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Erasmus des religions : l’Union européenne contre la laïcité

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J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, il n’y a pas très longtemps, la laïcité est au cœur de notre conception de la République. Elle est une des conditions du débat démocratique dans la mesure où elle garantit la liberté de conscience tout en affirmant que les règles de la vie en société sont déterminées suite à un débat, un échange d’arguments et de raisons et non l’imposition d’un dogme ou d’une quelconque vérité révélée.

La laïcité n’empêche nullement de pratiquer une religion ni d’agir conformément aux préceptes de cette religion. Elle pose seulement une limite aux agissements de toutes et tous, cette limite c’est celle de la loi qui est justement la garantie de la liberté de toutes et tous, croyant ou non.

Voilà pourquoi il faut être si vigilants à ne pas la laisser dévoyer. On en connaît qui l’invoquent dans le cas d’un culte mais pas pour d’autre. On les repère d’assez loin. C’est la manie de l’extrême-droite de stigmatiser les musulmans.

D’autres ont des façons plus sournoises mais dangereuses aussi et souvent tout aussi dangereuses.  Ils déguisent la laïcité en une sorte d’œcuménisme qui prétendrait que toutes les religions pourraient avoir leur place dans le débat public. Ils feignent d’avoir les meilleures intentions du monde et au nom d’une prétendue tolérance, ils ouvrent en fait la porte au retour des religions et de leurs dogmes dans les discussions politiques.

A ce sujet, l’Union européenne donne régulièrement un exemple désastreux. Certain·es se rappellent peut-être qu’en novembre 2014, le Parlement européen avait cru bon d’inviter le Pape à s’exprimer dans son hémicycle. Jean-Luc Mélenchon, alors député européen avait boycotté cette séance pour témoigner qu’il refusait de voir transformer une tribune en une chaire. Il s’en était expliqué ici.

Ces derniers jours, on a appris que la « Haute représentante », sorte de ministre des affaires étrangères de la Commission,  Federica Mogherini, a lancé une initiative qu’elle se vante de comparer à un « Erasmus de la religion ». Son objectif est de créer un réseau de personnes « qui travaillent sur le thème de la foi et de l’inclusion sociale ».

En somme, l’Union européenne considère que question sociales et religions doivent aller de pair. Lutter contre la pauvreté n’est pas une affaire politique mais une question religieuse.

C’est aberrant et inacceptable.

Sous couvert d’œuvrer à la « coexistence des religions », cette initiative vise à en accroître l’emprise sur la société alors qu’il faudrait au contraire s’assurer que les religions ne viennent pas coloniser la sphère publique.

Un million et demi d’euros d’argent public devraient donc être consacrés à faciliter le prosélytisme.

Devant ce véritable scandale, évidemment, pas un membre du gouvernement n’élèvera la voix.

Il faut dire que leur politique en faveur des riches, cette espèce de culte permanent voué à l’argent, leur fait peut-être éprouver le besoin d’un petit « supplément d’âme ». Hypocrisie et manipulation !

Ce genre d’hypocrisie est d’autant plus dangereux qu’il amène bien souvent à valoriser une religion particulière au détriment des autres et a fortiori de l’athéisme, option spirituelle majoritaire en France. Rappelons-nous des discussions sur le projet de constitution européenne dans lequel certain·es voulaient inscrire « les racines chrétiennes de l’Europe ». Et Bruxelles vient encore de donner un exemple de cette façon implicite de rejeter les religions et les personnes « venues d’ailleurs ». La nouvelle commission européenne, bientôt présidée par l’Allemande Ursula Von der Leyen, compte de nombreux portefeuilles. Cette année, certains ont un intitulé curieux : on trouve par exemple un commissaire en charge de la « démocratie et démographie ». Curieux !

Mais le plus curieux et surtout le plus hypocrite est le portefeuille du commissaire chargé de la « protection de notre mode de vie européen ». Pas besoin d’être un aigle pour comprendre ce qui sera « bien de chez nous » aux yeux de la commission !

Malheureusement, le personnel politique français n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de prétendre défendre la laïcité tout en la bafouant. C’est cette tartufferie qui a amené Nicolas Sarkozy président, et plus récemment Emmanuel Macron, à accepter le titre de « chanoine de Latran », c’est-à-dire curé d’honneur du pape.

C’est par le même genre de contorsions intellectuelles que la commission travaillant sur la loi de bioéthique a cru devoir justifier son choix d’auditionner « les représentants des cultes » pour évoquer le projet de loi ouvrant notamment la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples de femmes.

Les député·es insoumis·es n’ont d’ailleurs pas voulu cautionner cette façon de légitimer des arguments religieux dans le débat démocratique ; c’est pourquoi nous avons boycotté cette audition. Ce faisant nous avons simplement été conséquents. Un dogme ne se discute pas ! C’est l’exact opposé de la démarche que doivent suivre les travaux d’un Parlement, ou précisément chacun·e est invité·e à parler et non à prêcher.

Florence Parly a donné ces derniers jours un nouvel exemple de l’incohérence de celles et ceux qui gouvernent quand il s’agit de religion.

Le 22 juillet dernier, j’avais fait parvenir un courrier à la ministre des Armées. J’avais appris que le 18 septembre, les sapeurs-pompiers de Paris célébreraient l’anniversaire de la création de leur brigade. Rien de plus normal. Seulement voilà, l’invitation envoyée par le commandement invite à la célébration de la messe. Au nom de quoi ?

La ministre répond à mon interpellation en précisant que la messe sera facultative et sera un hommage aux sapeurs-pompiers décédés. C’est être à côté du sujet. L’invitation d’un subordonné par un officier à une cérémonie, cela ne se peut pas : au sein des armées, quand il vient d’un supérieur, un conseil résonne avant tout comme un ordre. En outre, le catholicisme n’est pas religion d’État. La République a ses pompes et ses cérémonies : elle est tout à fait capable de réunir tou·te·s les citoyen·nes dans un moment de communion et d’hommage à celles et ceux qui ont donné leur vie au service des autres. Doit-on su que parmi les défunts, il n’y en aurait aucun qui ne fût pas catholique ? et quand bien même tel serait le cas, il n’est pas nécessaire d’avoir une religion pour éprouver les sentiments universels que sont la reconnaissance, le deuil ou la compassion. Il n’y a pas de raison d’en « sous-traiter » l’expression à une quelconque religion.

Libre à celles et ceux qui le souhaiteraient par ailleurs de participer à l’office de leur choix pour témoigner d’une façon plus particulière leur piété à l’égard des disparu·es.

La réponse de la ministre est d’autant plus lamentable que j’ai déjà rencontré cette question en rédigeant mon rapport sur les discriminations dans les armées : il s’agissait des fêtes qui réunissent chaque année les troupes pour célébrer leur « saint patron ». Au fil des auditions que nous avions effectué, il était clairement apparu que si le « prétexte » de ces festivités a des origines religieuses, les festivités elles-mêmes ne le sont guère ; seule une messe facultative est parfois proposée par les aumôniers. Dès lors que la participation à cette messe n’est absolument pas obligatoire, et considérant l’attachement très majoritaire à ce folklore, il n’y avait à nos yeux rien à redire.

Le problème venait du fait que l’invitation aux festivités faites par les commandants d’unité mentionnaient parfois la célébration d’une messe. Quiconque connaît un minimum l’environnement militaire comprend qu’une suggestion faite par un supérieur ne se distingue pas facilement d’un ordre. Dans ces conditions nous avons recommandé dans notre rapport de distinguer très nettement invitation à la fête, envoyée à tous par les commandants et invitation à une cérémonie religieuse éventuelle, envoyée par les aumôniers. C’est cette solution qui aurait dû être retenu concernant la l’anniversaire de la création de la brigade des sapeurs-pompiers. Encore une fois, on va nourrir l’impression dommageable que « certains sont plus égaux que d’autres. »

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