Question écrite sur la dangerosité des gaz lacrymogènes

pARTAGEZ

Le 22 mai 2018, Bastien Lachaud a interrogé le ministre de l’intérieur s’agissant de la dangerosité des gaz lacrymogènes. Alors que les effets à court terme sont déjà bien connus, aucune étude sérieuse n’a été menée pour cerner, à moyen et long terme, la dangerosité de ces produits.

Pourtant, ils sont utilisés en grand nombre lors de manifestations et sont alors susceptibles de mettre en danger des personnes vulnérables.

De plus, l’usage de gaz lacrymogènes n’est pas toujours proportionné au risque de violence auquel les forces de l’ordre peuvent être confrontées.

Il est donc nécessaire que lumière soit faite sur la dangerosité de ces produits et qu’ils soient introduits si leur nocivité est établie.

Retrouvez ici le texte de la question écrite au ministre de l’intérieur :

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, au sujet de la dangerosité des gaz lacrymogènes utilisés par les forces de police aux fins de maintien de l’ordre. Les récents mouvements sociaux ont vu l’exécutif user de ces produits en très grande quantité. Quoique l’usage massif de ces produits dans les actions de maintien de l’ordre n’ait pas fait la preuve de son utilité, leur efficacité sur les personnes n’est en revanche plus à prouver. Les souffrances qu’ils occasionnent sont évidentes ; le traumatisme que leur emploi suscite est réel. Depuis qu’on a recours à ces armes, de nombreux cas ont été recensés dans le monde de séquelles graves voire de morts. Ces seuls faits suffiraient à s’interroger sur la dangerosité des gaz lacrymogènes et à interroger la disproportion qui existe entre la menace à laquelle ils doivent permettre de parer et les blessures qu’ils causent. Mais une autre raison oblige à s’interroger : comme tout gaz, ceux utilisés par les forces de police sont des armes non-discriminantes ; les agents qui les utilisent, quand bien même ils le font dans le cadre d’un protocole rigoureux, ne sont pas en mesure de garantir qu’elles n’affecteront pas un public vulnérable. Alors même qu’elles exerçaient leur droit constitutionnel à manifester, de nombreuses personnes ont été forcées de respirer ces gaz lacrymogènes. Certaines d’entre elles y ont même été exposées de nombreuses fois. Pourtant la dangerosité réelle des gaz lacrymogènes n’est pas documentée. Si le maintien de l’ordre est bien entendu une mission de l’État, on ne peut concevoir que celui-ci implique la détérioration de la santé des citoyennes et citoyens exerçant leurs droits et qu’il implique in fine une réduction drastique des libertés publiques. En la matière, en l’absence de données fiables sur les effets à court, moyen et long terme des gaz lacrymogène, le principe de précaution, qui figure dans le bloc de constitutionnalité devrait prévaloir et leur usage devrait être interdit. C’est pourquoi il souhaite savoir si son ministère dispose d’enquêtes scientifiques rigoureuses établissant l’innocuité de ces gaz et lui demande le cas échéant de les rendre publiques.

Voir ici le texte de la réponse (JO le 29/01/2019) :

Corollaire de la liberté d’expression, le droit de manifester est une liberté garantie par la Constitution. Les forces de l’ordre concourent à l’exercice de ce droit. Les services d’ordre mis en place par les forces de police et de gendarmerie ont en effet pour but d’assurer la sécurité des biens et des personnes et donc le libre exercice de ce droit. En cas de débordements de toute nature (violences, dégradations, etc.), les opérations de maintien et de rétablissement de l’ordre public impliquent l’emploi de différents matériels et moyens destinés à préserver ou rétablir l’ordre public, c’est-à-dire le respect de la loi républicaine Dans un Etat de droit, il est impératif que le recours à la contrainte, parfois nécessaire et au besoin au moyen des armes, soit gradué et proportionné et s’exerce dans le respect du droit.
C’est pour répondre à ces exigences que les forces de l’ordre disposent d’une législation et d’une gamme de techniques ou de moyens divers pour rétablir l’ordre public, pour protéger la sécurité des personnes et des biens, ou pour faire face aux menaces auxquelles elles sont exposées. Le niveau d’exercice de la contrainte prend en compte les situations particulières et se traduit par la mise en œuvre de la force physique, par l’emploi d’armes de force intermédiaire et, en dernier lieu, par le recours à des armes à feu.
Les armes de forme intermédiaire permettent de faire face à des situations dégradées pour lesquelles la coercition physique est souvent insuffisante mais qui nécessitent une riposte immédiate, notamment pour faire face à des groupes armés ou violents. Dans bien des situations, elles évitent le recours aux armes létales et abaissent le niveau de risque, tant pour l’intégrité physique des personnes ciblées que pour celle des tiers ou des forces de l’ordre. Le code de la sécurité intérieure liste de manière exhaustive ces armements et définit les conditions dans lesquelles ils peuvent être utilisés.
Il en est ainsi, par exemple, des moyens lacrymogènes (diffuseur, grenade lacrymogène et fumigène, grenade assourdissante et lacrymogène, etc.).L’emploi de ces moyens permet en particulier d’éviter, lors de mouvements de foule, ou lorsque les forces de l’ordre sont prises à partie par des groupes armés ou violents, les risques inhérents à des contacts physiques directs avec les fauteurs de troubles et à préserver leur intégrité physique en évitant l’usage d’autres moyens présentant plus de risques. Il permet la dispersion de foules et d’éviter l’enfoncement ou le contournement des dispositifs de sécurité mis en place par les forces de l’ordre. Il peut aussi viser à la neutralisation d’une personne menaçante ou dangereuse pour elle-même ou pour autrui.
L’emploi de moyens lacrymogènes relève donc du cadre légal d’emploi de la force. A ce titre, leur usage n’est possible que lorsque les conditions requises par la loi l’autorise et répond en particulier aux critères de nécessité, de proportionnalité et de gradation. L’emploi de certains moyens lacrymogènes répond en outre à des règles supplémentaires spécifiques particulièrement strictes (emploi uniquement sur ordre hiérarchique ; nécessité de disposer d’une habilitation individuelle obtenue après une formation et avec le suivi d’une formation continue, etc.).
L’usage des grenades de ce type n’intervient qu’après un ordre de dispersion et trois sommations qui annoncent l’usage de la force, sauf en cas de violences ou de voies de fait exercées contre les forces de l’ordre. Si une exposition résiduelle au gaz lacrymogène peut être subie par des manifestants qui quittent la zone où elles sont lancées, ceux qui se maintiennent délibérément sur place sont auteurs, a minima, du délit prévu à l’article 431-4 du code pénal. Aussi, si l’effet d’une grenade lacrymogène peut toucher de manière indifférenciée un groupe de manifestants, ceux-ci ont pour point commun d’avoir voulu s’inscrire et se maintenir dans l’illégalité. S’agissant des produits eux-mêmes, communément appelés « gaz lacrymogènes », ils ne sont en fait ni gaz, ni agents incapacitants.
En ce qui concerne leur éventuelle toxicité, parmi les policiers chargés du maintien de l’ordre, qui sont régulièrement soumis à une exposition à des gaz lacrymogènes, la médecine de prévention du ministère de l’intérieur n’a eu à connaître d’aucune remontée significative qui pourrait faire évoquer un lien direct entre d’une part l’exposition au CS, produit de synthèse chimique - ortho - chlorobenzylidène malononitrile de faible toxicité, qui constitue la molécule active du gaz lacrymogène, et d’autre part certaines pathologies chroniques ou évolutives possibles (pathologies respiratoire, ophtalmologiques, etc.).
Les symptômes retrouvés habituellement chez l’homme sont dus à une exposition aiguë. En effet les irritations sont les plus fréquentes et se manifestent sur l’œil, la peau, le tractus respiratoire. Peuvent s’y ajouter des troubles digestifs et des céphalées. L’exposition aigüe n’implique généralement pas d’effet à long terme : l’effet irritant disparaît rapidement (15 à 30 min) après « décontamination » (à grande eau et éviction du produit) et les éventuels effets secondaires disparaissent généralement dans la journée. Ces produits sont par ailleurs acquis par les forces de l’ordre en tenant compte de la composition (excipients et produits solvants) et du dosage des composants. En l’espèce, comme en toute autre circonstance, les forces de l’ordre interviennent dans le respect du droit, notamment des dispositions du code pénal et du code de la sécurité intérieure relatives au délit d’attroupement et à l’emploi de la force pour le maintien de l’ordre.
Leurs actions sont soumises au contrôle de l’autorité judiciaire et de différentes autorités administratives indépendantes. Si des comportements inappropriés sont relevés, ils donnent systématiquement lieu à des suites administratives, voire judiciaires. Les forces de l’ordre, qui sont fréquemment prises à partie et victimes de violences dans le cadre de débordements qui surviennent en marge de certaines manifestations et d’attroupements, interviennent toujours avec courage, professionnalisme, sang-froid et discernement.
Dans des situations fréquemment difficiles, face à des enjeux multiples et complexes, les policiers et les gendarmes ont à cœur de mener à bien leur très difficile mission dans le respect des personnes et avec pour souci constant la garantie de l’ordre public républicain.

Dernières actualités

Rechercher