Petite leçon de guerre aux chômeurs

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Pour sa réforme de l’assurance-chômage, Emmanuel Macron entend lancer la chasse aux chômeurs, en leur imposant de reprendre des emplois mal payés en-dehors de leurs qualifications et en les obligeant à tenir un « journal de bord » de toutes leurs activités. Bref, passer plusieurs heures par semaine à noter leur recherche d’emploi… plutôt que d’effectivement rechercher des emplois, avec la menace d’une radiation à la clé ! En outre, c’est désormais par décret que va être déterminée l’indemnisation des chômeurs, directement dans la main du président de la République, et plus dans celle des partenaires sociaux.

Mais d’autres modifications plus discrètes doivent attirer notre attention. C’est le cas par exemple des indicateurs descriptifs, c’est-à-dire des chiffres qui sont sensés exposer une situation. Combien y a-t-il de chômeurs indemnisés, par exemple ? Et bien à cette question, la réponse n’est plus du tout évidente depuis 2016 et la substitution d’un indicateur à un autre. En effet, auparavant, Pôle emploi, la Dares et l’Unédic communiquaient régulièrement la proportion de chômeurs recevant une indemnisation. 70% de demandeurs d’emploi indemnisés signifiait que sur 100 personnes inscrites à Pôle emploi, 70 touchaient de l’argent (ou bien de l’assurance-chômage s’ils ont des droits ouverts, ou bien de l’Etat s’ils sont en fin de droits et dépendent de la solidarité nationale).

Désormais, comme l’indique une note de l’Institut européen du salariat, nous sommes tombés au point historique le plus bas : jamais aussi peu de chômeurs n’ont été indemnisés depuis le début des séries statistiques, en 1985. Seuls 51% des inscrits à Pôle emploi sont désormais indemnisés, quel que soit le mode d’indemnisation. En 2003, 54% des chômeurs étaient indemnisés par l’assurance-chômage, ils ne sont plus que 46% aujourd’hui. Quant aux personnes sans emploi secourues par l’Etat, elles sont passées de 10% à 6%.

Ce constat accablant est difficilement accessible. D’abord, car les institutions statistiques ne fournissent plus en effet que le nombre de chômeurs indemnisés (il faut donc aller soi-même faire une opération mathématique avec le nombre total de chômeurs pour obtenir un pourcentage ). Avantage : ce nombre peut être présenté comme « en augmentation »… même quand sa proportion diminue ! Lorsque l’on passe de 1 à 2 chômeurs indemnisés, dans une population qui passe de 2 à 6 chômeurs, on a certes doublé le nombre de chômeurs indemnisés… mais on est surtout passé de 50% à 33% de chômeurs indemnisés !

Ensuite, car les mêmes institutions statistiques du ministère communiquent exclusivement sur le taux de chômeurs indemnisables. Il s’agit alors de mesurer combien de chômeurs ont théoriquement droit à une indemnisation, même si en pratique ils ne la touchent pas (car ils sont sanctionnés, car ils sont en congé de maternité ou en arrêt maladie, ou bien, surtout, parce qu’ils exercent un contrat précaire ou à temps partiel en parallèle). Et si l’on publie le nombre de chômeurs théoriquement éligibles à des allocations, et bien le taux est assez stable ! C’est donc grâce à la motivation des chômeurs, prêts à travailler pour quelques jours ou quelques semaines dans le mois (en « activité réduite », un dispositif qui permet de rester inscrit ou de compléter ses revenus avec une partie de l’allocation-chômage), que le gouvernement peut communiquer sur des chiffres stables… et en même temps reprocher aux chômeurs de ne pas en faire assez pour retrouver un boulot.

Ainsi, sauf à se pencher de manière savante sur les tableurs les plus obscurs, les Françaises et les Français n’ont même plus le moyen de savoir réellement combien de chômeurs sont indemnisés dans leur pays. Pour cacher la fièvre, les derniers gouvernements n’ont rien trouvé de mieux à faire que de casser le thermomètre !

 

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