Question écrite sur le chef politique des armées

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M. Bastien Lachaud interroge M. le Premier ministre sur l’opportunité de saisir le Conseil constitutionnel de l’interprétation de l’article 35 de la Constitution et sur le calendrier de consultation du Parlement sur les interventions extérieures de l’armée française. En France, depuis la Révolution française de 1789, le Parlement vote la conduite de la guerre, sauf durant la parenthèse de Vichy. Il en est de même sous la Vème République. En effet, l’article 35 de la Constitution commande de consulter le Parlement dès qu’une intervention extérieure (OPEX) se prolonge au-delà de quatre mois. Sa lecture logique commande ensuite, si les opérations se poursuivent, de renouveler cette consultation tous les quatre mois. Or cela n’a jamais été fait, et il y a même des interventions qui n’ont pas donné lieu à un seul vote : Barkhane, Syrie, Irak. Une confusion s’est également faite dans ce domaine avec les pratiques étasuniennes. Aux États-Unis, le président a des pouvoirs autonomes dont celui de disposer de la force armée. Ce n’est pas le cas en France où le Président de la République n’est que chef administratif, et non politique, des armées. Le seul monopole dont il dispose concerne l’emploi de l’arme nucléaire. Le Parlement est donc bien le chef politique des armées. À ce titre, le chef d’état-major des armées de Villiers était dans son rôle lorsqu’il s’est exprimé devant la représentation nationale. Les circonstances de sa démission sont le signe d’une crise ouverte entre un Président faisant preuve d’autoritarisme face à un chef d’état-major des armées qui avait légitimement rappelé l’iniquité de la nouvelle cure d’austérité imposée par Bruxelles et une armée qui ne se sent plus soutenue par la Nation tout simplement parce que la Nation n’est plus consultée sur ce que fait son armée. Dans ce contexte, il est plus urgent que jamais d’appliquer l’article 35 avec bon sens et démocratie, sinon il pourrait être considéré que le Président de la République s’arroge des pouvoirs que la Constitution ne lui donne pas. Certes, l’article 35 peut admettre plusieurs interprétations, mais le débat n’a jamais eu lieu. Il veut savoir s’il serait d’accord pour que le Conseil constitutionnel soit saisi contradictoirement de la manière dont l’article 35 doit être compris, soit dans le droit fil de la tradition qui date depuis 1789, que le général de Gaulle n’a pas voulu abolir, soit dans le sens d’une prérogative exclusive du chef de l’État. Dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel, il souhaite savoir quand le Parlement pourra débattre et se prononcer sur les interventions extérieures de l’armée française.

Retrouvez ici la question sur le site de l’assemblée.

Voici la réponse du ministre :

L’article 35 de la Constitution de la Vème République reprend des dispositions constitutionnelles antérieures qui traduisent l’idée que l’engagement d’une action de guerre susceptible de mettre en cause le sort même de la Nation doit être approuvé par la représentation nationale. Les prérogatives du pouvoir exécutif sont clairement définies : le Président de la République est, en vertu de l’article 5 de la Constitution, garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. Il est à ce titre le Chef des Armées et dispose d’une compétence de principe concernant l’engagement des forces armées. Le Premier ministre est, pour sa part, aux termes de l’article 21 de la Constitution, responsable de la défense nationale et le Gouvernement, en vertu de l’article 20, dispose de la force armée. L’article 35 de la Constitution apporte une dérogation de principe à la compétence du pouvoir exécutif en ce qu’il associe explicitement le Parlement à la « déclaration de guerre ». Cette notion de « déclaration de guerre » fait référence à la troisième convention de La Haye du 18 octobre 1907 relative à l’ouverture des hostilités. Or, depuis 1945, les opérations militaires auxquelles la France a participé n’ont pas été précédées de telles déclarations formelles. De fait, les dispositions de l’article 35 n’ont pas été mises en œuvre depuis 1958. C’est pourquoi l’article 13 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a complété l’article 35 de la Constitution pour l’adapter aux formes contemporaines de l’action des armées : d’une part, pour imposer au Gouvernement la nécessité d’informer le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger au plus tard trois jours après le début de l’intervention - cette information pouvant donner lieu à un débat qui n’est pas suivi d’un vote - et, d’autre part, pour subordonner à l’autorisation du Parlement la prolongation de telles interventions au-delà de 4 mois. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle, l’Assemblée nationale a déjà eu à se prononcer à sept reprises au titre de l’alinéa 3 de l’article 35 de la Constitution, dont trois fois au cours de la XIIIème législature et quatre fois au cours de la XIVème : le 22 septembre 2008 a ainsi été autorisée la prolongation de l’intervention des forces armées en Afghanistan ; le 28 janvier 2009 a été autorisée la prolongation de cinq interventions (au Tchad, en République centrafricaine, en Côte d’Ivoire, au Liban et au Kosovo) ; le 12 juillet 2011, l’Assemblée nationale a approuvé la prolongation de l’intervention en Libye ; le 22 avril 2013 a été autorisée la prolongation de l’opération Serval menée au Mali ; le 25 février 2014 a été approuvée la prolongation de l’intervention en Centrafrique (opération Sangaris) ; le 13 janvier 2015 a été autorisée la prolongation de l’intervention en Irak (opération Chammal) ; et le 25 novembre 2015, les députés ont voté la prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien. Ainsi, les dispositions de l’article 35 de la Constitution telles que modifiées par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 sont claires et ne sauraient être lues comme imposant le renouvellement de la consultation du Parlement tous les quatre mois lorsque l’intervention extérieure des forces armées se prolonge sur une longue période.

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