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Jeudi 1er février, c’est la « niche parlementaire » de la France insoumise : la seule journée de la session où le groupe est assuré de voir ses propositions débattues en séance.

En défendant aujourd’hui quatre propositions de loi sur le burn-out, l’accès inaliénable à l’eau, le récépissé des contrôles d’identité, le droit à mourir dignement et une résolution pour un référendum sur le CETA, le groupe France Insoumise entend à minima faire bouger les consciences et exporter le débat au delà des murs de l’Assemblée. Les quatre textes se sont nourris sur le terrain -pour certains depuis la campagne présidentielle -auprès des professionnels concernés, des acteurs de terrain, salariés, syndicalistes, associations concernées. D’autres comme le droit à l’eau s’inspirent « d’ateliers législatifs », expérience participative à la rédaction des lois, dont la démultiplication est le prochain projet phare de la France Insoumise.

A en juger par l’accueil sans surprise que leur ont déjà réservé les commission des Lois et des Affaires sociales du 24 janvier , sauf miracle, aucune ne sera adoptée. A 1h du matin pile, débat épuisé ou non, la loi des niches parlementaires veut généralement que le carrosse redevienne citrouille. Mais elles servent de tremplin aux débats que le mouvement compte déployer et identifient son ADN politique de façon pragmatique.

Un sondage Louis Harris pour la France Insoumise réalisé auprès de 2000 personnes, c’est à dire un échantillon double de celui des habituels sondages politiques, vient étayer leur actualité. La proposition la plus plébiscitée (par 82% des sondés) est celle qui acterait la garantie inaliénable de l’accès à l’eau défendue par le député Bastien Lachaud. Suit la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle soutenue par François Ruffin qui a puisé ses arguments…chez Lidl, « orfèvre » en management du broyage.

D’ailleurs la proposition de loi défendue par le député de la Somme porte le nom de Yannick Sansonetti retrouvé pendu dans un entrepôt Lidl. Selon l’étude Harris 81 % des Français sont favorables (dont 95% à gauche) à l inscription du burn-out au tableau des maladies professionnelles. Suivent l’approbation de l’euthanasie (78%) ou du suicide assisté (69%). Le récépissé contre les contrôles aux faciès (61%). Sur le CETA, les avis sont plus partagés 51% approuvant le traité contre 46% y étant opposés.

En tête du sondage, la proposition de loi constitutionnelle visant à faire de l’eau un droit inaliénable résulte de deux « ateliers des lois » tenus en janvier dans le Val de Marne et la Seine St Denis par la France Insoumise et d’une étroite coopération avec la coordination « Eau Bien commun France » présidée par Gabriel Amard. Jugée en commission trop « pétrie d’idéologie étatisante » par la droite ou redondante avec le droit existant, l’idée est pourtant le reflet d’un vide juridique. « En France beaucoup d élus locaux , y compris LR, réfléchissent au retour de l’eau en gestion directe pour leurs comunes, moins chère qu’en gestion privée » détaille Gabriel Amard. « Notre approche n’a rien d’étatiste. Nous défendons la gestion déconcentrée et la libre administration des communes. Il est faux de prétendre qu’en inscrivant le principe constitutionnel de l’eau comme bien commun on revient à une vision étatiste. 

La France ne se donne pas les moyens de garantir à tout citoyen l’accès aux 40 litres d’eau quotidienne définis par l’OMS. Elle a signé en 2010 la résolution des Nations Unies sur l’accès à l’eau mais ne l’a pas inscrit dans la Constitution. Les maires eux font bien la distinction. S’ils veulent différencier les tarifs de l’eau domestique et de l’eau à usage industriel ou agricole, ils le font à leurs risques et périls juridiques. Même s’ils installent une fontaine d’eau gratuite sur la place du village ils peuvent être attaqués en concurrence déloyale par les Suez ou Véolia ».

Burn Out… Faire payer les entreprises

Tout aussi approuvée dans l’étude Harris, la reconnaissance du Burn-Out comme maladie professionnelle fait aussi tousser droite et Macronistes. Chaque année, selon François Ruffin, les pathologies psychiques résultant de l’épuisement professionnel font 400 000 victimes . 500 seulement parviennent difficilement à les faire requalifier en maladie professionnelle. 

Le député de la Somme qui a levé ce lièvre depuis longtemps en écoutant des anciens salariés de Lidl (dont un directeur de magasin) sait pourtant de quoi il parle. Avant le numéro de Cash Investigation qui a marqué les esprits, il a auditionné des médecins du travail, des spécialistes de la prévention des risques au travail, des avocats et juristes, des psychologues cliniciens et même une ancienne DRH licenciée après un burn-out. Il cite les innombrables expertises qui mettent en évidence la sous déclaration des burn-out en dépit de ceux qui objectent la difficulté d’imputer les troubles psychiques aux conditions de travail et par conséquent leur reconversion en maladies professionnelles. Ruffin feint de s’étonner : « La lombalgie est bien inscrite au tableau de maladies professionnelles, que vous souleviez des charges ou jouiez au tennis tous les dimanche !». Il pointe aussi ces entreprises (comme Lidl) où le découragement des salariés et leur mise sous pression tient lieu de stratégie managériale.

Mais l’enjeu central de cette proposition de loi n’échappe à personne : Un burn-out reconnu maladie professionnelle ne pèserait plus sur la sécu comme aujourd’hui mais sur l’employeur qui en supporterait les conséquences financières à hauteur de 97%. Les macronistes objectent aussi qu’une mission est actuellement en cours à la demande du gouvernement .« Il y a toujours des raisons de repousser à plus tard ce qui vaut pour le bien collectif et relève pourtant d’un sujet sanitaire majeur.. Il est plus urgent de supprimer l’ISF et les CHSCT…là on trouve le temps… » dénonce-t-il.

Le récépissé attendra

Même avis de rejet de la proposition du député Eric Coquerel pour expérimenter durant un an le récépissé lors des contrôles d’identité. Outre une tribune parue dans Libération (signée entre autre de Benoit Hamon, Eva Joly, Marie Georges Buffet, Pouria Amirshahi, la Ligue des Droits de l’Homme…) le député de Seine St Denis a pris le temps de mesurer le déni d’égalité républicaine ressenti dans sa circonscription où les controles « aux facies » sont légion. Il a auditionné sociologues, associations de terrain, syndicats (dont ceux de la magistrature et de la CGT police.) Rencontré les familles de victimes (justice pour Theo) et celle de Mamadou Camara victime de violences policières. Des témoignages corroborés par à peu près tout ce qui s’est écrit ces dernières années sur le besoin de renouvellement des rapports police-population.

Malgré la discrétion des chiffres officiels plusieurs rapports (dont un du CNRS mené autour des gares parisiennes en 2009 ) ainsi que l’ONU qui dans son examen périodique universel de la France pointe le « profilage ethnique » pratiqué en France. En janvier dernier le Défenseur des Droits estimait que les jeunes hommes entre 18 et 25 ans perçus come noirs ou arabes connaissent une probabilité 20 fois plus élevée que le reste de la population de subir un contrôle. « Ce rituel discriminatoire peine à être reconnu comme une réalité. Tout démontre pourtant que les contrôles discriminants, pour des motifs inexistants, sont couteux et tendent les rapports avec la population. C’est l’investigation du pauvre et partie prenante de la politique du chiffre que tout le monde dénonce pourtant » estime le député qui ne desespère pas de faire évoluer les consciences, « notamment dans les rangs policiers où il est difficile de savoir ce que pense la base puisque c’est un corps qui fait corps avec ceux qui s’expriment le plus durement dans sa hiérarchie ». 

La Commission nationale consultative des Droits de l’Homme a déja qualifié le phénomène « d’ abcès de fixation » des tensions police-population dont les policiers sont eux mêmes victimes par retour de flamme . De plus , les contrôles d’identité ne sont que 5% à donner lieu à interpellations donc peu efficaces. C’etait même un aveu du candidat Macron qui déclarait en mars dernier : « Nous avons beaucoup trop de contrôles d’identité avec de la vraie discrimination »

Eric Coquerel préconise donc une expérimentation du récépissé par les collectivités volontaires (comme le Val de Marne ) durant un an, suivi d’une évaluation parlementaire. Royaume Uni et Espagne ont fait ce test et constaté l’abaissement des tensions ainsi qu’une gestion plus efficace du travail policier. « Le récépissé n’est en aucun cas un totem d’immunité pour les individus qui pourraient le brandir pour éviter des contrôles ultérieurs justifiés » insiste le député FI. Après 2H30 de débats, la commission des Lois s ‘est néanmoins rangée à l’avis de Manuel Valls (apparenté LREM) qui avait refusé d’appliquer cette promesse de campagne de…François Hollande quand il était place Beauvau y voyant un « signe de défiance des forces de l’ordre ». « Une philosophie anti flics » ont d’ailleurs renchéri les députés LR. Le récépissé serait à leur sens générateur de litiges, de complications du travail policier et de contraintes administratives supplémentaires. Ce que contredit pourtant l’expérience espagnole de Fuenlabrada : Testés durant 6 mois les contrôles avec récépissé sont passés de 958 à 253 assortis d’un taux de succès passé de 6% à 28%. Une alternative, en cours d’évaluation, pourrait être trouvée avec l’usage de caméras embarquées équipant les policiers comme aux Etats Unis. » on se dit que c’est peut etre une façon de faire évoluer les choses » conclut Eric Coquerel.

Fin de vie : plus loin que la loi Leonetti

La proposition de loi sur la fin de vie défendue par Caroline Fiat, député de Meurthe et Moselle, ancienne aide soignante est un thème récurrent de la France Insoumise. Durant la campagne présidentielle, Jean Luc Mélenchon a beaucoup consulté sur le sujet, rencontrant Jean Luc Roméro, président de l’association pour le droit de mourir dans la dignité. La rapporteuse, a auditionné des spécialistes de la fin de vie et des soins palliatifs et étudié les modèles Belge et Luxembourgeois. Sa proposition consiste à légaliser sous condition l’euthanasie et l’assistance au suicide, approuvée dans l’étude Harris pour la FI par 69% des sondés (favorables à 78% à l’euthanasie). Nouveau rejet en commission des LREM et de la droite invoquant …les évaluations en cours de la loi Claeys Leonetti et la tenue prochaine des états généraux de la bioéthique.

Réferendum sur le CETA

Reste…le référendum sur le CETA qui sera défendu par Clémentine Autain et autre cheval de bataille de Jean-Luc Mélenchon qui travaille au corps la gauche européenne sur le sujet depuis 3 ans moyennant un partenariat avec le groupe Die Linke. Lors du 55eme anniversaire du traité de l’Elysée, l’ex député européen a dénoncé le CETA qui accorderait , entre autre, une justice privée parallèle via les tribunaux d’arbitrage placés sous la coupe des grandes entreprises. Il y oppose la création d’un tribunal international de justice économique à l’ONU pour juger des crimes financiers transmationaux (fraude fiscale, corruption…) ainsi qu’un tribunal international de justice environnementale.

Pour sortir ces débats de l’hémicycle le groupe FI mobilisera toute la journée ses réseaux sociaux ainsi que ceux de chaque député. Facebook live, émissions en direct sur Youtube de 18H à 20H, page dédiée sur le site France Insoumise et tribunes dans la presse.

Marion Valente

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