Visite de la maison d’arrêt de Villepinte avec Clémentine Autain

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Le 6 octobre 2017, Bastien Lachaud a usé de son droit de visite parlementaire des lieux d’enfermement pour visiter la maison d’arrêt de Villepinte, en compagnie de Clémentine Autain, députée de la circonscription. Ils ont été reçus par la directrice, ses trois adjointes, et une représentante du Service de Probation et Insertion Pénitentiaire (SPIP) du 93

Les établissements pénitentiaires en France

Pour rappel, il existe 3 types d’établissement pénitentiaires :

  • Maison d’arrêt : destinée à la détention préventive ; peines courtes et reliquats de peine de moins de 2 ans.

Elles servent de « tampon » ; ce sont donc elles qui sont en surpopulation ; avec le risque de voir de « fausses » courtes peines (détention préventive de quelqu’un qui n’est finalement pas condamné) et des profils extrêmement hétérogènes à faire cohabiter.

  • Centre de détention, destiné à la réinsertion
  • Maison centrale, destiné à la sécurité

Les deux derniers sont des EPP (Établissements Pour Peine), ils ont un numerus clausus.

Villepinte

Il y a 582 places pour 955 détenus. En avril 2017, 60 détenus sont envoyés par le tribunal. La directrice envoie un courrier demandant la cessation des transferts de prisonniers. Le courrier est rendu public. La baisse des effectifs depuis est due à des aménagements de peine et une diminution des écrous.

Les 2/3 des détenus le sont avant jugement, donc présumés innocents. Cela a pour conséquence de rendre impossible le fait de travailler sur la réinsertion sur le temps de peine réelle, dont est déduite la durée de préventive. Souvent, la durée de détention préventive finit par être plus longue que la peine elle-même. D’autant que le SPIP est tributaire de la condamnation pour planifier les aménagements de peine et la réinsertion.

Les faits criminels sont surreprésentés : stupéfiants, grand banditisme et trafics en tout genre.

L’établissement compte 40 mineurs. 1 famille sur 6 prend part aux activités proposées par la maison d’arrêt : la parentalité est un enjeu central pour la réinsertion, pour les jeunes détenus.

Les alternatives à l’incarcération (bracelet électronique) concernent environ 500 personnes, c’est l’un des plus hauts taux de France.

Le nombre d’étrangers y est important, notamment parce que Roissy - Charles de Gaulle est dans la juridiction. D’où la présence de personnes « mules » ou impliquées dans des affaires de proxénétisme.

La violence en détention est un problème central : la directrice évalue le nombre des agressions à 1 pour 2/3 jours ; elles sont plus rares entre détenus. La frustration est l’une des principales causes de cette violence : elle provoque des réactions disproportionnées, du fait de la claustration mais aussi de la difficulté rencontrée par les détenus à la verbaliser.

Le programme Respect

« Respect » est le programme inspiré de l’Espagne : les détenus vivent hors cellules et en contrepartie s’engagent à suivre un programme d’activités comprenant communication non-violente, atelier sur la loi comme protection et régulation des relations sociales avec une avocate, atelier sur l’image de soi, un atelier sur les valeurs de la République et un optionnel sur la sécurité routière.

On restaure une logique contractuelle et vise aussi la valorisation et la prise d’autonomie des détenus. C’est un véritable succès d’après la direction de la prison.

Les détenus ont pris l’initiative de cours de langue, de la rédaction d’un livre de recettes à partir des produits disponibles en prison, d’un jeu de société (Les 6 respects capitaux), des conférences sur la radicalisation suite aux attentats… La constriction des budgets rend évidemment l’extension du dispositif difficile.

Par ailleurs, si la généralisation de la méthode semble souhaitable, c’est l’application au cas par cas et l’individualisation qui conditionnent la réussite.

Un projet complémentaire existe : la création d’un « quartier des sortants » pour les peines courtes avec pour enjeu l’aménagement des peines ; sous condition d’activité : groupe de parole sur le passage à l’acte, la communication non-violente et le développement d’un projet à l’extérieur qui permette une véritable passerelle pour tenter de prévenir la récidive.

« Respect » ne parvient pourtant pas à impliquer les plus jeunes détenus qui « trainent » tout le jour pour des peines courtes. Leur délinquance est la plus gênante pour le public (vols, violences et troubles à l’ordre public) quoique la moins grave, l’administration manque de prise sur eux. A ce propos, il existe des politiques volontaristes dans des régions dont la France pourraient s’inspirer (Québec, Scandinavie, Belgique, Espagne).

La visite de la maison d’arrêt

Les locaux ne sont pas extrêmement vétustes quoique sinistres. Le quartier « respect » est coloré, ce qui a manifestement une influence sur la vie quotidienne.

La visite est rapide et permet au groupe de voir une cellule, de voir la bibliothèque gérée par un détenu, de passer dans le quartier « respect », de voir les parloirs (27) auxquels les prisonniers peuvent accéder 3 fois par semaine pendant une demie-heure par un usage propre à Villepinte, au lieu d’une fois une heure trente ailleurs. Les visiteurs peuvent être quatre pour un détenu ce qui implique de réelles difficultés de gestion des rotations.

Parmi les points problématiques, on relève également le manque d’hygiène puisque les détenus n’ont au mieux accès qu’à trois douches par semaine, alors que la loi prévoit une fois par jour.

Pour ce qui est de la promiscuité, elle est difficile pour de nombreux détenus. La directrice fait remarquer que l’idéal 1 cellule = 1 homme n’est pas universel, l’isolement pouvant être plus douloureux encore pour certains détenus.

Le passage au service médical est le plus long. Le personnel nous entretient longuement des nouvelles installations. Le médecin évoque un changement de pathologies ces dix dernières années : on ne traite presque plus de HIV, en revanche, la médecine préventive est primordiale : les troubles liés à une mauvaise hygiène de vie, comme des diabètes précoces, ont considérablement progressé. La part des patients en souffrance psychique est extrêmement élevée. De nombreux détenus prennent des anxiolytiques. Un nombre important d’entre eux ne devraient pas être en prison mais en HP.

A ce sujet, on nous fait remarquer que sur la construction des 12 Unités Hospitalières Spécialement Aménagées (UHSA) prévues par l’ARS, 6 seulement sont achevées. La question a été posée et est en attente de réponse.

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