Américains, c’est oui ou c’est non ?
les traités qui empêchent de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, c’est oui ou c’est non ?
l’armée européenne vassalisée par les Américains, c’est oui ou c’est non ?

La France insoumise n’a pas peur de poser ces questions parce qu’elle ne craint pas d’y apporter une réponse. Parce que nous sommes pour la paix, pour la justice fiscale, pour la transition énergétique, nous sommes contre l’Europe des traités. Parce que nous sommes Européen.ne.s, nous avons des alliés dans de nombreux pays européens, Podemos (Espagne), el Bloco de Esquerda (Portugal), l’Alliance rouge-verte (Danemark), le Parti de gauche (Suède), l’Alliance de gauche (Finlande), Potere al Popolo (Italie).

Alors, à toutes celles et à tous ceux qui ne se paient pas de mots ou de morale,
à toutes celles et à tous ceux qui croient, qui veulent la révolution citoyenne, en France, en Europe, je dis : votez et faites voter pour la liste de la France insoumise aux élections européennes.

Et Maintenant… le peuple ! » 

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