À propos de la primaire de la belle alliance du PS

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Le Parti socialiste vient de tenir un conseil national où la loi El Khomri, l’État d’urgence et le mouvement social n’étaient pas les sujets de discussions. Il est donc impossible d’analyser la position du parti au pouvoir par rapport à ce qui occupe pourtant l’esprit de tous les Français.

Par contre, le PS a longuement débattu pour adopter à l’unanimité un calendrier de travail concernant la préparation de l’élection présidentielle. Il décide d’organiser une primaire soit avec « toute la gauche », soit dans l’espace de la « belle alliance populaire » créée au mois de mars dernier. La ruse de Cambadélis pour avoir réussi à rabattre tout le vol des vautours sur ses appeaux ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel. Car la première leçon de cette décision est de taille : François Hollande n’est plus le candidat naturel de son camp alors même qu’il est le président en exercice pour encore un an sur les cinq de son mandat et qu’il est le sortant. C’est sans précédent et c’est la confirmation de la profondeur de la crise de légitimité du pouvoir en place.

Voyons à présent quel est le cadre proposé pour pourvoir à sa confirmation ou à son remplacement. La première hypothèse de travail, une « primaire de toute la gauche », est présentée avec l’espoir que le PS soit crédité sans frais d’une bonne volonté unitaire. Mais elle est présentée de façon purement formelle. Certes, de son côté, Pierre Laurent avait engagé dès janvier le Parti communiste dans la participation à cet exercice et il avait même déclaré dans le journal Sud-Ouest qu’il ne voyait pas d’inconvénients à la présence de François Hollande dans la mesure où il faisait « confiance aux électeurs de gauche » pour le rejeter.

Mais cette position a totalement changé depuis et notamment depuis le congrès communiste d’Aubervilliers après le vote de la base du PCF très largement défavorable à cette idée. Dorénavant, le PCF a donc clairement opté pour le refus d’un cadre auquel participerait Francois Hollande ou même Manuel Valls et les autres représentants de l’orientation du gouvernement. C’est cohérent avec son engagement dans les luttes anti-gouvernementales. De son côté, EELV a parcouru le même aller/retour. Dorénavant ce parti affirme vouloir présenter un candidat issu de ses rangs, étant entendu cependant que si Nicolas Hulot se proposait, il le soutiendra. Pour sa part, Hulot a clairement dit qu’il ne participerait pas, lui non plus, à une primaire. Pour ce qui me concerne, on se souvient qu’en proposant ma candidature le 10 février dernier, j’ai dit sans détour que je ne participerai pas à cette primaire. J’ai répété à cette occasion mes arguments de fond contre cette pratique de tamis social des électeurs et de la prime dans les sondages pour le moins disant, tels que je les ai déjà énoncés dans un livre dès 2007 ! Le bilan est donc qu’il n’y aura pas de « primaire de toute la gauche ».

A l’inverse, les frondeurs du PS ont tous accepté le cadre et le calendrier proposés. La primaire de « la belle alliance » est donc celle qui aura lieu. Son cadre est fixé par la déclaration fondatrice de cette association : c’est l’alliance de ceux qui « soutiennent l’action du président de la République et de ses gouvernements successifs ». Toutes les personnalités et tous les courant socialistes y participeront et se sont engagés à en respecter le résultat, quel qu’il soit. Le vote se fera dans les deux dernières semaines de janvier. Deux mois et demi avant le premier tour…

Tous ceux qui ont souhaité y être candidat ont donc leur cadre d’action. S’ils ne quittent pas le PS avant, mais pourquoi le feraient-ils maintenant qu’ils ont obtenus la victoire qu’ils espéraient, ceux-là vont donc faire campagne pour battre Hollande. Ou pour l’empêcher. Et pour battre aussi leurs concurrents ou les empêcher. Donc, pendant les sept prochains mois, chacun d’entre eux va ainsi nous expliquer pourquoi le président en exercice ne mérite pas qu’on lui fasse confiance. Gérard Filoche a ouvert l’exercice avec une légèreté significative : « même une chèvre est capable de battre Hollande ».  Après avoir bien bêlé, chaque candidat devra démontrer aussi pourquoi les autres concurrents ne sont pas non plus le bon choix. J’ai d’abord éclaté de rire. Trop drôle de les voir se détruire eux-mêmes de façon aussi bien planifiée. Trop significatif de leur coupure d’avec le monde réel : ils sont persuadés que le bon peuple attend de voir sortir la fumée blanche pour accourir donner ses bulletins de vote au vainqueur quel qu’il soit après cette bataille de chiens.

Puis je me suis souvenu de ce fait que tout ce qu’ils détruisent ne se reconstruit pas forcément ailleurs et au même rythme. Imaginer que la dernière séquence de la guerre des roses se déroulera au moment où la droite aura son candidat tout chaud sorti des urnes de la primaire, c’est se demander si le PS se souvient encore que la présidentielle est une élection ! Que le président sortant pense combler dans ce délai le fossé des haines accumulées dans les divers épisodes de ses reniements et faire oublier les lacrymos et les bombes de désencerclement qui vont encore pleuvoir jusqu’en juillet est consternant. Que le PS croit réparer avec une nouvelle candidature en deux mois et demi de campagne les dégâts de cinq ans est un conte à dormir debout. Du coup, je crois que ce dispositif atteste que le PS n’agit plus pour battre ses concurrents mais pour sauver ce qui reste de sa cohésion interne.

Dans ces conditions, notre devoir est plus que jamais de construire de la conscience et de l’adhésion populaire au projet que porte la « France insoumise ». Sinon, l’espace politique sera exclusivement saturé par les batailles rangées des deux primaires politiciennes. Et surtout si l’on ne veut pas que l’espace public soit envahi par les seules surenchères des libéraux du PS de la droite et du FN. Sinon, sans travail et sans dynamique suffisante, nous pouvons être tous entraînés vers le fond par ces batailles internes qui généreront des milliers d’abstentionnistes de tous côtés.

Je fais le pari que face au rejet politique que cette situation aggravera, la constance, la cohérence, la fermeté de notre position sera un recours apprécié et encouragé. Pour remplir ce rôle salutaire, notre campagne doit tirer les leçons de sa réussite présente pour la confirmer et l’enraciner. La « France Insoumise » doit rester ouverte à tous. Pour cela elle ne doit être appropriée par aucun parti politique, inclus ceux qui soutiennent ma candidature. Il le faut non par méfiance contre ces partis, qui sont nécessaires à la démocratie et dont l’engagement dans notre campagne est irremplaçable, mais pour que puisse s’opérer un processus de regroupement ouvert bien au-delà de leurs rangs.

Notre objectif est que puissent se fédérer par dizaines de milliers les citoyens de toutes origines politiques et sociales, les déçus de tous les partis progressistes, les consciences gagnées à la nécessité de lutter contre le capitalisme absolutiste et le productivisme, les esprits enthousiastes à l’idée des objectifs humanistes de la révolution citoyenne, les partisans de la souveraineté populaire sans condition, les volontaires pour mettre fin à la monarchie présidentielle et instaurer une nouvelle république. Pour rendre cette fédération possible, notre programme doit rester en débat le plus longtemps possible et chaque étape de sa mise au point doit rester inclusive et ouverte. Toute la campagne doit reposer sur l’action citoyenne et l’implication personnelle. Elles sont rendues possibles avec la création par chaque volontaire qui le décide d’un groupe d’appui. Celui-ci sera dûment enregistré par l’équipe opérationnelle de campagne. En octobre prochain sera convoquée une assemblée représentative du mouvement « La France Insoumise ». « Représentative » signifie que devrait s’y retrouver une représentation des soutiens individuels, des personnalités syndicalistes, associatives et du monde de la culture des sciences et du sport ainsi que les représentants des organisations revues et partis qui auront décidé de participer à notre campagne. Quoiqu’il en soit, il reste bien entendu que toutes les initiatives individuelles et collectives assumées comme telles par leurs auteurs sont les bienvenues dès lors qu’elles cherchent bien à s’inscrire dans le cadre général du mouvement.

Ces humbles méthodes de travail enracineront notre mouvement. Par-là passe la voie vers la réussite de notre action. C’est celle qui compte sur l’action collective et l’initiative de chacun.

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