Comme vous le savez, donc, le programme L’Avenir en Commun a été adopté par la Convention de « la France insoumise » à Lille. Il contient 350 mesures à cette étape. Elles forment la trame cohérente d’une transition de modèle de société que les livrets vont détailler.
Pour autant, dès maintenant, plusieurs propositions mériteront des mises en perspectives pour être bien comprises et expliquées autour de nous. Il me parait important de faire le clair sur chaque point, même si je sais bien que l’appui à ma candidature ne vaut pas approbation à 100 % de tout ce que contient le programme. Pour autant, je voudrais que soient bien compris, dans leur lien à la cohérence générale du programme, les points qui à première vue peuvent être considéré comme accessoires ou sans impact global.
Ainsi quand le programme propose l’ouverture du droit de vote à partir de 16 ans et non plus 18 ans comme aujourd’hui. Je voudrais placer cette proposition dans son intention au sens large. En effet, notre programme vise l’élargissement général de la citoyenneté. Il le fait avec des mesures multiples, par des entrées très diverses. Par exemple avec le référendum révocatoire mais aussi avec la création de nouveaux droits pour les salariés dans l’entreprise ou pour la défense de l’écosystème. Mais le droit de vote à 16 ans est un enjeu politique particulier. Il vise à reformater le champ politique. Il s’agit de modifier le poids politique de la jeunesse dans la société. Il est relégué aujourd’hui. Déjà, dans les faits.
D’un point de vue démographique, le nombre de personnes âgées augmente de façon continue. Et donc aussi dans le corps électoral. Parmi les électeurs inscrits, seulement un sur six avait plus de 60 ans en 1960. C’était encore à peine plus d’un sur cinq en 2007. Et en 2012 ? C’était plus d’un électeur inscrit sur trois ! À cette surreprésentation, il faut ajouter un facteur politique. Toutes les études montrent que les personnes âgées participent plus que les autres aux élections. C’était par exemple le cas en 2012 avec une participation de 87% chez les plus de 60 ans selon l’institut de sondage IPSOS au deuxième tour de la présidentielle, contre 80% en moyenne tous âges confondus. Et le même phénomène se produit aussi aux élections locales : plus 76% de participations chez les « seniors » aux municipales de 2014 contre 61% tous âges confondus. En 2017, on estime qu’un votant sur deux à la présidentielle aura plus de 60 ans ! Cette réalité a des causes mal étudiées. On y trouve sans doute un mélange d’attachement historique à la démocratie conçue comme un enjeu fragile pour les plus anciens. Mais aussi un effet de la stabilité matérielle et personnelle qui limiterait la mal-inscription sur les listes électorales. Sans oublier les leviers du clientélisme qui fonctionnent très fortement dans certains établissements réservés aux personnes âgées.
Quoi qu’il en soit, ce double phénomène, démographique et politique, expulse la jeunesse des enjeux de l’élection. Et ce n’est pas sans conséquence très directe. Voyez les candidats à la primaire de droite : ils sont tous à la conquête des retraités car ils formeront la majorité des électeurs de la primaire de la droite si on en croit les sondages. Il n’est donc pas étonnant que le report de l’âge de la retraite soit promis par tous. Il s’agit de promettre de garantir le bon paiement des pensions en parlant à une majorité de gens qui bénéficieront de la punition des autres ! Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que tant de candidats et dirigeants politiques ignorent tout simplement la jeunesse en se limitant à quelques formules incantatoires très générales. La jeunesse ne pèse pas grand-chose électoralement.
L’abaissement du droit de vote à 16 ans vise donc à rétablir un équilibre rompu entre le gout du futur et le goût du présent. Le but n’est pas seulement de provoquer un débat. Il est de rajeunir le corps électoral et de donner une importance politique à la jeunesse. Abaisser le droit de vote à 16 ans, c’est ajouter environ 1,5 millions d’électeurs supplémentaires potentiels. Couplé au vote obligatoire que je propose également, c’est faire entrer des millions de bulletins de vote de jeunes gens dans les élections !
Le droit de vote à 16 ans n’est pas une idée originale si originale qu’il peut y paraître. Il est déjà à l’œuvre dans plusieurs pays. Par exemple au Brésil, en Équateur ou en Argentine. Mais aussi, plus près de nous géographiquement, en Écosse où il a été appliqué pour le référendum d’indépendance de 2014. Il existe aussi en Allemagne, dans plusieurs Länder soit pour les élections locales soit pour les élections locales et régionales. De plus, le droit de vote à 16 ans ne crée pas un nouveau seuil d’âge soudain et inconnu dans notre droit. Car à 16 ans, on a déjà beaucoup de droits et de devoirs. A 16 ans, on peut ainsi être émancipé de la tutelle de ses parents. On peut d’ailleurs exercer soi-même l’autorité parentale si on a un enfant. C’est donc que la loi estime qu’on est assez âgé pour décider ce qui est bon pour soi et pour son enfant, non ? Alors pourquoi pas pour ce qui est bon pour tous ?
Ce n’est pas tout. À 16 ans, on peut déjà travailler. C’est le cas de nombreux jeunes, notamment parmi les milieux populaires. Ils payent donc des cotisations et des impôts. Pourquoi n’auraient-ils pas le droit de participer à la décision sur l’usage qui est fait de cet argent ? D’autant que lorsqu’on travaille, on peut aussi voter pour les élections professionnelles dans son entreprise, même à 16 ans. J’en profite pour pointer du doigt la volonté commune du MEDEF, de Mme Le Pen et de Nicolas Sarkozy. Ils veulent autoriser l’apprentissage dès 14 ans : les jeunes envoyés au turbin plus tôt mais sans droits citoyens. L’Avenir en commun veut qu’ils soient reconnus comme des citoyens plus jeunes.
Comme elles ont été évoquées par des amis sincères, je veux écarter des craintes infondées. L’âge du droit de vote n’entraine pas nécessairement de modification de l’âge d’autres droits et devoirs. Abaisser l’âge du droit de vote à 16 ans ne signifie donc pas qu’on soit d’accord pour juger une personne de 15 ans comme on jugerait quelqu’un de 18 ans. C’est Nicolas Sarkozy qui a permis que des mineurs soient jugés comme des majeurs, et j’étais contre. Mais à notre tour de poser la question : pourquoi ne pourrait-on pas faire l’inverse en donnant le droit de vote à 16 ans et en rétablissant le droit d’être jugé différemment jusqu’à 18 ans ? D’ores et déjà personne n’est jugé sans prise en considération du contexte et de l’état mental en général et au moment des faits incriminés. C’est alors un parcours individualisé de la responsabilité qui serait défini pour les majeurs en lien avec l’âge. La loi peut ce qu’elle veut dans le cadre de principe du respect des droits de l’homme, non ?
Il en va de même pour l’éducation. Abaisser le droit de vote à 16 ans ne signifie pas non plus que qu’on renonce à élargir la scolarisation obligatoire jusqu’à 18 ans. Cette mesure figure aussi dans le programme L’Avenir en commun. Et déjà aujourd’hui, il est fréquent de trouver aux lycées des jeunes gens ayant le droit de vote, soit qu’ils aient redoublé au cours de leur scolarité, soit simplement qu’ils soient nés en début d’année.
Ces différences sont tout à fait possibles. D’ailleurs, le droit électoral actuel admet même une différence en matière de citoyenneté. À 18 ans, vous pouvez aujourd’hui voter à toutes les élections. Mais vous ne pouvez pas être candidat aux élections sénatoriales puisqu’il faut être âgé de 24 ans. Pourquoi cette exigence d’âge serait-elle valable aujourd’hui pour exclure les jeunes d’un droit, et pas demain pour instaurer un accès progressif à la pleine majorité civile et pénale commençant par le droit de vote à 16 ans et se poursuivant ensuite jusqu’à 18 ans ? J’admets évidemment que tout cela se discute. J’y suis préparé. Grâce à mon âge, j’ai toutes fraîches en mémoire les mêmes objections et réponses que l’on faisait quand on demandait la majorité a 18 ans plutôt qu’à 21 comme elle se trouvait. Et à l’époque les garçons étaient mobilisables à 18 ans pour aller à l’armée…