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Hotspot de Tarente : la face présentable d’une gestion comptable des flux de réfugiés

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Dans la perspective de l’examen du projet de loi annoncé relatif à la politique migratoire, la présidente de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, Madame la Députée Yaël Braun-Pivet a invité l’ensemble des députés commissaires aux Lois, à visiter une zone d’attente, un local ou un centre de rétention administrative, ou assister à une audience du tribunal administratif statuant sur une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

C’est pourquoi il m’a semblé indispensable de confronter ma réflexion au regard de la politique migratoire de l’Union européenne, dont le Président de la République et le gouvernement s’inspirent, puisqu’en juillet dernier, lors de la présentation de sa politique migratoire, Emmanuel Macron a émis le souhait de mettre en place une “vraie politique” de renvoi aux frontières pour les déboutés de ce droit à l’asile et de créer des centres d’orientation appelés également “hotspots” sur le sol africain, dans des pays sûrs, pour juguler les flux migratoires en amont.

Que sont les Hotspots ?

Issu de la réglementation européenne dans le but d’aider les pays dits “de première ligne”, particulièrement exposés au flux de migrants, un hotspot est un centre de contrôle pour les personnes migrantes.  Les autorités nationales y reçoivent l’appui de diverses agences européennes, (Europol, Eurojust, Frontex et Easo) afin de faire le tri entre “réfugiés” et “migrants économiques” et repérer d’éventuels “terroristes”.

Mais concrètement, un hotspot est un lieu de premier accueil pour les réfugiés qui débarquent sur les côtes italiennes et grecques et qui sont interceptés par les autorités. Ils y sont hébergés pendant un temps très court, nécessaire à leur signalisation/identification et à leur orientation. En théorie, les autorités les accompagnent dans leurs démarches de demande d’asile et ils sont orientés vers des centres d’accueil des demandeurs d’asile et des centres spécifiques pour les mineurs isolés.

Hotspot : Après la théorie, la pratique

Charge à l’administration avec ses temporalités propres d’accorder la demande d’asile ou de les considérer comme des migrants économiques clandestins qui ne sont pas forcément expulsables dans l’immédiat conformément au respect des procédures et des voies de recours possibles. Les ressortissants des pays du Maghreb (tunisiens pour le plus grand nombre) sont souvent reconduits directement en Centri di Permanenza per il Rimpatrio (CPR – équivalent de nos centres de rétention administratifs – CRA), c’est-à-dire concrètement en centre d’expulsion. Certaines personnes déjà identifiées par les services de l’immigration peuvent se voir délivrer l’ équivalent d’une OQT ( Obligation de quitter le territoire), menacées d’être orientées vers des centres d’expulsion.

Les dublinés

D’autres, déjà déclarés en Grèce seront “dublinés”, c’est à dire expulsés vers le premier pays dans lequel ils ont été identifiés. Le règlement de Dublin stipule qu’un migrant qui passe dans un pays autre que celui où il a déjà effectué une demande d’asile doit être expulsé dans ce dernier. Injuste et pernicieux, il fait peser la gestion des demandeurs d’asile sur les pays d’accueil, Grèce, Italie et Espagne essentiellement. De nombreux migrants disparaissent dans la nature suite à leur identification quelque soit par ailleurs la décision de l’administration italienne à leur égard. L’Italie restant essentiellement un pays de transit.

Hotspots et évolutions récentes du nombre de migrants recensés en Italie

L’Italie a connu un boom migratoire à partir de 2015-2016 suite à la fermeture des routes turques et balkaniques.

181436 migrants arrivés par voie maritime ont été recensés en 2016. Ce chiffre tombe à 119 000 en 2017.

La politique européenne se tourne vers la Libye

Cette baisse est notamment du à une coopération accrue avec la Libye. En effet, L’État Italien est intervenu pour modifier le cadre des opérations  search and rescue (SAR) de sauvetage en Mer de migrants menées conjointement par l’Union Européenne, les Etats et les ONG. Ces dernières récupéraient 40 % des personnes en mer et n’hésitaient pas à intervenir dans les eaux territoriales, libyennes notamment. Le gouvernement italien pour limiter l’afflux de réfugiés sur son sol a donc permis aux gardes-côtes libyens de s’équiper pour qu’ils assurent eux-mêmes une partie des interceptions dans leurs eaux territoriales. Cette politique a un impact global sur les arrivées enregistrées et sur l’activité des hotspots eux-mêmes. A titre d’exemple : 14 913 personnes ont transité par le hotspot sicilien de Trapani en 2016 contre seulement 7169 en 2017.

Situation du site

A moins de 200 mètres de la mer, touchant le port, le hotspot se situe à deux pas d’un nœud autoroutier desservant la partie Ouest de la ville, espace marqué par la désindustrialisation qui a touché globalement la Région des Pouilles à partir des années 70. Les ruines imposantes d’une cimenterie surplombent les lieux. Un article web italien rapporte une pollution importante aux poussières de minéraux. Ambiance.(http://www.ilgiornale.it/news/cronache/hotspost-taranto-allombra-dellilva-protesta-dei-migranti-1424553.html ).

Arrivée sur le parking puis visite du local de l’association Noi e Voi (nous et vous) autorisée par le ministère de l’intérieur. Sur la deuxième photo prise depuis le local de l’association, à droite, les blocs médicaux, à gauche les Bureaux de signalisation identification, au fond la salle de photographie. A l’arrière-plan, une cimenterie désaffectée. Nos photos semblent faire apparaître un camp fantomatique car il nous est interdit de photographier des individus. Partout, des panneaux comme ci-dessous :

Globalement il s’agit d’un site témoin, présentable à l’ensemble des élus et personnalités souhaitant venir voir les fameux hot spots, tant vantés par l’Union européenne. Mais nous ne sommes pas dupes de la supercherie et d’ailleurs nos demandes initiales aux autorités portaient sur des sites plus sensibles, mais non fréquentables… en somme il s’agit d’un catalogue de présentation que l’Union européenne et les autorités italiennes et françaises veulent bien présentées aux élus… Dommage du coup car mon engagement sincère est tronqué par leur pragmatisme.

Une visite très encadrée

Mario Volpe, Vice préfet de Tarente, et par Rossella Fiore, directrice du bureau de l’Immigration à la questure nous accompagnent. Précisons que les services de police italiens sont organisés autrement qu’en France. Les services de la questure dépendent du Ministère de l’intérieur et s’assurent de la sécurité publique et disposent de quelques services spécialisés localisés comme l’immigration. Les hot spots  sont sous la responsabilité du gouvernement italien et sont animés localement par les services de la Préfecture qui ne dépendent pas directement du ministère de l’Intérieur à la différence de la France (disons que les préfectures se rattachent au Premier ministre si on devait faire un parallèle avec la France).

Données globales sur le site

La capacité d’accueil avoisine les 400 personnes d’après nos accompagnateurs. 35 sont théoriquement présents au moment où nous sommes sur place. Ouvert en Février, le site a accueilli 2148 personnes sur 10 mois. Selon nos guides, 90 % des arrivants ont transité par la Libye avant leur arrivée sur le site. ( voir plus haut pour les causes). Les nationalités de ces personnes sont principalement nigériane, érythréenne et soudanaise. On trouve évidemment aussi des ressortissants de tous les pays d’Afrique subsaharienne, syriens, afghans…

Le temps théorique de passage sur le site est de 48 heures. Dans la pratique, 4 à 5 jours de séjour sont nécessaires pour procéder à l’orientation vers les centres de second niveau. Cela dépend aussi des arrivées. Le temps nécessaire pour orienter 180 mineurs arrivés sur le site de Tarente au mois de Mai a été évidemment plus long. 12 personnels administratifs et 50 policiers opérationnels sont mobilisés sur la gestion quotidienne du Hotspot selon le questeur de Tarente, Stanislas Schimaera. Sont également présents des membres du HCR (Haut-commissariat aux réfugiés) et l’EASO ( Bureau européen d’appui en matière d’asile).

Parcours obligatoire de la personne migrante sur le hotspot de Tarente

1)L’examen médical

Un Contrôle sanitaire est réalisé pour chaque arrivant. Si risque de contagion, on procède à une mise en quarantaine. En cas de doute, on effectue des examens complémentaires à l’hôpital.

2) La signalisation

Chaque personne passe dans un bureau de signalisation ou des policiers recueillent des informations qu’elle veut bien leur transmettre. Les autorités sont aidées pour cela par des médiateurs mandatés par le ministère de l’intérieur italiens. Les médiateurs en question sont Érythréens, Afghans, soudanais ou ressortissants d’autres pays. Ils sont majoritairement recrutés parmi ceux ont connu un parcours de migration comme les personnes qu’ils renseignent et sont parfaitement bilingues.

3) L’identification

Les réfugiés passent dans ce préfabriqué et sont confrontés à des agents de la police technique et scientifique qui relèvent les empreintes et les caractéristiques biométriques des individus. Ces relevés sont obligatoires et peuvent entraîner des heurts entre réfugiés et policiers. Ces mesures permettent de nourrir la base de données EURODAC (système d’information à grande échelle contenant les empreintes digitales des demandeurs d’asile et de protection subsidiaire et immigrants illégaux se trouvant sur le territoire de l’Union européenne). Les italiens collaborent avec des policiers étrangers mis à disposition par les États européens dans le cadre de l’Agence Frontex. Nous y avons d’ailleurs croisé des compatriotes.

Veille antiterroriste

C’est aussi un lieu de veille anti-terroriste et criminelle avec les agents d’Europol présents sur place. On nous confie que récemment un combattant de DAECH avait pu être identifié grâce à un examen de ce type. Les réfugiés sont ensuite photographiés.

En cas de suspicion, Europol prend le relais et les confondus sont emprisonnés en Italie le plus souvent. Les policiers ont 72 h pour procéder au croisement des différents fichiers. Si la personne fait l’objet d’un mandat d’arrêt qui émane d’un autre pays, le désormais détenu pourra être transféré dans le pays ayant émis le mandat.

Le système d’information partagé EURODAC permet de savoir si le réfugié a déjà fait une demande d’asile dans un autre pays.

En cas de déclaration de minorité et si il y a doute de la part des policiers présents sur place, le réfugié est conduit à l’Hôpital pour des examens. En Italie, c’est la loi Zampa qui détaille le protocole d’identification des mineurs en cas de doute.

4) L’accueil dans la partie hébergement du Centre

On distribue à chaque réfugié un kit sanitaire et un kit vestimentaire. Le séjour sera court. Ils seront vite réorientés vers des centres d’accueil des demandeurs d’asile ou des centres d’expulsion pour d’autres.

Selon nos guides, les migrants ont la liberté d’aller et de venir en dehors du centre durant leur séjour. C’est d’ailleurs indiqué dans le règlement.

Des distributions de repas sont organisées. Ainsi chaque réfugié passe au point de distribution puis mange au réfectoire. Les espaces de repos et d’attente nombreux sont disséminés sur le hotspot. Un terrain de foot a été aménagé pour l’accueil des mineurs et des familles. Nos interlocuteurs veulent nous montrer à quel point il s’agit d’un enjeu important dans leur dispositif.

« J’ai mis l’accent sur le plus visible. Je voudrais aller vers des choses légèrement moins visibles en montrant comment la télévision peut, paradoxalement, cacher en montrant autre chose que ce qu’il faudrait montrer si on faisait ce que l’on est censé faire, c’est-à-dire informer »

Pierre Bourdieu, Sur la télévision.

La plus grande partie de l’accueil se fait dans des hotspots mobiles

Certains chiffres ont éveillé notre curiosité. En 2017, l’Italie a recensé 119 000 migrants arrivés par voix maritime. Pourtant l’addition des migrants recensés dans les hotspots fixes ne dépasse pas 35000. Le questeur de Tarente, Stanislas Schimaera, nous a expliqué que les navires de réfugiés signalés étaient orientés vers des ports de débarquement. La police mettait en place un dispositif mobile d’identification/signalisation/orientation qui permettait de vider un bateau et de reproduire la procédure décrite plus haut en 6 heures. Des hotspots mobiles et rapides et une cadence qui semble infernale ! Plus sérieusement, on voit avec cela que l’Italie est en première ligne et qu’un accueil digne nécessite des moyens très importants.

Les provinces ne semblent pas toutes disposer des mêmes moyens pour réaliser les identifications. Lors de notre visite, on nous annonce l’arrivée imminente d’un bus d’immigrés clandestins en provenance… de Vintimille, ville située à la frontière française à 900 km de là. Les hotspots fixes soutenus par l’UE relèvent de l’affichage destiné à montrer qu’on ne bâcle pas les procédures. L’observation d’une procédure dans un port de débarquement lors d’une arrivée de navire doit être autrement plus instructive. Autrement dit : nous sommes restés sur notre faim.

Le hotspot de Tarente, une vitrine ?

Il y a plus de policiers, carabiniers et militaires que réfugiés. Le hotspot est composé de préfabriqués pour ce qui est des toilettes et des bureaux situés à l’entrée du camp et de tentes à structure métallique pour la seconde partie dédié à l’hébergement. Nous étions attendus. Nos interlocuteurs sont assez évasifs quant il s’agit d’évoquer les orientations vers des centres d’expulsion.

Nous voulions visiter le hotspot de Trapani. Ce à quoi le gouvernement italien par l’intermédiaire de l’ambassade de France en Italie nous a répondu par la négative, indiquant qu’il n’y avait plus de hotspot à Trapani. Notre correspondant à l’ambassade nous a assuré par téléphone que les italiens seraient opposés à cette visite sur un lieu qui ne sert plus. Au départ, nous nous sommes dits  “dommage” et nous nous sommes rangés à l’idée de visiter celui de Tarente comme proposé par l’ambassade.

Quelle n’a pas été notre surprise de voir dans le tableau des statistiques 2016 et 2017 de l’accueil de personnes migrantes la liste des hotspots avec celui de Trapani. L’officier de liaison qui nous accompagnait sur place nous a par ailleurs confirmé qu’à sa connaissance le site de Trapani était toujours bel et bien fonctionnel… Se serait-on moquer d’un parlementaire à l’ambassade de France en Italie ? Nous finirons pas le savoir.

Pourquoi le hotspot de Trapani ?

Le hot spot de Trapani est un ancien centre d’expulsion, reconverti, et son architecture en “dur” ne fait aucun doute la dessus. On peut se demander si tout s’y passe de la même manière. Peut-être une prochaine visite de la part du Groupe de la France insoumise ? C’était la première visite d’un parlementaire français à Tarente, mais de nombreux parlementaires italiens s’y sont déjà rendus, ainsi qu’un délégation allemande récemment.

Derrière le rideau

Cette visite nous laisse l’impression désagréable d’assister à un démonstration de vente : Tout baigne, tout le monde est contrôlé et réorienté convenablement. Mais la mise en scène laisse voir des faux-raccords. L’hébergement d’abord, l’absence d’ONG indépendante sur place, la propension de nos interlocuteurs à être évasifs sur les expulsions et leurs conditions. Les scandales qui ont touché de nombreux centres d’accueil des réfugiés gérés par des associations privés contrôlés par des mafias qui exploitaient les gens au travail et détournaient les 75 euros mensuels destinés aux réfugiés. Tout ceci montre l’insuffisance du contrôle européen sur le placement des réfugiés. Cette vitrine masque une politique d’expulsion et de retour forcé vers des pays dits “sûrs”. Cette notion mérite d’être interrogée au regard de la déstabilisation politique généralisée en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient.

Des erreurs regrettables

Nos interlocuteurs n’ont à aucun moment précisé le sort réservé aux réfugiés originaires de la Corne de l’Afrique, soudanais et érythréens surtout. Le cas de ces derniers est révélateur. Soyons honnêtes, la plupart sont accueillis. Mais à aucun moment, on assume d’accorder l’asile politique systématique aux ressortissants de ces Etats. Pire, la nouvelle politique visant à sous-traiter la gestion des flux migratoires à la Libye (voir plus haut) les exposent à la détention ou à l’esclavage en Libye et/ou au retour forcé. Pendant ce temps, l’Italie et l’Union Européenne continuent de verser de l’aide au développement à la dictature érythréenne sans contrepartie significative.

L’UE responsable ?

La France n’est pas en reste comme en témoigne la CIMADE sur son site internet : “Le 26 novembre 2016, trois ressortissants érythréens ont été placés au centre de rétention du Mesnil-Amelot en vue d’être expulsés du territoire français. Alors que la décision les obligeant à quitter la France ne mentionne aucun pays vers lequel les renvoyer, l’administration a enclenché toutes les démarches nécessaires pour expulser ces personnes… en Érythrée !”.(http://​www​.lacimade​.org/​t​r​o​i​s​-​p​e​r​s​o​n​n​e​s​-​m​e​n​a​c​e​e​s​-​d​e​x​p​u​l​s​i​o​n​-​e​n​-​e​r​y​t​h​r​e​e​-​p​a​r​-​l​a​-​p​r​e​f​e​c​t​u​r​e​-​d​u​-​p​a​s​-​d​e​-​c​a​l​a​is/ ) Sans commentaire.

Amnesty international accuse directement l’Union Européenne d’être responsable du durcissement, des expulsions illégales, des abus et des atteintes aux droits fondamentaux :

“Les dirigeants de l’UE ont poussé les autorités italiennes à la limite – voire hors – de la légalité.”

Matteo de Bellis, spécialiste de l’Italie à Amnesty International.

À lire sur le sujet : https://​www​.amnesty​.fr/​r​e​f​u​g​i​e​s​-​e​t​-​m​i​g​r​a​n​t​s​/​a​c​t​u​a​l​i​t​e​s​/​i​t​a​l​i​e​-​c​o​u​p​s​-​d​e​c​h​a​r​g​e​s​-​e​l​e​c​t​r​i​q​u​e​s​-​e​t​-​h​u​m​i​l​i​a​t​i​o​n​s​-​s​e​x​u​e​l​l​e​s​-​c​o​n​t​r​e​-​l​e​s​-​r​e​f​u​g​ies

Et : https://​www​.amnesty​.fr/​r​e​f​u​g​i​e​s​-​e​t​-​m​i​g​r​a​n​t​s​/​a​c​t​u​a​l​i​t​e​s​/​r​e​f​u​g​i​e​s​-​e​t​-​m​i​g​r​a​n​t​s​-​p​e​r​s​e​c​u​t​e​s​-​e​n​-​l​i​b​y​e​-​l​e​u​r​o​p​e​-​e​s​t​-​c​o​m​p​l​ice

“Grand diseux, petit faiseux” : Évaluation  du rapport coût/efficacité de la politique de fermeté.

Dans la droite ligne de l’Union européenne,  l’actuel Présidentissime Emmanuel Macron prône en toute démagogie une politique “de fermeté et d’humanité”. L’occasion pour moi de dénoncer le vide politique des experts en communication qui entourent bon nombre d’hommes et de femmes politiques de premier plan. Il ne manquerait plus qu’il dise le contraire : “Je suis pour le laxisme et la cruauté”. Défense de rire.

Aujourd’hui, le ministre de l’intérieur italien Marco Minniti veut construire une quinzaine de centre d’expulsion en sus de ceux existant avec pour objectif d’en disposer d’un par province. On occupe des milliers de policiers, on remplit des charters, on est prêt à construire de nouvelles prisons pour permettre une chasse renforcée aux réfugiés.

L’Italie, sous-traitante de l’UE

Ce discours et cette pratique sont des constantes. Avec un coût et une efficacité discutable. Sur 600 000 migrants débarqués en Italie depuis 2014, seulement 15 000 ont été expulsés Qu’en est-il depuis cette date et l’explosion migratoire ? Combien cela coûtera à l’Italie ? Comment peut-on évaluer le gâchis du temps de travail des fonctionnaires dans la guerre juridique et administrative livrée face aux associations et aux arrivants ?  Quelle sera la contribution des Etats européens à cette politique d’expulsion sous-traitée à l’Italie?. Entre 2000 et 2014, les procédures d’expulsion ont coûté 11 milliards d’euros à l’Union européenne.

A l’heure où je vous écris,  l’indéboulonnable Silvio Berlusconi pose le décor et annonce qu’il expulsera 600 000 migrants d’Italie. Espérons que face à cela, En Marche fera preuve de fermeté et d’humanité… Toujours défense de rire.

En même temps, on assume à la fois d’être dans l’humanité et dans la fermeté.

B.Griveaux, Porte-parole du gouvernement, le 16 janvier 2018 sur CNEWS

Des discours ambigües

Ne négligeons pas non plus le coût idéologique et politique de cette chasse et des annonces qui vont avec. Depuis Sarkozy jusqu’à Collomb, en passant par Valls, les coups de menton et la propension à en dire des tonnes  sur le sujet placent le thème de l’immigration clandestine sur le devant de la scène médiatique. Cela renforce l’idée que c’est un enjeu fondamental pour améliorer la situation matérielle du pays et des citoyens. Idée fausse qui ne conduit qu’à remettre en selle la droite nationaliste à la Le Pen/Wauquiez et lui permettre de déblatérer des inepties. Sur ces thèmes, le macronisme, comme le sarkozysme et le hollandisme en leur temps, fait preuve de laxisme face au lepénisme. Et ici, enfin, nous pouvons reprendre la maxime favorite des macronistes. Face aux idées fascisantes, “Et en même temps, Fermeté et humanité”.

Traçons de nouveaux chemins

L’accueil digne des réfugiés nécessite des moyens importants dont le coût ne doit pas être supporté seulement par l’Italie. Il ne s’agit pas seulement de moyens financiers et policiers. Il s’agit aussi d’aide humanitaire et logistique pour l’accueil, l’édification de centres d’accueil dignes et l’intégration dans un univers culturel débarrassé de la xénophobie. L’Etat doit mettre en place des politiques volontaristes pour soutenir toutes les communes et associations qui se proposent de prendre en charge des réfugiés. Car plusieurs centaines de personnes migrantes livrées à elles-mêmes dans un même lieu, cela vire au désastre humanitaire. A l’évidence accueillir des petits groupes de réfugiés, dans des structures à taille humaine et avec un véritable échange culturel organisé avec les habitants : ça fonctionne. Le pragmatisme est de ce côté !

 

Ugo Bernalicis, Député France insoumise du Département du Nord

François Duriez, Attaché parlementaire

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