Michel Larive intervient dans l’hémicycle dans le cadre du Projet de loi Finances 2018, au sujet de la mission « Culture » :
La culture, c’est la manière de vivre d’un groupe, d’une communauté ou d’une société toute entière. C’est là encore, que le capitalisme débridé, débarrassé de toute considération humaniste et sociale voit l’occasion d’imprimer sa conception néo-libérale, du fonctionnement de nos sociétés. Pour cela, le véhicule idéal pour légitimer et moraliser ce qui doit être et advenir, c’est le mécénat. Dans la lignée du prêt à consommer, l’on nous propose le prêt à penser.
Le poids de la culture est de 57,4 milliards d’euros en 2014, soit 3,2 % du PIB. L’impact total de la culture compte pour près de 6% de la valeur ajoutée de la France. On se rend compte alors, qu’il est intéressant pour tout spéculateur en recherche de profit, de participer au captage de cette manne financière. Le naming des grands événements culturels, l’achat par des grands groupes financiers de salles de spectacles, les participations de fondations privées sous formes de mécénats aux manifestations culturelles de premiers plans, ne participent pas d’une action philanthropique d’envergure mais bien d’un moyen de défiscaliser à grande échelle. Si de surcroît, on vous offre le patrimoine de la nation pour exposer vos collections privées, ce serait idiot de ne pas s’approprier la bourse du commerce ou le bois de Boulogne !
Cette emprise de plus en plus importante du mécénat qui vise à privatiser l’action culturelle, a pour effet pervers de banaliser l’œuvre d’art et parfois son auteur. C’est ainsi que l’on peut associer Picasso à une voiture et Vermeer à un yaourt, notamment ! Utiliser l’art comme instrument de formatage des foules permet de favoriser la consommation au détriment de la réflexion. Ajoutez à cela le dogme de l’austérité initié par l’Union Européenne, qui permet à l’état français de justifier son désengagement dans les affaires culturelles du pays, et vous saurez pourquoi la culture est devenue la variable d’ajustement des budgets des politiques publiques. C’est alors une opportunité formidable pour le mécénat privé qui s’enorgueillit de sauver le patrimoine culturel français, qu’il soit matériel ou immatériel ! On peut alors justifier les orientations des programmations des grands festivals et pourquoi ne pas exposer les valises de Vuitton au grand Palais ?
Par contre l’action culturelle territoriale, pas assez rentable, ne pâtit que de la baisse des subsides qu’elle reçoit de l’état ou des collectivités, sans bénéficier d’un mécénat quelconque. Voilà encore une incidence perverse de ce désengagement : le déséquilibre culturel territorial qui confine au désert culturel dans certaines contrées de notre pays. Ce foisonnement des actions culturelles que le monde entier nous envie encore aujourd’hui est basé sur l’implication citoyenne et notamment sur la diversité des acteurs qui créent et diffusent leurs œuvres. C’est là l’autre variable d’ajustement que le système capitaliste privilégie depuis sa création : l’humain. Ici, nous parlons du contrat aidé supprimé, de l’intermittent du spectacle qui voit son régime spécifique attaqué depuis plus de 20 ans, ou du contrat précaire chez France Télévision notamment.
Comme il est dommage d’oublier les travaux du conseil national de la résistance, notamment ceux de Christiane FAURE qui proposait un ministère de l’éducation populaire en parallèle à l’action culturelle. Avant elle, Jean ZAY, pendant le Front populaire, rêvait d’un grand ministère de l’éducation et de la culture.
L’action culturelle doit permettre à chacun d’accéder à la possibilité et aux droits de manifester son existence, sa créativité, ses sentiments et sa pensée, et d’avoir la capacité de pouvoir les partager avec le plus grand nombre ! Il s’agit là de promouvoir effectivement le bien commun.
L’action culturelle participe de l’émancipation de notre peuple. Elle est l’antidote absolu aux obscurantismes, qu’ils soient religieux ou politiques.
Un peuple cultivé est un peuple libre.