Les Etats Généraux de l’Alimentation se sont terminés le 21 décembre. On attendait beaucoup des annonces du gouvernement, à partir des propositions des 14 ateliers qui ont débattu depuis le mois de juillet pour définir des orientations ambitieuses pour l’agriculture et l’alimentation et amorcer la transition du modèle agricole.
Un maigre bilan
Concernant la création et la répartition de la la valeur au sein des filières et l’amélioration des revenus des agriculteurs, quelques mesures législatives sont annoncées sur l’encadrement des ventes des produits alimentaires par la grande distribution et les relations commerciales entre agriculteurs et acheteurs (expérimentation portant sur le relèvement du seuil de revente à perte, encadrement des promotions, contrats de vente de produits agricoles subordonnés à la proposition d’un contrat par les organisations de producteurs). Le gouvernement parie également sur les engagements volontaires des filières (chartes pour les négociations commerciales, plans de filière) et se décharge ainsi de toute action résolue de la puissance publique. Si certaines dispositions vont dans le bon sens, on peut douter de leur efficacité réelle pour rééquilibrer les négociations entre producteurs et acheteurs de produits agricoles.
Quant à la transition de notre modèle agricole et alimentaire, on cherche encore parmi les propos de Stéphane Travert et d’Edouard Philippe des mesures concrètes. Quelques points ont été obtenus par les associations : confirmation de l’objectif de 50 % d’aliments biologiques, locaux ou sous signes de qualité dans la restauration collective d’ici 2025, lutte contre le gaspillage alimentaire, meilleur étiquetage des produits alimentaires, enforcement de sanctions pénales en cas de maltraitance des animaux. Il faudra rester vigilant.
La clôture des États généraux devait être également l’occasion d’annonces sur la sortie des pesticides. Quelques pistes sont tout juste esquissées (on retrouve les promesses de campagne de Macron comme la séparation des activités de vente des pesticides et de conseil) mais le plan de sortie des pesticides est remis à plus tard !
Tout changer pour que rien ne change
Les Etats généraux de l’alimentation devaient prendre la forme d’une grande concertation autour des enjeux de répartition de la valeur au sein des filières, d’accès à une alimentation de qualité et de la transition vers une agriculture durable. Le lancement des différents groupes de travail avait suscité des mécontentements parmi les organisations de la société civile, car la composition et le fonctionnement des ateliers laissaient présager une ouverture modeste des réflexions aux acteurs critiques du productivisme et des produits phytosanitaires. Cependant, grâce à une forte mobilisation des organisations agricoles et de la société civile, certains ateliers (notamment sur le volet de la transition écologique) ont permis l’émergence de propositions assez ambitieuses. D’où le mécontentement d’une grande partie des associations, syndicats alternatifs lors de la clôture et le sentiment d’un grand gâchis de temps et d’énergie. Seules les organisations traditionnelles dominantes dans le secteur, comme la FNSEA (qui défend le glyphosate !), se gargarisent des annonces du gouvernement. Nicolas Hulot, pour éviter de cautionner un bilan si peu engageant, a choisi de bouder l’événement. D’après lui, « le compte n’y est pas »… mais il se déclare en phase avec le premier ministre !
L’urgence d’attendre
Beaucoup de thématiques essentielles sont remises à plus tard. C’est le cas de points cruciaux : renouvellement des générations d’agriculteurs et d’agricultrice, question foncière, accaparement des terres, usage des pesticides.
De même sur le soutien financier à l’agriculture plus respectueuse de l’environnement. La décision gouvernementale de couper les aides à l’agriculture biologique (appelées « aides au maintien » de l’agriculture biologique) en juillet dernier a fortement marqué les esprits. En continuité sur sa ligne hostile à l’agriculture biologique, sous le poids des lobbies productiviste, le gouvernement a glissé la thématique sous le tapis.
Ainsi, pour quiconque se préoccupe de son assiette, ces Etats Généraux de l’Alimentation ont été fort peu digestes. Entre effets d’annonce, mesurettes et sujets occultés, ils ne répondent pas aux enjeux immédiats d’une politique alimentaire sérieuse, depuis la production jusqu’à la consommation.