Loi contre la « cyberhaine » : pourquoi est-elle dangereuse ?

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Débattue à l’Assemblée ce mercredi 3 juillet, la loi préparée par la majorité pour lutter contre la « cyberhaine » fait polémique. Créée dans le but de contraindre les principaux réseaux sociaux présents en France de chasser les contenus haineux et illicites de leurs plateformes, elle s’annonce d’ores et déjà inutile puisque les outils juridiques existent déjà. Pire encore, elle promet d’être un danger pour la défense des droits et des libertés.

Une nouvelle loi : pour quoi faire ?

Après sa loi sur les « fake news », le gouvernement revient légiférer à l’Assemblée sur son autre cheval de bataille numérique : la loi contre la « cyberhaine ». Il s’agit d’obliger, à travers la menace de lourdes sanctions, les géants des réseaux sociaux tels Twitter et Facebook à bannir de leurs plateformes les messages et contenus manifestement illicites. Sont visés par cette loi les messages racistes, homophobes et sexistes, mais aussi à caractère terroriste, pédopornographique ou encore manifestant un harcèlement sexuel en ligne.

Si la lutte contre ces contenus et contre le cyberharcélement est indispensable et de première importance, il convient de rappeler que les moyens d’agir existent déjà. L’article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse et applicable à toute communication en ligne organise un référé spécifique contre la diffusion de propos de haine à raison de l’injure commise envers une personne ou un groupe de personnes. Dans le même temps, l’article 6-I 8° de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, permet à l’autorité judiciaire de prescrire, en référé ou sur requête, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

Alors pourquoi faire voter une nouvelle loi ? L’objectif, à terme, de cette proposition de loi, est bien de transférer la charge de la régulation des propos diffusés sur les réseaux sociaux de l’autorité judiciaire vers les plateformes privées. Une solution de facilité pour le gouvernement qui, au lieu de donner de véritables moyens à la justice pour lutter correctement contre ces violences (formation de policier·es pour recevoir les plaintes, permettre une réaction judiciaire rapide face au cyberharcelement, etc.), délègue le pouvoir de censure de ces contenus à des multinationales qui n’ont que faire de la garantie des droits et libertés.

Vers une censure automatisée de l’information

Si la justice dispose déjà d’outils identifiés pour lutter contre la « cyberhaine », quels seront ceux utilisés par les plateformes et à quel prix ? 

D’un coté, l’usage généralisé d’algorythmes et de processus automatisés pour détecter les messages offensants risque de provoquer une censure abusive et « a priori » des contenus. De l’autre, les signalements ou mises en demeure envoyés par des autorités non impartiales, comme le CSA, posent de réelles questions sur le traitement qui sera consacré aux informations en ligne.

Rappelons enfin que les menaces de sanctions financières particulièrement lourdes en cas de non respect de cette loi inciteront également les plateformes à faire de la censure « préventive » pour éviter toute amende. Il vaudra alors mieux supprimer une publication sur laquelle un doute existe ou qui serait « susceptible de » pour éviter tout ennui judiciaire. De quoi laisser la porte ouverte à toutes les dérives. 

Quant aux voies de recours en cas de censure abusive, rien n’indique que Facebook ou Twitter permettront une action rapide et équitable pour contester leur décision. Une possibilité garantie, au contraire, par la justice.

Intervention de Jill Royer, responsable des outils numériques de La France insoumise, 27 juin 2019

Cette loi « cyberhaine » s’annonce donc comme une nouvelle mesure liberticide d’Emmanuel Macron qui arrive « en même temps » à priver la justice de véritables moyens pour faire appliquer les mesures existantes et, de l’autre, à créer de nouvelles lois inutiles sur un sujet pourtant majeur. 

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