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Publiée le 13 octobre, la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale devait fournir la vision globale dont la France a besoin. Malheureusement, elle ne répond pas aux défis posés par les transformations du monde. Ce document censé offrir un soubassement stratégique à la prochaine Loi de Programmation Militaire ne tire aucun bilan des choix hérités des précédents quinquennats.

Ainsi, nulle part n’est questionné l’intérêt pour la France de multiplier les « opérations extérieures ». Pourtant, la banalisation des Opex, reprise de la pratique étasunienne de la « guerre au terrorisme », condamne à des guerres sans buts clairs, donc sans fin, qui renforcent à terme les ennemis qu’elles prétendent réduire. La menace de l’action terroriste ne relève pas de la guerre classique. La France doit s’attaquer à ses multiples racines plutôt que de s’épuiser à en traiter seulement les manifestations. Les interventions militaires ne sont pas à exclure a priori mais à inscrire dans le cadre d’une stratégie globale aux objectifs précis.

Autre lacune : alors qu’Emmanuel Macron semble déterminé à mettre en œuvre un service national aux modalités confuses, la Revue ignore les conséquences de la suspension de la conscription, ni celles qu’aurait ce nouveau service du point de vue du lien armée-nation ou sur le plan financier.

La question budgétaire est éludée. Pourtant, après des coupures en 2017 de 850 millions d’euros ayant entraîné la démission du chef d’état-major des armées (CEMA), le budget 2018 passera encore sous les fourches caudines des coupes claires. La hausse affichée de 1,8 milliard d’euros sera engloutie par les reports des coupes de 2017 et le transfert, au mieux partiel, au ministère de la Défense du coût des opérations extérieures.

Ces manques ramènent cette Revue à un élément de communication après la crise entre le CEMA et le Président. Le présidentialisme de la 5ème République est d’ailleurs renforcé quand la question de la dissuasion nucléaire est expédiée sans effort d’actualisation dès la préface par E. Macron. Le sujet mériterait d’être abordé sans légèreté ni dogmatisme. En particulier quand l’adhésion de la France au bouclier anti-missile de l’OTAN érode les fondements doctrinaux de la dissuasion.

Le Président a également choisi de s’enferrer dans le concept de « souveraineté européenne », pour promouvoir, entre autres, l’Europe de la Défense. C’est oublier que la Défense s’applique à un territoire et à un peuple soumis à une loi commune décidée librement. Elle implique une cohérence géopolitique. L’Union européenne ne remplit pas ces conditions. En outre cette prétendue « souveraineté européenne », si elle avait une substance, se heurterait à l’impératif atlantiste inscrit dans les traités européens. La réaffirmation régulière de l’inscription dans l’OTAN achève de démontrer que le retour revendiqué à la ligne « gaullo-mitterrandienne » n’est qu’une posture.

La France aurait pourtant tout intérêt, devant le basculement de l’ordre des puissances, à réaffirmer son indépendance géopolitique. Face notamment à l’érosion de leur hégémonie économique, les Etats-Unis sont sans cesse tentés de mettre en avant leur prééminence militaire. Cette réalité structurelle, cumulée au caractère erratique et agressif de Donald Trump, en fait une puissance des plus dangereuses pour la sécurité collective.

Les propositions de la France Insoumise partent au contraire du principe que la République française ne doit pas être définie par son appartenance occidentale. Sa position géographique ne lui permet pas un tel rabougrissement, et sa devise est par principe universelle. Certes le monde multipolaire qui s’avance ne nous protège pas de la guerre mais la France peut contribuer de manière décisive à la paix, son intérêt suprême, à condition de redéployer son action internationale, entre autres en direction des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Ce redéploiement doit aller de pair avec une réorientation du contenu de l’action extérieure. Nous aurions intérêt à promouvoir, en priorité au sein de l’ONU, des coopérations et un multilatéralisme fondés sur l’indépendance de chacun.

Ces remarques ne font qu’effleurer les insuffisances de la Revue. Quid par exemple des bouleversements géopolitiques exponentiels d’une crise écologique globale dont il est à peine fait mention ? Quels arguments sont apportés en faveur du maintien du dispositif Sentinelle dont de nombreux spécialistes questionnent la pertinence ?

Une stratégie digne de ce nom ne peut survivre aux non-choix tranchés en dernière instance par des considérations comptables. Les intérêts de la Nation ne peuvent être définis exclusivement par le président de la République. La France Insoumise, via notamment ses parlementaires, appelle à rouvrir le débat, pour l’heure confisqué, sur ces enjeux essentiels pour l’avenir de la Nation.

Alexis Corbière, député de Seine Saint Denis, membre de la commission de la Défense nationale et des forces armées
Bastien Lachaud, député de Seine Saint Denis, membre de la commission de la Défense nationale et des forces armées
Djordje Kuzmanovic, porte-parole international et défense de la France insoumise.
Théophile Malo, co-rédacteur du livret de la France Insoumise « Une France indépendante au service de la Paix ».

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