Question écrite à Gérard Collomb sur les difficultés rencontrées par les réfugié·e·s LGBTI+

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Chaque année, des demandes d’asile émanant de personnes réfugiées LGBTI+ ayant fui la persécution se heurtent à des obstacles biens spécifiques comme on le voit avec Moussa.

M. Collomb, que comptez-vous faire pour que la France leur apporte accueil et protection ?

 

Ma question écrite au ministre de l’Intérieur :

 

 » Mme Danièle Obono interroge M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur sur les conditions d’accueil des demandeuses et demandeurs d’asile lesbiennes, gay, bisexuelles, trans et intersexes (LGBTI+). Les personnes LGBTI+ représentent 5 à 6 % des 85 000 demandes enregistrées par l’Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en 2016. Elle s’inquiète de l’accueil et de la protection que la France est réellement en mesure de leur apporter ; En effet, aux dires des associations d’accompagnement des demandeuses et demandeurs d’asile, si la prise en considération de ces spécificités s’est grandement améliorée- en partie grâce à leur action et leur collaboration avec l’OFPRA - le chemin vers un accueil digne de nos valeurs humanistes et progressistes est encore long à parcourir. Les demandeuses et demandeurs d’asile LGBTI+ cumulent des problématiques auxquelles se confronte toute personne réfugiée, mais elles et ils se heurtent aussi à différents obstacles spécifiques. D’abord, comme nous le signale l’Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour (Ardhis), la demande d’asile d’une personne LGBTI est particulière et difficile à exprimer. Elle concerne une intimité que la personne a toujours pris soin de dissimuler. On comprend aisément qu’il est parfois totalement contre intuitif pour ces personnes de demander l’asile en tant que personnes LGBTI+. Ce n’est qu’au contact des associations qu’elles réalisent cette possibilité, parfois très tard dans leur parcours, parfois même après avoir déposé un récit à l’OFPRA. Il est du devoir de nos institutions de s’assurer qu’elles peuvent modifier leur récit initial, ce qui aux dires des associations n’est pas toujours le cas, et pas toujours accepté. Ensuite, toujours selon l’Ardhis, « l’octroi des protections se fait à partir de la crédibilité des histoires des demandeurs à deux égards : la réalité de leur orientation sexuelle et la réalité de la crainte d’une persécution en cas de retour ». Or, l’identité sexuelle d’une personne ne se voit pas, et est parfois niée, selon ce que les agents imaginent « être » l’apparence d’un homosexuel et de façon générale leurs préjugés (par exemple une personne n’ayant qu’un seul amant face à un imaginaire des homosexuels hommes forcément différents, l’apparence féminine d’une femme homosexuelle, etc.). Les questions posées peuvent alors être très intrusives ou déplacées, un demandeur ayant été marié dans le passé s’étant par exemple vu demander par un agent s’il avait éprouvé du plaisir avec sa femme. Plus largement, il n’est pas rare que des personnes LGBTI+ aient dans une vie passée été mariées, aient eu des enfants ou aient eu une double vie. Ces critères ne peuvent pas les exclure de la demande d’asile, comme c’est hélas parfois le cas. Les recommandations du Haut-commissaire des nations unies pour les réfugiés (HCR) sur les demandes de reconnaissance du statut de réfugié relatives à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre sont pourtant claires : Alors que certains requérants sont en mesure de fournir des preuves de leur statut LGBT, par exemple au moyen de déclarations de témoins, de photographies ou d’autres formes de preuves documentaires, il n’est pas nécessaire qu’elles ou ils aient des documents sur leurs activités dans le pays d’origine qui signalent leur différence d’orientation sexuelle ou d’identité de genre. Étant données les difficultés de fournir des preuves au niveau des demandes relatives à l’orientation sexuelle, l’évaluation de ces demandes repose souvent sur la crédibilité de la requérante ou du requérant. Dans ces circonstances, il est impératif que les décisionnaires tendent à accorder le bénéfice du doute. Une fois cette identité reconnue, les personnes demandant l’asile se heurtent à une nouvelle difficulté : catégorisation de pays sûrs qui ne tient pas forcément compte des problématiques spécifiques rencontrées par les personnes LGBTI+, et ce que les agents croient savoir, faute parfois de formation adéquate, des pays de provenance. La disposition adoptée en première lecture du projet de loi sur l’immigration et l’asile bien que constituant une avancée n’est pas suffisante : le seul statut pénal ne suffit pas à savoir l’état de sûreté d’un pays pour les personnes LGBTI, une réelle enquête sur le terrain est nécessaire. Plus grave, plusieurs associations nous ont fait part d’épisodes d’homophobie de la part des interprètes de l’OFPRA, à même d’intimider et d’agir négativement sur la capacité des demandeuses et demandeurs de raconter sereinement leur parcours. Au vu de tous ces écueils, on comprend aisément que la volonté d’accélérer le processus de demande d’asile peut paraître louable, mais qu’à moyens constant elle risque d’influer négativement sur la qualité du traitement des dossiers en général, et de ceux des personnes LGBTI+ en particulier. Or le constat des associations est inquiétant : l’association Le refuge (hébergement temporaire et accompagnement des jeunes victimes d’homophobie et transphobie) nous signale par exemple qu’en 2017 la grande majorité des jeunes LGBTI+ étrangers qui ont sollicité leur aide se sont vus opposer un refus d’asile. Tout au long de ce processus, qui peut prendre plusieurs mois ou années, les demandeuses et demandeurs d’asile homosexuels, bisexuelles, trans et intersexes sont confrontés comme leurs pairs au manque criant de places d’hébergement, notamment en CADA. Si d’autres personnes ont la possibilité de se tourner vers leur communauté d’origine déjà installée en France pour avoir un soutien, cela leur est plus difficile, puisqu’elles risquent de se retrouver face aux mêmes problématiques qui leur ont fait fuir leur pays d’origine. Quand elles ont une place, elles peuvent y retrouver, faute de dispositifs adaptés, les mêmes discriminations. Elle s’interroge donc sur les moyens qu’il compte octroyer aux associations pour les aider dans le travail souvent très dur et fait bénévolement d’accompagnement de ces personnes. Est-ce qu’il entend exiger de l’OFPRA que ses agents (en particulier les nouvelles recrues) reçoivent une formation adéquate pour répondre à l’accueil de personnes déjà très fragilisées ? Quelle redéfinition de pays sûr pourrait tenir compte des discriminations légales et culturelles envers les personnes LGBTI. Et enfin elle demande quel dispositif il compte mettre en place pour assurer un hébergement digne des demandeuses et demandeurs d’asile en général, et LGBTI+ en particulier. »

 

Pour être alerté de la réponse du gouvernement :

http://​questions​.assemblee​-nationale​.fr/​q​1​5​/​1​5​-​8​4​8​8​Q​E​.​htm

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