L’Europe des peuples contre le « sabotage libéral » du projet européen

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Article de Mathias Tavel initialement publié dans L’Heure du peuple, journal insoumis

C’est un anniversaire très actuel qui a été célébré ce 29 mai au Parlement européen de Strasbourg par la France insoumise et ses partenaires européens. Des députés européens et nationaux de huit nationalités différentes étaient réunis pour « célébrer » l’anniversaire de la victoire du « non » au traité constitutionnel européen le 29 mai 2005 selon le mot de Marisa Matias, député européenne du Bloco portugais. Le symbole tombait à point nommé à l’heure où l’Union européenne, les marchés financiers et l’Allemagne ont mis leur veto à la formation d’un gouvernement italien respectant le résultat des élections législatives dans ce pays.

Les « coups d’Etat financiers » sont « inacceptables ».

Treize ans après le vote français, la souveraineté populaire et la démocratie sont toujours des obstacles pour l’Europe austéritaire. C’est ce qu’ont martelé tout à tour les intervenants, dénonçant les « coups d’Etat financiers » selon l’expression de Panayotis Lafazanis, ancien ministre grec qui a quitté Syriza pour refuser la capitulation du gouvernement Tsipras en 2015 et fonder le parti Unité populaire. Eleonora Forenza, député européenne italienne et membre de Potere al Popolo a rejeté « l’inacceptable » coup de force en Italie. Même si son mouvement se préparait à être « l’opposition social et politique » à l’alliance entre le Mouvement 5 étoiles et la Lega d’extrême-droite, elle rejette les pressions exercées sur son pays et a demandé la démission du commissaire européen allemand Gunther Oettinger qui a dit souhaiter que les marchés financiers influencent le vote italien en cas de nouvelles élections.

C’est la voix des peuples qu’entendent porter les intervenants de cette table ronde, introduite par le député européen insoumis Younous Omarjee. Chacun a exprimé son point de vue, à commencer par les représentants des trois forces signataires de l’appel de Lisbonne « Maintenant le peuple, pour une révolution citoyenne en Europe » : Jean-Luc Mélenchon, président du groupe des députés de la France insoumise à l’Assemblée nationale, Miguel Urban, député européen de Podemos (Espagne) et Marisa Matias donc. L’ancien candidat à la présidentielle française a rappelé que ces forces sont des « mouvements à vocation gouvernementale » dans chacun de leur pays, manière d’affirmer l’ambition de cette alliance européenne.

Faire exploser le « carcan »

Tous ont confirmé vouloir « sortir des traités » actuels imposés depuis 2005, qu’il s’agisse du traité de Lisbonne ou du traité budgétaire. « Il faut les rejeter et les changer » a ainsi plaidé Marisa Matias. C’est pour eux la condition indispensable pour construire « une Europe qui s’engage pour l’environnement, pour l’égalité, féministe, qui défende les droits des travailleurs » comme l’a souligné Malin Bjork, député européenne du Parti de Gauche de Suède, et « construire la paix » a complété Jean-Luc Mélenchon. La volonté est de bâtir une Europe « en harmonie avec la nature » et capable d’affronter le « nouveau défi de la crise écologique qui menace » comme l’a souhaité Stefan Eck, député européen allemand élu sur une liste de défense de la condition animale, une « Europe de coopération renforcée libre entre pays souverains, démocratiques et indépendants » selon les mots de Panyotis Lafazanis. David Wagner, député du Grand-duché du Luxembourg et porte-parole de Dei Lenk a dit sa satisfaction de voir cette démarche d’ « internationalisme » et souhaité qu’elle se poursuive « dans l’UE mais aussi au-delà, vers l’Afrique du Nord ou l’Amérique latine ». Il a renchérit en affirmant que « c’est de l’internationalisme que de faire exploser le cadre actuel de l’UE » dénoncé comme un « carcan » par d’autres participants et alors que « l’euro n’est pas un outil neutre » a témoigné Panayotis Lafazanis.

Mettre fin au « sabotage du projet européen » par les libéraux

Plusieurs intervenants ont dénoncé la « brutalité » de ces méthodes mais aussi de ceux qui veulent réduire le débat européen à un faux choix entre euro-libéraux et extrême-droite. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé cette « prison des mots » et le « chantage permanent » depuis 2005 qui voient toutes critiques de l’UE repeintes en nationalisme. Miguel Urban (Podemos) a ainsi dénoncé le « fédéralisme néolibéral des élites européennes qui s’appellent Macron ou Ciudadanos en Espagne, et qui alimentent l’extrême-droite ». Il a appelé à « lutter contre l’extrême-centre Merkel-Macron et contre les Pen européens car Macron et Le Pen sont les deux faces de la même médaille ». Il a dénoncé le « néolibéralisme [comme] un sabotage du projet européen ». « Ceux qui nous accusent de nationalisme sont ceux qui tuent l’Europe » a surenchéri Marisa Matias rappelant que le « non français était un oui à la démocratie ». Tous ont refusé cette Europe « a sens unique » engagée dans « une voie sans issue » sinon « l’hégémonie » du gouvernement allemand et de la finance renforçant l’extrême-droite. Le luxembourgeois David Wagner a appelé à « enlever à l’extrême-droite le rôle de porte-parole » de la volonté de résistance à l’UE, rappelant les dégâts causés par la capitulation de Syriza alors que « nous pensions que Tsipras avait un plan B » et que les progressistes européens ont dû tout reconstruire depuis le renoncement grec.

Jean-Luc Mélenchon a relevé en conclusion l’« extrême homogénéité de pensée » entre les intervenants et les forces qu’ils représentent y voyant une grande force face à « l’aveuglement du débat politique qui donne l’impression d’un bavardage hors sujet alors que le seul écosystème compatible avec la vie humaine est menacée de ruine ». Il a mis en cause le fait que « l’UE n’a aucun projet de civilisation » et que « rien n’est fait pour arrêter la course à l’abîme » alors que c’est « là où se trouve concentré le plus de moyens humains et de matière grise »

L’attachement à la souveraineté populaire, au progrès social et écologique ainsi que le refus de l’Europe austéritaire forment effectivement un ciment solide que Stefan Eck a résumé en quelques mot : « nous avons besoin d’une nouvelle Europe, d’un nouveau mouvement, d’un changement des traités ». Cette étape strasbourgeoise est un pas de plus vers la construction d’un mouvement européen promoteur de la Révolution citoyenne à l’occasion des élections européennes de mai 2019. Un prochain rendez-vous avec de nouveaux partenaires, notamment scandinaves est en préparation pour les prochaines semaines.

Matthias Tavel

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