Question écrite sur la taxation des produits nuisibles à la biodiversité

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Le 10 juillet 2018, Bastien Lachaud a interpellé Bruno le Maire, le ministre de l’économie, sur la politique générale de la France relative à la déforestation importée. De grands groupes privés, producteurs de l’huile de palme, œuvrent à la destruction de forêts en Asie de l’Est en toute impunité. En plus d’être destructrices sur le plan écologique, elles détruisent les habitants des orangs-outans qui est une espèce en danger d’extinction. Elles contreviennent également aux droits humains en chassant les autochtones de leurs terres.

Pour agir fermement contre la perpétuation de ces pratiques, Bastien Lachaud demande au ministre si des mesures de protectionnisme solidaire seront prises pour que cesse l’importation de ces produits, dissuadant ainsi leur production.

Voici le texte intégral de la question :

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’économie et des finances sur la politique générale de la France relative à la déforestation importée. Les cultures du soja ou de l’huile de palme, en Asie de l’Est, se situent parmi les premières causes de la déforestation massive des forêts tropicales. Dans ces lieux, la dernière forêt vierge disparaît rapidement. Or cette déforestation menace l’écosystème, les équilibres fragiles de l’environnement et la biodiversité (extinction des orangs-outans, espèce spécifique de Bornéo). Il se trouve que la forêt tropicale de l’île de Bornéo abrite 80 % de la biodiversité terrestre. D’autre part, la déforestation menace le mode de vie des populations autochtones qui vivent dans la forêt tropicale. Alors pourquoi attendre pour agir et interdire aux entreprises qui ne respectent pas la nature et contribuent à fragiliser l’environnement d’importer leurs produits au moins en France ? Par ailleurs, la consommation dans les pays importateurs pose question. La consommation d’huile de palme peut être mauvaise pour la santé, provoquant notamment des risques cardiovasculaires accrus ainsi qu’une augmentation du taux de cholestérol. Le plan climat du Gouvernement promettait, en son quinzième axe, de publier en mars 2018 une stratégie nationale pour mettre fin à l’importation de produits forestiers ou agricoles contribuant à la déforestation. À l’heure actuelle, cette promesse n’est pas tenue et cette stratégie n’a toujours pas vu le jour. Quand cela sera-t-il fait ? Il lui demande quand donc des mesures de protectionnisme solidaire tendant à interdire l’importation des produits forestiers ou agricoles contribuant à la déforestation mondiale (produits agroalimentaires, cosmétiques, carburants etc.) seront-elles enfin mises en place. Pourquoi des taxes dissuasives n’ont-elles toujours pas été mises en place à l’entrée en France pour des produits contribuant à la déforestation notamment, et de façon générale pour des marchandises ayant été produites dans des conditions socialement ou écologiquement inacceptables ? Il lui demande ce qu’il attend pour mettre en place au minimum une taxe kilométrique de façon à sanctionner les produits ayant fait le tour du monde alors qu’ils auraient pu être fabriqués en France.

Voici la réponse du ministère publiée le 18/06/2019 :

L’impact de la déforestation sur le climat est significatif puisqu’elle représente environ 11 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Un processus de mobilisation politique s’est mis en place dans le contexte de la COP21, faisant suite à la déclaration de New York de septembre 2014 sur les forêts. Par ailleurs, quand une étude commandée par la Commission européenne montre que l’Europe serait responsable de plus du tiers de la déforestation liée au commerce international, la responsabilité de la France est de se saisir de ce problème. Dans le prolongement de l’accord de Paris, l’action de la France s’inscrit dans le cadre des deux déclarations d’Amsterdam en faveur de l’établissement de chaînes d’approvisionnement en matières premières agricoles durables, signées en décembre 2016.

Ces déclarations sont des textes d’intention politique, non juridiquement contraignants, qui visent à promouvoir l’élimination de la déforestation des chaînes d’approvisionnement agricole dans les pays signataires, en soutenant les efforts du secteur privé vers un objectif de déforestation nulle d’ici 2020, pour l’huile de palme. Sept États européens sont signataires : France, Pays-Bas, Norvège, Danemark, Allemagne, Royaume-Uni et Italie, et représentent environ 65 % des importations européennes de soja, huile de palme et cacao. Pour la France, les déclarations d’Amsterdam forment une initiative structurante à la fois du point de vue politique et en matière d’engagements des acteurs. Ainsi, la France a adopté en novembre 2018 un projet de stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), comme prévu par le plan climat du Gouvernement publié en juillet 2017. L’approche choisie est ambitieuse, car l’objectif fixé est de mettre un terme à la déforestation importée au niveau français d’ici 2030. La société civile a d’ailleurs salué cette stratégie.

Plus largement, la déforestation est une question complexe causée par de multiples facteurs. Cette thématique doit donc être abordée selon plusieurs angles, afin de renforcer les progrès des filières et des opérateurs financiers, ainsi que l’action des États et de la société civile. C’est pourquoi la SNDI a pour objectif de mettre en œuvre une combinaison d’actions destinées à engager un processus de transformation majeure en matière de lutte contre la déforestation. Elle définira notamment cinq orientations : - instaurer un dialogue entre pays consommateurs et pays producteurs ; - développer des axes de coopération internationale à travers l’agence française de développement (AFD) avec un budget consacré au volet forêt sur les 5 prochaines années de l’ordre de 60 M€ par an, pour des actions relevant de la gestion durable, de la lutte contre la déforestation, de la restauration des écosystèmes forestier et de reboisements ; - partager et valoriser les connaissances de nos établissements de recherche, notamment le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’institut de recherche pour le développement (IRD), l’institut national de la recherche agronomique (INRA) et le centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; - intégrer la thématique de la déforestation dans les politiques publiques internationales, européennes et nationales ; - et enfin, promouvoir l’engagement des acteurs privés autour de cette problématique à travers notamment la création d’une plateforme multisectorielle, produit de sortie concret et très attendu par les acteurs, qui doit permettre l’accélération des engagements en centralisant les outils et les informations nécessaires pour renforcer leur analyse de risques. 

L’élaboration de cette stratégie a mobilisé plusieurs ministères, en particulier ceux de la transition écologique et solidaire, de l’Europe et des affaires étrangères, de l’agriculture et de l’alimentation, des finances, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Les actions formulées dans la stratégie ont été nourries par les recommandations portées par trois groupes de travail impliquant tous les partenaires issus du groupe national sur les forêts tropicales (GNFT), instance de dialogue entre l’État et tous les acteurs concernés. Le comité national de la transition écologique (CNTE) a rendu son avis sur le projet de SNDI le 12 juillet 2018. 

Enfin, la France devra valoriser cette expérience pour faire en sorte que la déforestation soit bien prise en compte lors des discussions européennes et internationales relatives à la déforestation, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et dans le cadre de la négociation d’un nouveau cadre mondial sur la préservation de la biodiversité qui sera adopté lors de la COP15 de la convention sur la diversité biologique, qui se tiendra en Chine fin 2020.

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