Ce dossier est offert par le journal L’Heure du peuple.
La logique du gouvernement et du Président Macron de casse sociale et de démantèlement du système républicain de protection sociale en cours dans notre pays touche de front toutes les catégories de notre pays. La division orchestrée depuis des années entre les travailleurs du public et du privé, n’est que factice. Le recul des droits sociaux impacte la totalité des travailleurs et du pays.
Concrètement, quand la loi El Khomri casse le code du travail, les droits des fonctionnaires aussi reculent. La loi, par les ordonnances, circulaires ou décrets a déjà des incidences sur les fonctionnaires. Ainsi en est-il de l’ordonnance du 19 janvier 2017 issue de la loi qui supprime le maintien du plein traitement pour les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service. Ou encore une des circulaires du 31 mars 2017 sur le temps de travail dans la fonction publique.
Quand le statut des fonctionnaires est battu en brèche, tout l’édifice républicain vacille et tous les citoyens sont impactés. Le statut spécifique de la fonction publique trouve ses origines dans l’Histoire de notre pays et dans les choix faits depuis la Révolution française de l’organisation républicaine de la France.
Le statut des fonctionnaires, un choix de société
Contrairement à la situation des autres salariés liés à leur employeur par un contrat de travail individuel ou collectif se référant au code du travail, celle du fonctionnaire est réglée par une décision administrative unilatérale, qui s’applique dès sa nomination ou sa titularisation. Des textes législatifs ou réglementaires fixent ensuite, dans le cadre garanti par la Constitution, les dispositions applicables à l’ensemble de la carrière des fonctionnaires. L’ensemble ainsi défini échappe dans son principe à la négociation contractuelle individuelle.
L’inversion de la hiérarchie des normes vient de fait percuter le statut de la fonction publique, qui par son statut législatif se trouve au sommet de la hiérarchie !
Et ce sont alors les trois principes fondamentaux du statut qui se voient éreintés. Le principe d’égalité d’abord. Issu de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel tous les citoyens, égaux devant la loi, « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents », il conduit à la règle générale de recrutement dans la fonction publique par concours, traduisant dans l’accès aux emplois publics le principe d’égalité. La loi peut prévoir des dérogations, dans des cas particuliers, si elles ne remettent pas en cause le principe général. Ce même principe s’applique au déroulement de carrière.
Le principe d’indépendance ensuite. Il exprime la distinction entre le grade et l’emploi. Il est destiné à protéger les fonctionnaires contre l’arbitraire de décisions individuelles relatives à leur déroulement de carrière. Ce principe est destiné à assurer l’impartialité des fonctionnaires et leur indépendance, sans pour autant empêcher l’administration d’exercer sa capacité de choix des titulaires les mieux adaptés à chaque emploi.
Le principe de responsabilité enfin : ce sont ici les articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui sont visés : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » et « La Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Rendre des comptes suppose d’être responsable de l’exécution de ses missions.
Ces principes n’ont eu de cesse d’être attaqués notamment par l’accroissement de la précarité (sur les 5,4 millions de fonctionnaires, 1,7 millions d’agents ne sont pas sous statut de la fonction publique), l’appauvrissement des fonctionnaires (environ 1 million d’agents payés au niveau du SMIC), la multiplication de la rémunération au mérite ou encore les entraves à la liberté d’expression par les sanctions disciplinaires.
Macron et son gouvernement entendent désormais porter l’estocade finale !
Tout d’abord, en coupant les financements publics, seuls garants de la déconnexion du bien commun de la finance : 60 milliards de baisse de la dépense publique répartis en coupe de 25 milliards pour l’État, 13 milliards pour les collectivités, 15 milliards pour l’assurance maladie et 10 milliards pour l’assurance chômage.
Ensuite en supprimant les emplois nécessaires afin que les services ne puissent plus être rendus par la puissance publique : 120 000 suppressions d’emplois prévus (50000 à l’État et 70000 dans la Territoriale), auxquels s’est ajouté l’arrêt immédiat de dizaines de milliers d’emplois aidés.
Et enfin, en continuant la réforme territoriale avec la mise en extinction de 25 départements sur le périmètre géographique des métropoles.
Magali Escot
Une journée de grève et de mobilisation est organisée le 10 octobre à l’appel de l’ensemble des syndicats de la fonction publique. Il s’agit principalement de dénoncer le gel des rémunérations, la fin du jour de carence, les 120 000 suppressions d’emploi prévues sur le quinquennat. Cela fait plus de dix ans que l’on n’avait pas vu toutes les organisations syndicales s’entendre sur un cahier de revendication commun.
Appauvrissement des fonctionnaires
- Le gel du point d’indice
Depuis 2000, les très faibles augmentations de la valeur du point d’indice, puis son gel sur les 7 dernières années, ont provoqué une chute du pouvoir d’achat des fonctionnaires de 14 %. Pour exemple, cela représente :
- Pour un agent de catégorie C percevant 1200 €/mois : 168 € de perte mensuelle
- Pour un agent de catégorie B percevant 1500 €/mois : 210 € de perte mensuelle
- Pour un agent de catégorie A percevant 2000 €/mois : 280 € de perte mensuelle
Alors que Macron prévoit de s’attaquer aux régimes particuliers de retraite, il faut mesurer toutes les conséquences du blocage des salaires qui impacte le montant des pensions entraînant une mise en péril de la CNRACL (Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales).
- L’augmentation de la CSG de 1,7 point
Dès le 1er janvier 2018, avec ce nouveau prélèvement, la réduction du traitement indiciaire va se situer entre 17 et 100 € par mois. L’annonce de la compensation par le gouvernement est inégalitaire : remplacer cette perte par une prime (ne rentrant donc pas dans le calcul des retraites), versée aux seuls fonctionnaires en poste au 31 décembre 2017. Ce dispositif serait dégressif au fur et à mesure de l’avancée dans la carrière.
- L’application du jour de carence
Point d’indice différencié
Le traitement (le salaire des fonctionnaires) étant la base du statut national, le différencier revient à en finir avec l’égalité comprise dans le statut. Macron prétend vouloir augmenter la valeur du point d’indice pour certains fonctionnaires et pas pour d’autres, notamment les fonctionnaires territoriaux. Avec cette déconnexion des territoriaux du Statut général des fonctionnaires, Macron permettrait ainsi aux collectivités de fixer « arbitrairement » les rémunérations des agents et de mettre en place des « statuts locaux » !