Qui profite de « l’argent magique » ?

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« Il n’y a pas d’argent magique » : voici le nouveau slogan d’Emmanuel Macron, emprunté à la première ministre britannique Theresa May. Comme elle, il a jeté cela au visage d’une infirmière : si son salaire baisse, c’est à cause du manque de moyens de l’Etat et de son endettement excessif.

Cette dette ne devrait pas être transmise « à nos enfants » et l’Etat devrait donc baisser ses dépenses publiques. Voici ce que nous suggère Emmanuel Macron avec un bon sens apparent, partagé par l’ensemble d’En Marche, des Républicains, du PS et du FN.

Bon sens, vraiment ? Pas du tout, c’est même une véritable ânerie.

La dette publique est une question posée en France depuis Louis IX et les croisades, véritable gouffre financier. Certains de ses successeurs ont traité la dette publique avec des moyens expéditifs. Le roi de France Philippe Le Bel grattait le métal des pièces pour en produire de nouvelles à partir de rien du tout… puis a envoyé au bûcher ses créanciers, afin de ne pas les rembourser tout en saisissant l’ensemble de leurs biens ! Si le problème est ancien, de nombreuses réponses plus pacifiques et respectueuses des droits fondamentaux ont été apportées entre temps, avec la naissance de l’Etat moderne.

En premier lieu, si la dette publique (aujourd’hui de 96% du PIB) est un problème si grave « pour nos enfants », il faudrait commencer par ne pas diminuer systématiquement les recettes de l’Etat comme il l’a fait. Pour résoudre son endettement contrairement à un particulier, l’Etat a les moyens… de décider combien il gagne ! Or, Macron appauvrit l’Etat : il supprime l’impôt sur la fortune (-3 milliards d’euros), la taxe de 3% sur le versement des dividendes (-2 milliards d’euros) ou encore la taxe sur les salaires principalement payée par les traders (-100 millions d’euros).

Mais la question de « l’argent magique » n’est pas là. Elle concerne la manière dont on crée de la monnaie dans notre société. La monnaie est aujourd’hui créée par les banques « ex nihilo » (c’est à dire à partir de rien). A chaque fois qu’elles accordent un crédit ou qu’elles achètent un titre, les banques créent l’argent correspondant. C’est pour cela qu’on explique que ce sont les crédits qui font les dépôts, et non l’inverse.
Contrairement à ce qu’indique une erreur très répandue et à ce que nous suggère le « bon sens », la banque ne prête donc en aucun cas l’argent de votre épargne. La preuve, l’argent de votre épargne ne bouge jamais de votre compte, sauf si vous le décidez. La monnaie est donc créée par la simple plume du comptable, à partir de rien, c’est-à-dire de manière « magique », en simple échange d’une reconnaissance de dette.

Par conséquent, toute dette nouvelle crée de la monnaie et tout remboursement de dette en détruit. Et c’est là que le bât blesse pour la pensée archaïque de Macron sur la dette et l’argent, tout banquier soit-il. Si nous remboursions aujourd’hui toutes nos dettes (privées et publiques), la monnaie disparaîtrait de nos sociétés, et nos enfants comme nous-mêmes n’aurions plus de monnaie du tout ! Là est le piège : sans dette pas de monnaie, sans monnaie, pas d’activité.

C’est pour cela que la dette publique, mais aussi et surtout la dette privée (130% du PIB, bien plus importante que la dette publique), n’arrêtent pas de monter. On ne peut pas faire autrement dans ce système biaisé et mal pensé.

Comment en sortir alors ? En créant une partie de la monnaie sans dette, de manière raisonnable et ciblée, pour financer la transition énergétique, les services publics, la santé et la recherche…La banque centrale peut le faire. Elle aussi ex nihilo, à partir de rien, puisque la monnaie n’est qu’une convention sociale, une abstraction au service d’une société et de l’activité économique.

Avant la signature du traité de Maastricht, l’Etat pouvait d’ailleurs demander des avances à sa banque centrale (mais pas de manière illimitée) et décidait, dans le cadre du circuit du Trésor, comment se financer et souvent à quel taux. Mais depuis que la dette publique a été mise sur le marché, il n’y a plus que les banques qui peuvent créer de la monnaie et financer l’Etat !

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