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Le 22 mars, défendons l’intérêt général !

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Le 14 mars dernier, Elisabeth Borne, ministre des transports a présenté en conseil des ministres le « Projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire », texte qui une fois voté habilitera le gouvernement à mener la réforme de la SNCF.

 

Un débat démocratique ? FAUX, un passage en force !

Les ordonnances sont une méthode de gouvernement autoritaire maintenant bien rodée chez LREM. Rappelons-le, le recours aux ordonnances permet de faire l’impasse sur le débat public au sein du Parlement et de réduire à peau de chagrin les processus de concertation avec les partenaires sociaux. Après la réforme du code du travail, le Gouvernement a décidé de passer en force la réforme de la SNCF au nom de l’urgence de transposer dans l’ordre juridique français les directives européennes relatives à l’ouverture du marché des services nationaux de transport ferroviaire.

 

La SNCF, une entreprise comme une autre ? FAUX, un bien commun !

Considérer la SNCF comme un simple prestataire de services sur un marché, c’est oublier qu’il s’agit d’une structure qui réalise une activité d’intérêt général, avec des effets à la fois sur nos politiques de transports, nos politiques écologiques et nos politiques industrielles. Toute marchandise transportée en train remplace des camions sur les routes ou des voitures de passagers, ce qui dégage bien moins de dioxyde de carbone. Chaque gare permet de maintenir de l’activité dans les villages voisins - une gare qui ferme, c’est une ville qui se dépeuple et qui voit les jeunes partir. Les gares contribuent aussi à lutter contre le chômage, car elles permettent à certains individus de travailler dans une ville, et de vivre dans une autre. De plus, l’industrie ferroviaire est un lieu de découvertes régulières pour développer et améliorer encore plus la capacité des transports collectifs. Au regard de ces enjeux essentiels, ne pas débattre de la réforme du statut de la SNCF au Parlement constitue une grave entrave à la démocratie.

 

Le rapport Spinetta est objectif ? FAUX, il est rédigé par un liquidateur professionnel !

Le « Projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire » rappelle en préambule que « le gouvernement a souhaité mettre en place une démarche spécifique pour éclairer l’avenir du transport ferroviaire ». Pour cela, ce dernier s’est appuyé sur le « diagnostic complet » dressé par M. Jean Cyril Spinetta, illustre expert, 41e patron le mieux payé de France (1,5 million par an), ancien PDG d’Air France à qui l’on doit la privatisation du groupe. Il a aussi co-organisé la restructuration de la Poste et de GDF-Suez. Il en connait un rayon dans la liquidation d’entreprises publiques !

 

Le rapport Spinetta pointe différentes pistes ? FAUX, il est téléguidé par Matignon pour bloquer le débat !

Ce fameux rapport Spinetta, remis au Premier ministre le 15 février dernier, recommandait entre autres directement :

  • la transformation de l’établissement public en société anonyme (aujourd’hui, la SNCF est composée de 3 « établissements publics à caractère industriel et commercial » : la SNCF, en charge du pilotage stratégique du groupe, SNCF Mobilités, en charge de l’exploitation des trains, et SNCF Réseaux, propriétaire et principal gestionnaire du réseau ferré français,
  • la fermeture des petites lignes non rentables en zones urbaines et péri-urbaines, 
  • et la suppression du statut de cheminot. 

Là encore, on observe une méthode récurrente de légitimation anti-démocratique du gouvernement : il s’agit de faire appel à un « expert » qui produit un rapport « indépendant », pragmatique, éclairant (comprendre « téléguidé par Matignon »), ensuite brandi comme un document de référence à l’encontre duquel il serait impossible d’aller. Mais qu’en a alors retenu le gouvernement pour la rédaction du projet ?

Bien qu’évasif sur de nombreux points, le projet prévoit de « modifier les missions, l’organisation, la gouvernance et la forme juridique » de la SNCF, de déterminer « les conditions dans lesquelles les contrats de travail se poursuivent après » l’intervention de ces modifications et enfin d’ « assurer l’ouverture à la concurrence » des services publics de transport ferroviaire de voyageurs. Privatisation, libéralisation du service public de transport et suppression du statut de cheminot, voilà sans surprise les grandes lignes de la feuille de route d’Elisabeth Borne. Pas un mot néanmoins sur le traitement de la dette de SNCF Réseaux, sur la notion de service public ou de l’impact de la réforme sur les politiques de lutte contre le changement climatique ou d’aménagement du territoire.

 

Nos voisins européens ont goûté aux vertus de la libérations ? FAUX, tout le monde en revient !

Penchons-nous sur les « modèles » de service ferroviaire libéralisés, chez nos voisins d’Europe. On se rend compte qu’ils présentent surtout beaucoup d’inconvénients, tant pour les usagers que pour les finances publiques !

Le cas britannique est exemplaire. La privatisation de British Rail entre 1994 et 1997 n’a pas été une franche réussite ! La hausse incontrôlée du prix des billets (encore +2,3% en moyenne par billet sur l’ensemble du réseau en 2017), la suppression, le retard de trains (4 sur 5 sur le réseau du Sud Southern Rail) et la réduction des personnels pousseraient aujourd’hui deux britanniques sur trois à souhaiter une renationalisation du rail. Soulignons également que plusieurs milliards d’euros de subventions de l’Etat britannique (4,6 Md€ en 2015-2016) sont nécessaires à la bonne exploitation des gares et des trains par les opérateurs privés qui assurent les services de transport. On peut alors douter de la pertinence des arguments du gouvernement relatifs à la baisse des prix et à l’amélioration du service pour justifier la privatisation de la SNCF. Désormais, une majorité de britanniques s’expriment en faveur d’une renationalisation du rail, au programme du Parti Travailliste.

Mais il n’y a pas que le repoussoir britannique en matière de rail. En Allemagne, le rail est aussi libéralisé. Mais en comparaison avec la Deutsche Bahn, la SNCF apparaît pour un établissement public très bien géré, efficace et rentable. En 2016 sur le territoire français, la SNCF a réalisé un chiffre d’affaires par salarié supérieur à celui de la Deutsche Bahn (217 000€ vs 206 000€). Elle mobilise moins de salariés par kilomètre de ligne (5 vs 5,9/km). Enfin, ramené au kilomètre, le prix du billet SNCF est inférieur à celui du billet de la Deutsche Bahn (0,21€/km vs 0,26€/km). Une comparaison en termes de performance et de coût pour l’usager qui devrait faire réfléchir les détracteurs de la SNCF…

 

Le statut de cheminot, responsable de tous les maux ? FAUX, il ferait même économiser des sous !

Le gouvernement est catégorique : sa volonté, c’est d’en finir avec les « privilégiés » ! Mais bizarrement, Emmanuel Macron a quand même préféré devenir banquier d’affaires que cheminot… Ces derniers sont pointés du doigt comme responsables de la dette de la SNCF, des dysfonctionnements du transport ferroviaire en France, et seraient en position « privilégiée » par rapport aux retraités ou aux agriculteurs. Comme d’habitude, En Marche propose la grande solution du nivellement par le bas.

Que recouvre exactement le statut de cheminot ? Créé en 1920, il avait pour objectif d’attirer de la main-d’œuvre qualifiée sur les chemins de fer afin d’assurer des missions dans des conditions de travail difficiles. Les employés « au cadre permanent » (sous le statut de cheminot) correspondent à 92% des effectifs de la SNCF. Les 8% restant sont des contractuels précaires. Le statut de cheminot pose 3 conditions à une fin de contrat : la démission, la retraite et la radiation. Mais en contrepartie de cette garantie de l’emploi, la période d’essai des cheminots peut aller jusqu’à 30 mois, et des tests d’aptitude sont requis.

Les cheminots bénéficient également d’un régime spécifique de retraite. Un « privilège » éhonté ? Non ! S’il est possible pour les sédentaires de partir à la retraite à partir de 55 ans, et 50 ans pour les roulants (10% des effectifs), la durée de cotisation pour toucher une pension à taux plein a été relevée à 43 ans, le même nombre d’annuité que les salariés du régime général. En contrepartie (il y a toujours une contrepartie…) les cheminots payent 12% de cotisations retraites supplémentaires par rapport aux salariés du privé. Quant aux congés, ils sont adaptés au poste de travail. L’ensemble des salariés dispose de 28 jours de congés annuels (3 de plus que la durée légale du travail). Les conducteurs et contrôleurs de train ont 22 jours de RTT et les agents de nuit de 28 jours de RTT supplémentaires. Ces jours supplémentaires compensent le fait que le personnel roulant n’a que 12 weekends de libres garantis sur l’année : certains ne voient leur famille et leurs enfant qu’un week-end sur trois.

Enfin, les cheminots bénéficient de « facilités de circulation », c’est-à-dire de billets gratuits ou à prix très réduits pour eux-mêmes et leur famille proche - comme de nombreux Français par ailleurs, qui méconnaissent leur droit à un billet de congé annuel, conquis par le Front Populaire en 1936. Pour ce qui concerne leurs « salaires et primes hors du commun », la moyenne brute mensuelle est de 3090€ bruts en 2014 pour un temps complet, soit l’équivalent du salaire mensuel moyen en France (2912€ bruts). Mais 60% des cheminots touchent moins de 3 000€ brut par mois.

Ferait-on des économies ainsi ? A ce jour, aucune estimation officielle d’un éventuel coût du statut de cheminot pour la SNCF n’a été réalisée. On se demande bien sur quoi le Gouvernement base alors ses projets de suppression du statut, si ce n’est sur sa volonté de privatiser les bénéfices, et de mettre en commun les pertes… Ceci étant, plusieurs experts avancent un paradoxe : la suppression du statut pourrait coûter plus cher que son maintien ! En effet, l’organisation du travail de nuit dans le rail est basée sur des règles moins avantageuses que celles du droit du travail commun. Faire tomber le statut de cheminot n’est donc pas une question financière, mais surtout la manière d’éliminer les opposants à la privatisation du rail et les remplacer par des contractuels qui n’auront aucun attachement aux petites gares, prêtes à être fermées.

 

Derrière la question des cheminots, c’est celle du maintien d’un service public du rail, que des générations de Français ont financé depuis 1936. Il serait insupportable que ces investissements soient donnés presque gratuitement à des multinationales. Parce que jeudi les cheminots se battront pour défendre, contre le pillage prévu par le gouvernement, un service d’intérêt général qui nous concerne tous, mobilisons-nous pour défendre les biens communs !

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