Directive eau potable : le compte n’y est pas

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Article publié initialement sur le site de Gabriel Amard, gabrielamard​.eu, le 26 octobre 2018, à cette adresse.

Mardi 23 octobre avait lieu le vote au Parlement européen sur la refonte de la directive eau potable portant notamment sur la qualité de l’eau. Le déclenchement de ce travail a eu lieu sous la pression des associations et notamment de l’initiative citoyenne européenne Right2Water (droit à l’eau), qui avait rassemblée 1,6 millions de signatures, à laquelle j’ai participé et dont je vous ai exposé plusieurs fois l’avancée. La directive datant de 20 ans, il apparaissait aussi nécessaire de mettre à jour les seuils de pollution au regard des nouvelles connaissances scientifiques.

Dans un précédent texte, j’expliquais que cette directive était largement insuffisante. Ce fut encore le cas.

Certes, les eurodéputés progressistes ont obtenu à l’arrachée quelques victoires. Un amendement mentionnant que l’objectif de la directive était de « garantir l’accès universel » à l’eau a été adopté. Pourtant, si le droit à l’eau semble dans un premier temps reconnu, son accès n’est obligatoire que dans les administrations et les bâtiments publics et non dans les restaurants et sur la voie publique. Les populations les plus démunies et vulnérables ne sont pas plus garanties d’avoir un accès non restreint à l’eau. Ainsi, l’article mentionnant les obligations des Etats en la matière est très timoré, et bien en-deçà des demandes de l’initiative citoyenne européenne.

Sur la qualité de l’eau, la Commission a fixé les critères en fonction des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé qui font l’objet d’un large consensus. Par ailleurs, les eurodéputés ont obtenu que les recherches et identifications des sources de pollution soient régulièrement mises à jour. Cependant, les substances perfluorées ne seront pas mesurées ! Ces substances chimiques sont utilisées dans des applications industrielles et domestiques (anti-salissantes, imperméables aux graisses, agents tensio-actifs, détergents, émulsifiants etc.). Ayant des propriétés très persistantes et bioaccumulatrices, elles peuvent avoir des effets cancérogènes et sont suspectées d’avoir un impact néfaste sur la reproduction humaine. C’est le rapporteur du texte, l’eurodéputé français de la droite (PPE) Michel Dantin lui-même qui a déposé cet amendement. Au départ, la Commission prévoyait que la concentration maximale de ces substances dans l’eau soit réduite de 0.5 to 0.3 microgramme/litre, ce qui était largement insuffisant. Par ailleurs, la concentration maximale autorisée du bisphénol A qui est un perturbateur endocrinien connu a été augmenté de 10 fois sur proposition de la Commission !

Autrement dit, les lobbys industriels se sont activés dans les couloirs du Parlement pour limiter l’impact de la directive. Michel Dantin, rapporteur du texte, a-t-il été approché ? Il a démarré sa carrière à la FDSEA (fédération départementale de la FNSEA), avant de devenir conseiller de différents ministres de l’agriculture de droite (Hervé Gaymard, Dominique Bussereau, Michel Barnier). Dans le même temps, il est maire de Chambéry (savoyard comme Gaymard), vice-président de l’agglo, Président du Comité intersyndical d’assainissement du lac du Bourg et ancien président du Comité de bassin Rhône-Méditerranée. Vu son parcours, pourrait-on l’imaginer à l’écoute de certains intérêts agro-chimiques ?

Younous Omarjee, eurodéputé LFI, et les eurodéputés de son groupe la GUE/NGL se sont donc abstenus sur ce texte pour, malgré les avancées gagnées par eux, marquer leur opposition aux insuffisances du texte au regard des attentes citoyennes.

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