Le 21 novembre 2018, Bastien Lachaud a pris la parole pour soutenir la proposition de loi de Mme Maud Petit, députée du Modem, visant à interdire les violences éducatives ordinaires (VEO). Cette proposition de loi pose le principe que les enfants ont le droit à une éducation sans violence, et que la violence n’est jamais éducative à autre chose qu’à la violence. Les enfants apprennent par là les rapports de force et de domination, et rien d’autre. Cela a des conséquences sur leur vie future et leur équilibre psychologique. L’Etat a le devoir de protéger les plus faibles, notamment les enfants, de toute violence, physique ou psychologique. Ces violences sont un problème de société, car les enfants qui subissent les violences ont des troubles de l’attention, ont un risque accru de difficultés scolaires, et de tomber dans la délinquance. Les violences créent un climat de stress, nocif à l’épanouissement de l’enfant, qui accroit le risque de comportement eux-mêmes violents ou de manque de confiance en soi.
Voir ici les débats en séance publique.
Voir ici le texte complet de l’intervention :
Madame la Présidente, Madame la rapporteure, Mes chers collègues,
Selon une estimation de l’INSERM, 2 enfants meurent chaque jour par maltraitance, négligence ou abandon, dont une proportion considérable sous les coups de leurs parents, de l’ordre de 600 à 700 décès par an. Il existe aujourd’hui plus de 98 000 cas connus d’enfants en danger, c’est-à-dire 10 % de plus qu’il y a dix ans. 44 % des enfants maltraités ont moins de 6 ans. Tel est le constat glaçant de l’association observatoire de la violence éducative ordinaire.
Quoi qu’en disent les goguenards sur les réseaux sociaux, ou ceux qui réduiraient les violences dites éducatives à la fessée, cette proposition de loi est d’utilité publique. Aussi, bien qu’émanant de la majorité, et comme nous examinons toujours les textes sans sectarisme, nous la soutiendrons. J’en suis moi-même co-signataire. Certains points peuvent être précisés, nous le verrons dans les amendements.
Car des violences faites aux enfants n’ont rien de banal ni d’éducatif. La société condamne toute forme de violence, physique, verbale, psychologique. Des sanctions pénales sont prévues pour les auteurs de coups, de blessures. Mais pas pour celles et ceux qui frappent des enfants. Notamment pas leurs enfants. Cela est renvoyé à l’intimité de la famille, et la liberté des parents dans le choix de l’éducation qu’ils donnent à leurs enfants. Mais qu’en est-il de la liberté des enfants d’avoir une éducation sans violence ? ils n’en ont aucune !
La société doit protéger les enfants de la violence, comme elle a un devoir de protection envers les plus faibles. Outre un impératif de protection, il y a un impératif de santé publique : les conséquences d’une éducation violente sur la santé psychologique, le stress, le manque de confiance en soi, sont multiples.
Il ne s’agit pas là, contrairement aux vulgaires caricatures que l’on peut lire ici ou là, de céder à tous les caprices des enfants, de les proclamer en enfants-rois auxquels on ne peut jamais rien dire et surtout pas non.
Mais simplement de dire que on peut dire non à un enfant de tout autre manière que par des actes violents.
Car contrairement à ce qu’on dit, la violence n’est pas éducative. Si elle éduque, c’est à la violence et à résolution des conflits par la violence, la douleur. La violence sur les enfants les habitue aux rapports de force du dominant, à craindre plus qu’à respecter celui qui a de la force, et non celui qui a raison.
Les enfants sont éduqués à l’emprise de rapports de domination, qu’ils peuvent aussi, malheureusement, constater entre leurs parents, dont les enfants subissent aussi les conséquences. En grandissant, le modèle est ancré dans les esprits. La violence est le terreau de la maltraitance et des violences conjugales : on habitue l’enfant à ce qu’il y ait une bonne violence, légitime, physique, humiliante, et à penser qu’il est normal de se comporter ainsi au sein d’une famille.
Les humiliations récurrentes, les violences psychologiques répétées, les inégalités les plus insidieuses conduisent nécessairement à penser, par leur répétition et la légitimité de l’autorité dont elles émanent, conduisent inévitablement à former les esprits. Par-là, les enfants apprennent à être dominés et à vouloir dominer pour sortir de cette situation où ils subissent la violence. On entre dans un cycle infernal, où la violence future répond à la violence présente, où les enfants battus devenus parents sont parfois incapables d’éduquer leurs enfants autrement.
Cette violence domine ensuite les rapports sociaux, à l’école, puis plus tard au travail, dans la société, dans le couple, et toutes les relations sociales qui sont pourries par l’envie impérieuse de s’imposer pour ne pas subir la violence, ou pour d’autres la peur permanente et l’effacement de soi en ayant été élevé dans la crainte.
Seuls les dominants veulent maintenir les rapports de domination. Leur disparition n’entrainera pas le chaos et la fin de l’autorité, mais ce qui est premier en république, la liberté pour l’enfant de s’épanouir sans crainte, l’égalité de traitement de tous, sans qu’un domine et l’autre obéisse, et la fraternité. Cela s’apprend tout petit. Et cela ne s’apprend pas par la violence.