Quelques mots sur ma visite du Centre de rétention administrative de Cornebarrieu, 3 février 2018

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Samedi 3 février 2018, j’ai visité le Centre de Rétention Administrative (CRA) de Cornebarrieu en Haute-Garonne, avant d’assister à plusieurs audiences du juge des libertés et de la détention. J’en ferai un rapport détaillé, mais je veux déjà commencer, ici, à raconter la honte et l’inhumanité que m’inspire la politique de criminalisation des étranger·e·s menée dans notre pays.

Depuis la circulaire du 20 novembre 2017 (dite circulaire Collomb), qui accroit la politique du chiffre et de chasse aux personnes sans papiers, tous les centres de rétention administrative (CRA) sont pleins. Le CRA que j’ai visité n’y fait pas exception.

J’y ai rencontré Joseph, 17 ans, un brillant élève de première en bac pro systèmes numériques, arrêté le troisième jour de son stage en entreprise. Il s’inquiète pour son avenir scolaire. Une pétition de soutien a déjà recueilli 40 000 signatures.

J’y ai parlé avec Tahar, père de deux enfants (dont un handicapé). Tahar souffre lui aussi d’un handicap suite à une chute dans les escaliers (des broches lui tiennent le dos). Arrêté chez lui, il a dû laisser sa femme et ses deux enfants qui habitent à 470 km du CRA. La police ne lui a pas laissé prendre sa ceinture pour le dos et il ne dispose pas d’un lit adapté à l’état de son dos à Cornebarrieu (il a chez lui un lit médicalisé).

J’y ai vu Pablo de la Cimade. Il se bat au côté d’autres militant·e·s pour aider les personnes en rétention. Il me raconte l’absurdité de la logique de rétention punitive : 20 % des personnes détenues sont expulsées de France. Les 80 % restants sont soit libérés par décision de justice ou parce qu’ils ont écoulés les 45 jours maximum de rétention dans le centre. Pablo me raconte les dégâts humains et mentaux, mais aussi l’angoisse produite par l’enfermement de ces personnes qui n’ont rien fait.

Alors que penser du projet de loi soutenu par le ministre de l’Intérieur qui fera passer de 45 à 135 le nombre de jours maximum en rétention ? « C’est impossible à imaginer, c’est une gestion inhumaine et inexplicable des flux migratoires par l’enfermement » me dit-il

« C’est impossible à imaginer, c’est une gestion inhumaine et inexplicable des flux migratoires par l’enfermement » me dit-il.

Il y a aussi les audiences des « retenu·e·s » avec le juge des libertés. Elles sont faites par visioconférence, car les effectifs manquent pour transporter les « retenu·e·s » au tribunal. Souvent, la personne n’entend pas bien le juge et ne peut pas parler à son avocat. Et sans ouverture au public, il n’y pas de vigilance citoyenne possible. Ces visioconférences, Collomb veut les systématiser.

Il faut aussi raconter les libérations. Elles ont lieu après le jugement au tribunal (vers 16-17h) et les 6 heures de délai où le procureur a la possibilité d’effectuer un recours (vers 22h-23h).

Les personnes sont ainsi libérées dans la nuit, sur une route départementale sans bus et souvent sans aucun moyen de transport… alors qu’elles habitent parfois à des centaines de kilomètres de chez elles !

Absurdité d’un système où la rétention devient la norme là où elle devrait être l’exception ! Absurdité telle qu’une jeune femme de nationalité française, élève au lycée, a été envoyée au CRA de Cornebarrieu suite à un contrôle d’identité où elle a pris peur. Elle y est restée 48 heures, sans raison.

Samedi après-midi, j’ai donc assisté aux audiences des retenu·e·s, accompagnée du Cercle des Voisins du Centre de Rétention de Cornebarrieu et de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). Sept personnes étaient jugées, dont la jeune femme de nationalité française dont je parlais plus haut.

Sept auditions qui, pour certaines, durent à peine 5 minutes mais qui sont suivies de trois heures d’attente.

Verdicts ?

Seule la jeune lycéenne sera libérée le soir-même, vers 23h30, sur la route départementale.

Un jeune homme, qui a pourtant une carte de séjour italienne (lui donnant, pourtant, le droit de se déplacer dans l’espace Schengen), voit sa rétention prolongée de 20 jours.

Même sort pour cette jeune mexicaine vivant à Barcelone. Elle avait demandé, si sa rétention se prolongeait, à avoir accès à des médicaments pour traiter ses allergies au visage dues à la rétention. Elle n’y aura pas accès. Son ami présent à l’audience, qui avait donné tous les justificatifs pour une assignation à résidence, s’effondre en pleurs.

Même sort pour les deux ressortissantes chinoises, qui étaient très probablement dans un réseau de prostitution auparavant et à qui la France doit donc la protection.

Le Cercle des Voisins intervient pour que soit donné à ces personnes le papier leur permettant de faire appel. Il avait oublié de leur donner, alors que ces personnes ne disposent que de 48 heures pour faire appel !

« J’ai demandé l’asile à la France, elle m’a mise en prison » me dit une personne

Honte à notre gouvernement de traiter les gens avec autant d’inhumanité !

Bravo et merci à toutes les personnes engagées dans le Cercle des Voisins, à la LDH, à la CGT migrants et aux avocats de l’association de défense des étrangers qui se battent pour le respect du droit, des principes républicains et de la dignité des personnes.

Nous nous battrons dans l’hémicycle contre la politique de maltraitance institutionnalisée faite aux personnes étrangères, pour que la France soit un pays digne et un pays d’accueil.

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