Le gouvernement a décidé de s’attaquer à la SNCF. Appliquant une vieille méthode, il met à l’index médiatique le statut social des cheminots et notamment leur régime de retraite pour justifier sa « réforme ». Cela sert d’épouvantail pour masquer un changement de nature de la SNCF qui concerne tous les citoyens. Car tant qu’elle reste un établissement public, la SNCF appartient intégralement au peuple. A l’inverse, le changement de statut de la SNCF ou du gestionnaire du réseau prépare immanquablement leur privatisation. La suppression du statut des cheminots n’est que le corollaire de ce changement de nature du service public.
L’Union européenne et Macron font cause commune pour achever de détruire le service public du rail déjà bien dégradé depuis que le réseau a été séparé de son exploitation par la SNCF en 1995. En vertu des directives européennes, en 2020 est prévue l’ouverture à la concurrence des grandes lignes, puis en 2023 celle les lignes TER. L’ouverture déjà effective à la concurrence sur les liaisons transfrontalières est révélatrice de ce qui est promis au réseau ferré national : envolée du prix des liaisons les plus rentables, dont sont ainsi évincés les plus pauvres, et abandon des autres liaisons. Car la sélectivité des investissements inhérente à la logique de rentabilité est incompatible par principe avec la continuité du service public sur l’ensemble du territoire. Commandé par le gouvernement, le rapport Spinetta en conclut logiquement qu’il faut fermer 9 000 km de lignes et n’en créer aucune nouvelle. Le gouvernement pourra bien assurer qu’il n’en sera rien, la logique de privatisation y conduira mécaniquement.
Un tel plan de fermetures conduirait la France à un niveau de sous-développement ferroviaire consternant. L’hexagone compte déjà deux fois moins de lignes ferroviaires (30 000 km) qu’à la création de la SNCF dans les années 1930 (60 000 km en comptant les lignes locales) et a perdu plus de 10 000 km de lignes nationales. Les fermetures successives de lignes n’ont d’ailleurs nullement résolu les problèmes financiers de la SNCF, contrairement au raisonnement du rapport Spinetta. Avec le rail se joue aussi l’avenir écologique du transport en France. Le ferroviaire représente 10 % des trafics de personnes et de marchandises en France mais le rail ne représente que 2 % de l’énergie consommée par les transports et 1 % des gaz à effet de serre qu’ils émettent. Les grands gagnants de la réforme de la SNCF seront donc aussi les lobbys routiers dont Macron est un bienfaiteur. Il n’y a rien d’inexorable à ce désastre : tous les citoyens sont concernés par la bataille du rail qui se prépare. Et le peuple est légitime à refuser qu’on lui vole son patrimoine ferroviaire.
Laurent Maffeïs