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L’emploi pour tous : lutter contre la précarité et pour les droits sociaux en Europe

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Tribune Maintenant le peuple cosignée par Leïla Chaibi (candidate aux européennes pour La France insoumise), Idoia Villanueva (Sénatrice et candidate aux élections européennes, Podemos, Espagne), José Gusmao (candidat aux élections européennes, Bloco de Esquerda, Portugal), Ali Esbati (députée, Parti de Gauche, Suède), Nikolaj Villumsen (député et candidat aux élections européennes, Alliance Rouge Verte, Danemark).

La Commission européenne a récemment présenté ses priorités économiques et sociales pour 2019 qui jetteront les bases des réformes nationales et des priorités budgétaires à venir dans chaque État membre. Tel un spot publicitaire en amont des élections européennes de Mai, et alors que les gouvernements libéraux et sociaux-libéraux perdent partout du terrain face à la gronde sociale, le principal message de la Commission dans ses prévisions pour 2019 est : « restez calme et faite confiance à l’Union européenne ».

Le nombre de travailleurs pauvres est en augmentation constante et atteint aujourd’hui un niveau alarmant de 9,6% dans l’UEtandis que le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale reste élevé. 75 millions de personnes dans l’Union européenne souffrent de formes de privation matérielle ou sociale.Dans certains pays européens la croissance des salaires réels diminue ou stagne, et dans la plupart des autres pays européens l’évolution des salaires réels reste en retrait par rapport à l’évolution de la productivité.

Soit la vision économique positive qu’adopte la Commission européenne est mensongère, soit l’embellit ne profite qu’à un tout petit nombre qui s’enrichit aux dépens du plus grand nombre.

L’explosion des contrats à court terme, du travail à temps partiel, l’arrivée des contrats à zéro heure, le faux travail indépendant, la perte de vitesse des négociations collectives, indiquent que sur le marché du travail européen la tendance est à l’affaiblissement des emplois stables au profit d’emplois plus précaires, plus exploités, instables et adossés à des conditions de travail de plus en plus difficiles.Les employeurs, les grandes entreprises et les libéraux labélisent ces emplois comme des formes de travail innovantes et « atypiques », au lieu de dire ce qu’elles sont réellement : précaires.

Par exemple, depuis le début de la crise en 2008, le travail à temps partiel est en hausse et représente désormais 21,2% de l’emploi dans la zone euro.En 2017, l’UE comptait près de 9 millions de travailleurs à temps partiel involontaires. Il y a18 millions de chômeurs, 17% de bas salaires. 14% des emplois sont à durée déterminée et 2% des travailleurs sont employés par intérim.4% des employés ont même dû trouver un deuxième emploi pour survivre.Dans des États membres tels que le Portugal ou l’Espagne, 25% de la main-d’œuvre est employée de manière temporaire, quand 80% d’entre eux souhaiteraient avoir un CDI.

La crise financière de 2008-2012 a fourni aux États membres et aux institutions européennes une occasion en or de radicaliser la marchandisation de tous les aspects de nos vies, y compris du travail.Dans presque tous les États européens, des politiques d’austérité ont été mises en place pour réduire le coût des politiques et systèmes de protection sociale.L’insécurité sociale qui en a découlé a forcé de nombreuses personnes en Europe à accepter de gré ou de force des baisses de salaires et des réformes du marché du travail visant à accroître la flexibilité des contrats de travail.

Dans l’Union européenne, la protection sociale des travailleurs est considérée comme incompatible avec les principes du « marché intérieur » et les directives qui le protègent, ce, au nom de la « liberté de fournir des services transfrontaliers ».Les conséquences pour les gens sont réelles et concrètes : concurrence salariale pour des normes moins strictes, limitation du droit des travailleurs à mener des actions collectives, y compris le droit de grève, ségrégation et division de la main-d’œuvre, promotion de la xénophobie et du racisme​.Il n’y a pas de respect des droits du travail en Europe, il n’y a pas de « modèle social européen ».

Ces formes de précarisation du travail ont entraîné l’augmentation de la part des profits dans les économies nationales au détriment de la part du travail. Le développement du travail non rémunéré, l’intensification du travail et la domination du capital financier ont rendu les marchés plus instables, ont réduit la demande solvable et affaibli les investissements : tout cela a finalement placé les choix les plus fondamentaux pour notre époque (transition écologique, développement régional, métropolisation…) entre les mains d’acteurs privés à courte vue. Depuis lors, chacun paie pour garantir aux plus riches de bons taux de profit spéculatifs au lieu de bâtir un avenir collectif durable.

Un véritable agenda de lutte contre le travail précaire et de promotion des droits sociaux doit articuler la lutte pour la reconnaissance (des citoyens sans accès à la représentation collective de leurs intérêts) avec la lutte pour la redistribution (changement du modèle économique dans lequel la précarité est un moyen de surexploitation). Le défi consiste à élargir le droit à un contrat décent pour tous et à lutter contre le développement de formes de contrat précaires (telles que le travail temporaire, la sous-traitance, les contrats à court terme, le faux travail indépendants), à reconnaître des réalités qui sont souvent rendues invisibles (telles que le travail intermittent, le travail domestique ou le travail scientifique), et à garantir des droits sociaux aux travailleurs indépendants et aux autoentrepreneurs.

La lutte contre la précarité, contre le chômage et pour les droits sociaux en Europe est une priorité.Le plein emploi est une condition de la démocratie.

Nous appelons à un « protocole social » qui renverse la hiérarchie entre droits sociaux des travailleurs et libertés économiques des entreprises. Ni les libertés économiques, ni les règles de concurrence ne doivent être supérieurs aux droits sociaux fondamentaux et au progrès social. En cas de conflit entre droits sociaux et libertés économiques, les droits sociaux fondamentaux devraient toujours prévaloir.  Le droit fondamental des travailleurs de mener des actions collectives, y compris le droit de grève, doit être incontestable. 

Nous demandons la ratification par l’Union européenne des conventions de l’OIT les plus avancées et leur substitution au droit de l’Union lorsqu’elles sont plus avantageuses pour les travailleurs. 

Nous voulons mettre fin à la directive sur le détachement des travailleurs et donner aux Parlements nationaux le pouvoir de légiférer sur les principes applicables au travail détaché dans leur propre pays. Les travailleurs détachés ne sont pas un prolongement de la libre circulation des personnes, mais simplement une stratégie de dumping visant à couper dans les coûts de main-d’œuvre et à contourner les règlementations dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre tels que la construction, les transports ou l’agriculture. La libre circulation des travailleurs devrait être basée sur le principe de l’intégration des travailleurs sur le marché du travail du pays d’accueil, avec les mêmes droits, garanties et les mêmes cotisations que les travailleurs du pays d’accueil.

Nous appelons à des mesures de lutte contre les inégalités, pour un plus juste partage des richesses et contre le chômage : faire respecter l’interdiction de licencier dans les entreprises qui font des profits, faire en sorte que le salaire gagné soit suffisant pour répondre aux besoins de chacun et soit un rempart contre la pauvreté, en établissant une proportion maximale entre le plus bas salaire et le plus haut salaire dans une même entreprise.

Nous voulons une clause de non-régression, afin d’empêcher tout gouvernement national d’abaisser les conditions de travail sous prétexte de transposer le droit de l’Union dans le droit national. 

Nous proposons de nouveaux outils pour lutter contre le travail informel et les transgressions juridiques, en tenant compte de l’énorme fossé qui existe entre le droit écrit et le droit tel qu’il est appliqué. Nous proposons de renforcer les services d’inspection du travail dans nos États membres, conformément à la convention 81 de l’OIT, en coopération avec les syndicats. En outre, le secteur public devrait être un exemple en matière de pratiques de travail, comme employeur et comme client.

Nous demandons l’abrogation de la « directive actionnaires » et l’interdiction de tout versement de dividende scandaleux, c’est-à-dire supérieur aux bénéfices nets.

Nous appelons à la création de nouveaux mécanismes de protection sociale et de réglementation.Par exemple, les travailleurs indépendants manquent de protection sociale et bénéficient de systèmes de déductions injustes en matière de sécurité sociale.Les travailleurs indépendants, comme ceux qui ont une activité intermittente devraient se voir garantir des droits au chômage, des congés payés, et bénéficier d’une durée légale de travail.

« Louer des personnes » ne devrait pas être légal.Les agences de travail intérimaire créent une forme particulière de marchandisation des travailleurs qui s’apparente à de la « location de personnes ».

Nous voulons lutter contre la baisse des salaires en limitant l’externalisation de l’emploi. La sous-traitance de plus en plus pratiquée dans le privé comme dans le publique transforme le travail en « prestation de services ». Elle est utilisée comme stratégie de réduction des coûts de main-d’œuvre, de compression des salaires et de contournement du droit du travail.

Nous appelons à promouvoir à renforcer les négociations collectives et à limiter les contrats à court terme. Les contrats à court terme devraient être strictement limités à des situations exceptionnelles, telles que des activités saisonnières incontestables ou le remplacement d’un travailleur en congé parental, par exemple. Toutes les emplois doivent être exercés sur la base  de contrats à durée indéterminée. La pratique de la négociation collective devrait être encouragée

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