Lettre aux détenus d’opinion d’Algérie

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À vous qui êtes privés de liberté, c’est en toute fraternité que je vous écris. De retour d’Algérie, je prends la plume, car vous habitez mes pensées ; vous, courageux militantes et militants de l’émancipation de votre peuple et de la justice sociale. Maintenant que je me suis rendue sur place, je mesure et je dis à quel point est inacceptable le silence coupable et intéressé qui, partout ailleurs, couvre vos luttes et malheurs. Je le ressens d’autant plus vivement, que beaucoup d’entre vous ont mon âge et même beaucoup moins. Il faut que des voix libres relayent les vôtres et que vos combats soient internationalement connus. C’est en cela que je peux aider et c’est à cela que je vais m’atteler.

Le peuple algérien mène une lutte digne, fier et debout contre un régime à bout de souffle, qui tente tant bien que mal de se maintenir en place. Au cœur de ce combat, une jeunesse admirable d’engagement de générosité et d’abnégation. La lutte pour la justice sociale et la dignité populaire est le plus beau des combats.

Pour se pérenniser, le pouvoir en place ne recule devant aucun moyen. Vos camarades de combat me l’ont dit : prisonniers d’opinion vous vous comptez par dizaines dans le pays. À Alger, où s’opère l’essentiel des arrestations, vous n’êtes pas loin d’une centaine et le chiffre grossit. Ils m’ont dit comment vous regardiez vos juges droit dans les yeux ; comment il est arrivé que des magistrats vous avouent leurs impuissances. Dans les manifestations vos concitoyens dénoncent que vous soyez retenus en otages d’un odieux chantage à l’arbitraire. Mais, les Algériennes et les Algériens tiennent bon.

Mes camarades, car je sais que je peux vous appeler ainsi. Nous menons le même combat. Certes dans des conditions différentes, mais notre combat est celui de la libération et de l’émancipation humaine. Mes camarades, même en prison vous ne baissez pas les bras. Depuis quelques jours vous êtes nombreux à observer une grève de la faim. Un moyen de lutte bien périlleux qui, il y a quelques mois, a coûté la vie à Kameleddine Fekhar, l’infatigable combattant des droits humains. Dans votre combat, vous avez à vos côtés le commandant Lakhdar BOUREGAA et Djamila BOUHIRED des acteurs de votre guerre d’indépendance. Des combattants aujourd’hui largement octogénaires. Leur présence symbolise la symbiose générationnelle qui fait la force de votre révolution du sourire.

Samira, Billal, Amine, Karim, Samir, et tous les autres, je vous adresse les plus profonds saluts de fraternité et de solidarité. J’espère votre rapide libération et votre victoire prochaine pour le changement profond et radical auquel vous vouez votre engagement.

De mon côté, je me bats aussi contre une autre oligarchie, en France. Beaucoup, de cette rive de la Méditerranée, notre mer commune, ont été arrêtés abusivement, éborgnés, mutilés sans raison du fait du mouvement de révolte populaire qui traverse le pays. C’est aussi pour cela que je me sens le devoir de faire écho à votre combat. Je ferai ce qui est à ma portée pour m’acquitter de cet impératif. 

Je vous partage une conviction : ils ne pourront arrêter les Révolutions citoyennes qui viennent. Condamner quelqu’un pour son opinion, c’est s’assurer qu’elle soit diffusée. Leur bêtise ne peut rien contre notre volonté, où que ce soit, de construire une société organisée dans l’intérêt du grand nombre. 

 

Salut et fraternité, 

Mathilde Panot 

 

 

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