M. Michel Larive interroge M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur des affaires d’agression sexuelle de saisonnières marocaines en Espagne.
« Dans années 2000, dans le cadre d’un échange économico-migratoire entre l’Espagne et le Maroc, les deux pays ont décidé de répondre à un besoin de main-d’œuvre ponctuel en Espagne en échange de devises pour le Maroc. A l’origine, le ministère de l’emploi marocain réalisait, via son établissement administratif, ANAPEC (Agence Nationale de promotion de l’emploi et des compétences), le recrutement. Côté espagnol, la mairie de Cartaya se chargeait de l’accompagnement de marocaines venues travailler dans la province de Huelva. Aujourd’hui, et malgré l’arrêt des financements par l’Union Européenne en 2012, des milliers de Marocaines continuent de venir chaque année pour travailler. Néanmoins, l’échange de bons procédés entre les deux Etats pose question, car cette politique migratoire circulaire est discriminante. Elle est une politique sexiste qui limite à l’embauche de femmes qui ont des attaches familiales. Ce principe porte atteinte au droit à la mobilité, puisque les employeurs disposent des migrants à leur guise et selon leurs besoins. De plus, ces femmes sont en grande précarité, majoritairement originaires du milieu rural, il s’agit très souvent de personnes parmi les plus fragiles du pays. En Espagne les chefs des exploitations sont en grande majorité des hommes « blancs », de nationalité espagnole. Cette imbrication de rapports de domination minimise la parole des principales concernées, pourtant victimes d’agressions sexuelles. Lorsque l’on connaît le déni d’agressions sexuelles contre ces saisonnières au Maroc, il semble capital d’agir pour favoriser l’expression de ces femmes.
Dans un contexte international de libéralisation de la parole des femmes, il existe une responsabilité de garantir des conditions de travail honorables à ces femmes, en conséquence, je vous demande dans quelle mesure votre gouvernement peut-il intervenir pour rendre leurs dignités à ces travailleuses ? »
- Réponse du gouvernement (25.06.19) :
En 2006, un programme de gestion éthique de l’immigration saisonnière associant le Maroc et la province de Huelva a été lancé et un accord de collaboration a été signé entre le conseil municipal de Cartaya et l’Agence nationale marocaine pour l’emploi et les compétences, administration (ANAPEC). Un groupe de travailleuses saisonnières marocaines employées au Espagne a récemment dénoncé le harcèlement professionnel et sexuel dont se serait rendu coupable un producteur de fraises. Le ministère régional andalou de la justice a demandé au bureau du procureur général de Huelva de diligenter une enquête. Tant avec l’Espagne qu’avec le Maroc, la France entretient un dialogue bilatéral nourri sur la question de l’égalité hommes-femmes. La situation des travailleuses saisonnières pourra être abordée dans ce cadre. Au Maroc, la lutte contre les violences faites aux femmes est l’un des thèmes forts de notre coopération et de nos actions en direction de la société civile. Un appel à projets concernant la lutte contre les stéréotypes liés au genre et les violences faites aux femmes a été lancé en juin 2018 par l’ambassade de France à Rabat. 7 associations ont été retenues et mèneront des actions de sensibilisation à ces questions dans tout le pays. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères place au coeur de son action la lutte contre les violences faites aux femmes et les discriminations à leur égard. En février 2018, a été lancée la « Stratégie internationale pour l’égalité entre les femmes et les hommes », qui guidera l’action internationale de la France jusqu’en 2022 et dont l’un des objectifs clés est la « protection des femmes contre toutes les formes de violence ». Les actions de coopération concernant cette thématique, grande cause nationale du quinquennat, comme l’a décidé le Président de la République, verront leur importance renforcée dans les années à venir.